mercredi 30 mars 2016

Ne confondons toujours pas

Amusant : un correspondant parle d'un industriel de la chimie, et il écrit "Oui. Il s’agit d’un ancien cadre de l’usine xxxx. Donc un chimiste, comme vous…". 

Un chimiste comme moi ?  Ma réponse : 


Un chimiste comme moi ? Disons qu'il y a des chimistes, techniciens ou ingénieurs qui mettent en oeuvre des réactions, et des gens qui font des sciences chimiques, à savoir qu'ils étudient les mécanismes des transformations. 
Je ne crois  pas que l'on puisse ranger Marie Curie avec les exploitants d'Areva, pour prendre une comparaison dans un champ différent, ni les physiologistes de la vision des couleurs avec les peintres en bâtiment, ni les biologistes de l'Inra avec les jardiniers. 
 Je ne méprise aucune catégorie professionnelles (sauf les catégories malhonnêtes par principe, bien  sûr), mais je crois que nous avons intérêt à voir les différences ! 

Vive la connaissance produite et partagée

mardi 29 mars 2016

Ce matin, un communiqué de presse où je lis "Nouveauté été 2016, dans la capitale mondiale de la gastronomie...".

Evidemment, je réponds : "La capitale mondiale de la gastronomie : Colmar ou Strasbourg ?"

Le cabinet de presse me dit alors  : "Nous faisions référence à Lyon et au titre donné par Curnonsky. Les semaines gastronomiques de xxx se déroulent à Lyon mais elles sont bien sûr dédiées à tous les gastronomes français, de Rhône-Alpes et d’ailleurs, ainsi qu’aux gourmets étrangers. Certaines semaines leur sont d’ailleurs dédiées (Chinois, Corée, Espagnol, etc.).

Ce qui attire (évidemment) de ma part le commentaire suivant :


Merci de votre retour. Mais c'est un peu comme  si le critique culinaire du Figaro (ou Monde, ou France Info, ou France Inter, ou TF1, ou M6... (je n'ai rien contre les gens honnêtes) décidait que la Capitale de la Gastronomie était Rungis, ou Tours, ou  Bordeaux, ou Dijon... Je ne cite pas ces villes au hasard : elles étaient candidates pour abriter la Cité de la gastronomie, quand la France a inscrit le repas gastronomique des Français au Patrimoine immatériel de l'humanité.
Et je maintiens que je mange mieux à Colmar, à Strasbourg ou à Paris qu'à Lyon : d'une part, la cuisine qui s'y fait est plus proche de ma culture (manger  bien, c'est manger ce que j'aime, non ?), et, d'autre part... mon ami Pierre Gagnaire n'est pas à Lyon (pas  à Colmar encore, mais attendons ;-) ).
Et puis, New York ? Tokyo ? Londres ? Curnonsky a vécu il y plus d'un demi siècle, et de l'eau est passé sous les ponts. Au lieu de nous regarder le nombril (et, pire, un nombril vieilli), nous ferions mieux de travailler, et de jeter un regard sur le vaste monde, où d'autres travaillent.
De toute façon, est-ce une bonne stratégie de communication de plaire aux Lyonnais en fâchant tous les autres, qui sont quand même bien plus nombreux ? Pas sûr...
Evidemment, s'il s'agit seulement de faire causer de la ville, pourquoi pas : j'ai quand même écrit trois fois le mot dans ce billet... mais je ne suis pas sûre  qu'elle en sorte grandie.

lundi 28 mars 2016

Quelques idées pour aider à se supporter quand on se voit dans un miroir

Sur le mur de mon bureau, il y a des phrases écrites, et mes visiteurs m'interrogent souvent sur  leur présence et leur signification.
Leur présence ? Ces phrases sont d'abord pour moi : je ne dois pas oublier de mettre en pratique les conseils qu'elles me donnent. Leur signification ? Je l'expliquerai dans des billets suivants.

Ici, je me limite à les donner. Quand elles ne sont pas assorties d'un nom d'auteur, c'est que je me dis les choses moi-même :


# IL FAUT S’AMUSER A FAIRE DES CHOSES PASSIONNANTES

# Nous sommes ce que nous faisons : quel est ton agenda ?


# Une colonne vertébrale !

# Tout fait d'expérience gagne à être considéré comme l'émanation de généralités que nous devons inventer (abstraire et généraliser)

# Quels sont les mécanismes ?
(La science en général)

# Les mathématiques nous sauvent toujours : « que nul ne séjourne ici s’il n’est géomètre »
(Platon)

# Ne pas oublier de donner du bonheur.

# Tu fais quelque chose ? Quelle est ta méthode ? Fais le, et, en plus, fais-en la théorisation.

# Surtout ne pas manquer le moindre symptôme

# Je ne sais pas, mais je cherche !

De quoi s’agit-il ?
(Henri Cartier-Bresson, mais peut-être aussi  le Maréchal Foch)

# Puisque tout est toujours perfectible, que vais-je améliorer aujourd’hui ?

# « Dois-je croire au probable ? »

# A rapprocher de :« En doutant, nous nous mettons en recherche, et en cherchant nous trouvons la vérité ».
(Abélard)

Et de :
# "Douter de tout ou tout croire, ce sont deux solutions également commodes, qui l'une et l'autre nous dispensent de réfléchir".
(Poincaré)

Combien ?
(la science en général)

# D’r Schaffe het sussi Wurzel un Frucht

# Ni dieu ni maître
(la devise des anarchistes)

# Tout ce qui mérite d’être fait mérite d’être bien fait

# La vie est trop courte pour mettre les brouillons au net : faisons des brouillons nets !
(Jean Claude Risset)

# Se mettre un pas en arrière de soi même

# Le summum de l’intelligence, c’est la bonté (et la droiture)
(Jorge Luis Borgès)

# Regarder avec les yeux de l’esprit

# Vérifier ce que l’on nous dit
# Ne pas généraliser hâtivement
# Avoir des collaborations
# Entretenir des correspondances
# Avoir toujours sur vous un calepin pour noter les idées
# Ne pas participer à des controverses
(Michael Faraday et Isaac Watts)

# Penser avec humour des sujets sérieux (un sourire de la pensée)

# « Comme chimiste, je passai cette oeuvre à la cornue ; il n'en resta que ceci : »
# ; se dissoudre dans, infuser, macérer, décoction, cristalliser, distiller,
# sublimer, purifier, alambiquer
(Jean-Anthelme Brillat-Savarin)

« Et c’est ainsi que les sