vendredi 1 septembre 2017

Pourquoi j'aime tant les sciences de la nature ?

Pourquoi j'aime tant les sciences de la nature ? La question m'est posée ce matin par un étudiant qui cherche à déterminer l'activité professionnelle vers laquelle il se dirigera. Il se trouve que, après que nous avons en commun analysé ses goûts personnels, ses inclinaisons, nous en sommes venus à lui proposer de choisir une direction parfaitement différente de la mienne.
Mais avant d'en arriver à cette dernière, j'ajoute que nous avons évoqué à la fois les activités proprement dites, et les circonstances de leur exercice, selon le bon principe qu'une activité professionnelle s'analyse en termes d'intérêt intrinsèque (l'intérêt du travail, pour une personne particulière), extrinsèque (combien l'on gagne, par exemple) et concommitant (la reconnaissance sociale par exemple).

Ainsi, dans les grosses sociétés, la loi et les possibilités financières procurent des comités d'entreprises bien dotés, des formations, des tas d'avantages que l'on n'a pas quand on travaille dans de petites sociétés, ou en libéral, ou quand on est fonctionnaire… Inversement, il y a une organisation bien plus lourde, une stratégie qui dépasse tous ceux qui sont en bas de l'échelle, par exemple.

Dans les petites sociétés, d'autres avantages, et d'autres inconvénients. Par exemple, dans une activité précédente, dans une petite société, je n'ai pu avoir que deux semaines de vacances par an pendant de très nombreuses années. Certes, les vacances que je ne prenais pas étaient payées, mais, la société étant petite, nous n'avions pas la possibilité de faire différemment, et nous n'étions pas en phase avec un environnement où les amis, familles, relations étaient plus disponibles. Il n'y avait pas de comité d'entreprise, nous n'avions pas besoin de représentation syndicale, par exemple, mais nous avions bien des avantages. Par exemple, une hiérarchie réduite, une plus grande responsabilité, et une action plus directe sur la marche de l'entreprise.
En libéral, que je connais pour d'autres raisons,  on est son propre maître, et il y a une liberté absolue… dans les limites d'une activité suffisante… Evidemment, on doit alors tout faire, au lieu de confier à d'autres le soin de faire fonctionner la structure.
Le fonctionnariat, lui, a d'autres avantages et d'autres inconvénients, et, pour ce qui me concerne, ayant connu les deux types d'activités, industrielles et publiques, je peux dire que je ne supporte mon statut de fonctionnaire que parce qu'il me donne la possibilité d'une action véritablement politique, au sens quotidien du terme, et non pas de la politique politisante.

Mais revenons à notre jeune homme. Nous avons donc conclu pour lui une direction qui était différente de la mienne, et qui, pour lui, sera bien préférable. Alors pourquoi, pour ce qui me concerne, fais-je tant de sacrifices pour mon activité actuelle, scientifique ?
En réalité, je suis exactement à ma place, parce que je ne suis pas remis des deux caractéristiques qui fondent la science, et, plus particulièrement, la physique chimique.
Ainsi, j'ai raconté dans un livre (La Sagesse du Chimiste, Editions L'oeil neuf) comment l'expérience de l'eau de chaux qui se trouble m'avait émerveillé à l'âge de six ans, et, en en parlant, je retrouve cet éblouissement intérieur, qui, au fond, ne m'a jamais quitté. Je revois le moment exactoù j'ai fait cette expérience, les circonstances, le lieu où je me trouvais, l'heure du jour où j'ai vu la première fois la matière se transformer, comme on pourrait dire un peu hâtivement.


Mais peu après il y a eu cette compréhension complémentaire que l'on peut exprimer par cette phrase de Galilée : « Le monde est écrit en langage mathématique ». Oui, il y a là, peut être encore plus que pour le premier cas, quelque chose d'extraordinaire. J'ai d'ailleurs bien choisi mes mots : dans le premier cas, il y avait un émerveillement, mais dans le second, il y avait quelque chose de quasi surnaturel, de littéralement miraculeux. De ces miracles quotidiens qui sont comme des paillettes d'or emportées par le flot, et que nous ne voyons que si nous décidons d'aller y voir.
L'expérimentation, d'une part, et la théorie, de l'autre. Nous sommes solidement campés sur ces deux pieds. L'un ne se conçoit pas sans l'autre, et, contrairement à une idée fausse, les sciences de la nature ne sont donc pas des nébulosités et les scientifiques des farfelus échevelés ; au contraire, leur activité est profondément enracinée dans le travail expérimental, dans les « faits ».


A ce mot, je tressaillis évidemment, car j'entends bruire une certaine épistémologie un peu faible,  qui ne manquera pas de nous dire, suivant quelques arguments d'autorité qui méritent d'être renversés, que les faits n'existent pas… mais Alexandre a tranché le nœud gordien, et nous devons faire ainsi pour ce qui concerne l'épistémologie. Que l'on ne me prenne pas pour un perdreau de l'année : je connais les discussions qui ont eu lieu à propos de la mécanique quantique, je connais les discussions épistémologiques autour des faits… mais j'invite mes amis à se souvenir que nous avançons quand nous bougeons les jambes, que nous sommes essoufflés quand nous courons, que nous avons chaud quand le soleil brille, froid quand la neige tombe… Quand je plonge un thermomètre dans de l'eau qui me brûle la main, je vois le niveau du mercure s'élever dans le canal central de l'appareil ; quand je branche un fil conducteur aux bornes d'une pile, ce dernier chauffe et je me brûle. On le voit, je ne parle pas de vérité, mais de faits expérimentaux.

Allons, dépassons ces discussions dont l'intérêt est plus que limité, en vue de mieux identifier ces enthousiasmes qui nous font lever le matin. Oui, je crois que les sciences de la nature sont merveilleuses, et notamment parce qu'elles sont l'honneur de l'esprit humain.
Et oui, j'ai ce bonheur inouï d'avoir une passion pour l'expériemntation et le calcul, c'est-à-dire eexactement ce qui constitue la science. J'ai donc cette chance sublime d'être parfaitement à ma place, et cette possibilité extraordinaire de n'avoir qu'une envie quand je me lève le matin : aller au laboratoire. Et non pas aller au laboratoire pour voir les collègues, les étudiants, mais bien plutôt pour me régaler des difficultés des expériences bien faites et des subtilités des théories, de leur merveilleuse adéquation aux expérimentations : quel bonheur !




PS. Pour le jeune ami qui est venu me consulter, il est apparu qu'il aurait été malheureux, au long cours, d'avoir cette activité activité qui me passionne tant, mais nous sommes convenus qu'il serait très heureux d'avoir une activité technique, puisque cela est plus dans ses goûts. Je lui souhaite beaucoup de réussite... laquelle découlera logiquement de son engagement et de son activité soutenue, dans cette voie.

jeudi 31 août 2017

Transformer les règles en postulats

Une règle, c'est une règle, c'est-à-dire une contrainte. Et le nombre des règles, des lois est si grand que l'on ploie sous le faix, sous le joug. D'ailleurs, j'ai assez dit combien il importait de supprimer des règles anciennes quand on en introduisait de nouvelles, en soulignant aussi qu'il était inutile de faire "des lois qui punissent les bons élèves", alors que précisément, les mauvais s'efforcent (et réussissent) de contourner les lois faites à leur encontre.

Cela dit,  on sait que les règles  peuvent être stimulantes, en poésie : Victor Hugo a joué de l'alexandrin, et une bonne partie de la littérature est une façon de poser des règles et de les enfreindre. L'unité de temps, de lieu, d'action a fait le théâtre classique. De même pour la règle de la bienséance, qui exclut violence et intimité physique. Et l'Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle) s'est fait un jeu d'introduire des règles formelles, telle la règle S+7, qui est en réalité un protocole, et qui préconise, partant d'une phrase, d'en former une autre en remplaçant chaque mot par le septième mot derrière lui dans le dictionnaire.
En musique, même tabac : les règles du contrepoint, par exemple. En peinture : les règles de la perspective, si bien mises à bas par la peinture moderne. En sculpture, même chose. Et, plus généralement, l'art n'a eu de cesse que d'abattre des règles, au point que c'en est presque la marque, et la raison pour laquelle l'art moderne est d'abord si difficile pour certains qui ne retrouvent plus les structures auxquelles ils s'étaient lentement habitués.

Pour autant, une règle reste une contrainte, et il y a au moins cette connotation, même dans les perspectives les plus positives. Dans un groupe de recherche, par exemple, il faut quand même "obéir aux règles", même quand nous nous sommes donnés nous-mêmes ces règles.

D'où l'idée : transformons les règles en postulats ! Un postulat, c'est une donnée sur laquelle s'érige une théorie. Une base solide qui nous aide. Il suffit d'un changement de nom, et hop ! Le tour est joué : d'une contrainte négative, nous faisons une aide, positive.




mardi 29 août 2017

Ni adjectif ni adverbe ? Une merveilleuse possibilité


Hier, j'ai posté un billet de blog où je dis qu'il ne faut ni adjectif, ni adverbe dans nos textes scientifiques, parce que ce sont des mots imprécis, voire sans sens, qu'il faut remplacer par la réponse à la question « Combien ? ».

Voir http://hervethis.blogspot.fr/2017/08/ni-adjectif-ni-adverbe-une-merveilleuse.html

Il y a eu des lecteurs intéressés, mais quelques uns ont contesté cette idée, disant que les adjectifs et les adverbes font partie de la langue française, par exemple. Pourtant, aucun n'a discuté vraiment la question dans le contexte des études scientifiques, et aucun n'a donné d'argument contre ma thèse. Je la maintiens donc absolument, et, rapporteur de manuscrits scientifiques, je m'évertuerai sans cesse à lutter contre ces scories de la pensée scientifique.


Pour autant, ce qui était une espèce de censure peut devenir un atout, et, au lieu d'interdire les adjectifs et les adverbes, je propose une voie bien plus brillante, plus positive, plus prometteuse même en termes de production scientifique : chaque fois que nous remplaçons un adjectif ou un adverbe, nous affinons la compréhension des phénomènes. 
Chaque adjectif ou chaque adverbe est donc la possibilité d'améliorer le travail que l'on fait. Pour quiconque a une idée de la science un peu élevée (et seuls ceux-là m'intéressent), alors les adjectifs et les adverbes sont merveilleux, parce que ce sont des proies faciles, des possibilités rapides d'amélioration de nos travaux. 

Autrement dit, j'aime beaucoup les adjectifs et les adverbes parce qu'ils me permettent à bon compte de produire de la meilleure science.

lundi 28 août 2017

Une bonne pratique : éviter les adjectifs et les adverbes.


Parmi les bonnes pratiques il y en a de compliquées et il y en a de simples. L'une des plus simples tient dans cette phrase : se méfier des adjectifs et des adverbes, voire les éradiquer. On se prépare à dire "de nombreuses l'étude", et l'on s'arrête : combien ? On se prépare à dire "important"  : important ? On se prépare à dire "grand", "petit", etc., et cela vaut la peine de s'arrêter : grand par rapport à quoi, petit par rapport à quoi ?
La science, ce n'est pas du baratin, ce n'est pas de la "communication", au sens le plus bas. Il s'agit, pour commencer, d'avoir une caractérisation quantitative des phénomènes que l'on étudie. Ce que ne donnent pas les adjectifs, et encore moins les adverbes. "Important", c'est nul, mais "très important" !

Je propose comme une bonne pratique d'expurger de nos articles tous les mots qui ne sont que des chevilles, à commencer par les adjectifs et les adverbes. J'invite tous les auteurs de manuscrits scientifiques à éradiquer adjectifs et adverbes, tous les rapporteurs à pourchasser ces derniers.
Plus généralement, ce sont les imprécisions qui sont à bannir. Par exemple, cette expression minable "De tout temps l'homme..." : de tout temps, vraiment ? même quand l'espèce humain n'existait pas ? on voit que, là encore, on parle pour ne rien dire, puisque l'on n'apporte aucune information avec cette expression. Et puis, les généralisations sont... généralement bien dangereuses, et le grand (;-)) Michael Faraday le disait bien, parmi ses six conseils : ne pas généraliser hâtivement.

Positivement, n'oublions pas que la science commence par des caractérisations quantitatives des phénomènes qu'elle explore !

dimanche 27 août 2017

En science, il y a lieu de comprendre… mais c'est cela le bonheur de notre activité scientifique !


Analysant rétrospectivement une série d'expériences que je viens de terminer, je m’aperçois que ma supériorité scientifique (ne craignez rien : les chevilles n'enflent pas) par rapport à des étudiants venus récemment en stage tient notamment au fait que je ne me résous jamais à faire quelque chose que je ne comprends pas.
Par exemple, considérons les protocoles d'analyse par des méthodes du type de la chromatographie en phase gazeuse. Dans le principe, c'est tout simple : on prend un échantillon liquide à l'aide d'une seringue, et on l'injecte dans une « colonne » chauffée (un très long et fin tuyau, de plusieurs mètres de long, du diamètre d'un cheveu, enroulé sur lui même afin de ne pas occuper trop de place) où souffle un courant régulier d'un gaz. Le liquide est évaporé et la vapeur est emportée par le gaz. Quand l'échantillon contient des molécules de plusieurs types, c'est-à-dire quand l'échantillon injecté est constitué de plusieurs composés, ces derniers migrent à des vitesses différentes, de sorte qu'ils arrivent séparés à la sortir du tuyau, ce qui permet de les analyser.
Quand on fait une telle analyse, on commence par chercher un protocole, dans une publication scientifique. En supposant que les molécules qui nous intéressent ont déjà été analysées par la méthode que l'on a retenue, on en vient à reconnaître que, puisque la méthode a été publiée, elle a été évaluée par les pairs, de sorte qu'elle est validée, et utilisable. Comme nous faisons tous de même, les mêmes méthodes se répètent généralement de publication en publication, chacun se citant légitimement.
Pourtant, quand on analyse l'historique d'une telle méthode, on observe que, bien souvent, l'esprit des méthodes est progressivement transformé, et je dirais même perverti, au point que l'on se retrouve finalement avec des usines à gaz : une méthode simple, qui avait été mise au point pour un cas particulier, est ensuite compliquée pour un cas un peu différent, puis cette méthode est encore compliquée pour un autre cas analogue, jusqu'à ce que l'on arrive à l'usine à gaz.
Il y a alors lieu, face à des méthodes compliquées que nous lisons dans des publications, de se poser la question de la légitimité des détails expérimentaux, et il arrive fréquemment que, face à une usine à gaz, on puisse simplifier le protocole en revenant à des principes simples tels que « l'huile n'est pas soluble dans l'eau ». Je sais d'ailleurs un camarade de promotion de l'Ecole supérieure de physique et de chimie de Paris (ESPCI) qui a fait faire des économies immenses à une très grosse société dont il a remis à plat les formules.
Il y a donc toujours lieu de bien comprendre ce que l'on fait. Cela vaut pour les méthodes, pour les protocoles, pour tout ! Par exemple, on lit que pour préparer une solution d'amidon, il faut chauffer de l'amidon dans l'eau et ajouter du sel. Pourquoi chauffer ? Pourquoi du sel ? En l'occurrence il faut chauffer parce que l'amidon est présent sous la forme de petits grains insolubles de deux composés, amylose et amylopectine ; pour certains dosages, l'amylose doit être libéré en solution. Mais l'amylose est sous la forme cristallisée dans les grains d'amidon, et il faut chauffer pour que l'amylose passe en solution. Le sel ? Quand l'eau qui contient l'amylose en solution refroidit, les molécules d'amylose ont tendance à recristalliser, et le sel évite cette recristallisation. Pourquoi le sel évite-t-il la recristallisation ? Voilà le type de questions qu'il serait erroné de croire allant à l'infini : ce serait un relativisme idiot, car, en réalité, un peu de jugeotte permet de s'arrêter judicieusement. Mais, surtout, ce sont des questions importantes,  qu'il faut considérer soigneusement pour éviter de faire n'importe quoi : par exemple omettre le sel, ou en mettre des quantités inappropriées, etc.
Pour tous nos actes scientifiques, qu'il s'agisse de calcul ou d'expérimentations, nous devons absolument comprendre ce que nous faisons, sans quoi nous ferons environ n'importe quoi et nos travaux scientifiques seront inutiles.

samedi 26 août 2017

Fingerspitzengefühl, l'intelligence du bout des doigts... Non, l'habileté scientifique



Fingerspitzengefühl ? Que signifie ce mot très long ? C'est de l'allemand, qui signifie environ « intelligence du bout des doigts », mais pas exactement, et c'est précisément la différence qui est intéressante.


Finger, c'est le doigt : là, pas de glissement de sens. Spitzen : c'est la pointe, et une connotation non pas d'extrémité, mais d'extrémité effilée, pointue. Et Gefühl n'est pas « intelligence », mais le ressenti, la sensation.
Dans ce mot allemand intéressant, il y a donc la perception la plus affinée que l'on a avec les doigts, plutôt une sensation qu'une action, alors que l'expression française d'  « intelligence du bout des doigts » y met d'abord la tête, la réflexion, plutôt que la sensation. On trouve là le vieux débat entre la tête et la main, certains prétendant que c'est la tête qui fait marcher la main, et d'autres reconnaissant justement que la tête sans la main n'est rien. En réalité il faut les deux, de sorte que ni le mot allemand ni l'expression française ne conviennent vraiment pour dire cette intelligence habile de la manipulation laquelle met en œuvre une tête intelligente et des doigts sensibles, percevant bien et agissant précisément.
On ne dira jamais assez, surtout dans notre société française dominée par le calcul, les mathématiques, qu'aucune théorie du tennis ne permettra jamais de jouer comme un champion à qui ne pratique pas. En matière scientifique, où s'imposent à la fois le calcul et expérimentation, il en va de même : on aura beau calculer merveilleusement, on ne fera pas de science décente si l'on est incapable de bouger correctement ses doigts ou si l'on n'a pas, autour de soi, des collègues qui ne font pas cela parfaitement. Dans l'expérimentation, le geste est constant, et déterminant, même quand l’expérience a été parfaitement planifiée.
Je sors, par exemple, d'un dosage qui imposait des gestes tels que emplir une burette, actionner un robinet, de sorte que la solution de dosage vienne goutte à goutte, et non seulement goutte à goutte, mais avec des gouttes tombant avec un rythme précis ; je veux ici témoigner de ce que s'imposait absolument un doigté extrêmement précis, pour remplir la burette sans qu'aucune goutte de solution ne vienne jaillir, pour que le rythme d'écoulement des gouttes soit tel qu'il fallait aux divers stades de l'expérimentation, c’est-à-dire plus lentement surtout vers la fin (environ une goutte toutes les trente secondes).
Cela, c'est pour les sciences de la chimie, mais il en va de même pour les sciences physiques, et je me souviens d'expériences de microscopie à force atomique où le maniement des pointes, même s'il était finalement commandé électriquement par un cristal piézo-électrique, imposait des manipulations minutieuses.
On ne dira pas assez que la science est non seulement affaire de compréhension au niveau le plus abstrait, mais aussi de précisions dans les calculs et de précision expérimentale. La tête doit être parfaitement affûtée, et les doigts également. J'ai été longtemps fasciné par ce mot allemand Fingerspitengefühl, que j'avais recueilli de la bouche d'un lauréat du prix Nobel, mais je sais aujourd'hui que le mot est inapproprié, et il y aurait lieu de concocter un néologismes autour de mots tels que « dextérité » ou « habileté ». Dextérité ? Pour un gaucher, c'est quand même un peu exagéré. Habileté ? Le mot provient du latin « convenable ».
Habileté scientifique ?

Les questions à propos des expérimentations.









Cela fait bien longtemps que je m'interroge sur les règles à donner à nos étudiants à propos d'expérimentation. Par exemple, il est signalé que la blouse de laboratoire ne doit pas quitter le laboratoire et ne pas venir dans le bureau où elle contaminerait ce denier. Mais le cahier de laboratoire ? Celui là fait effectivement la navette, parce qu'il faut l'avoir sous la main pendant la manip, mais ensuite il faut exploiter les résultats, dans un bureau. Le cahier étant souillé, il contamine le bureau.


Quiconque c'est posé cette question a conclu que le cahier de laboratoire ne doit pas être sur la paillasse mais ailleurs : sur un meuble que l'on garde propre, sur une chaise… Cette fois, il y a un léger mieux… mais quand nous consignons les résultats, souvent nous avons des gants aux mains, lesquels sont souillés, et nous utilisons un stylo, qui va se contaminer par le contact avec les gants. On pourrait imaginer que le stylo reste au laboratoire mais on n'empêchera pas que le stylo contamine le cahier, qui contamine le bureau.



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On sait que le risque zéro n'existe pas, et cette chaîne de petites observations à propos du cahier de laboratoire sert surtout à montrer surtout qu'il y a lieu d'être vigilant. Quel fluide tombe sur la paillasse ? Quels gestes faisons-nous ? Pourquoi les faisons nous ?


C'est par l'examen de ces mille questions que nous faisons un travail passionnant et difficile. Par exemple, faire un bon dosage, ce n'est pas seulement être patient et travailler posément ; c'est en réalité un travail qui demande de la dextérité, de l'habileté, de la patience, de la réflexion… Il faut une « intelligence expérimentale » considérable, sous peine de faire à peu près n’importe quoi… et c'est la raison pour laquelle nous devons proposer aux étudiants des séances de travaux pratiques nombreuses, et bien pensées. J'ai plaisir à signaler que l'Ecole supérieure de physique et de chimie de Paris (l'ESPCI Paris) organise ainsi les études : pendant quatre ans, des études théoriques tous les matins, et des études expérimentales tous les après midi.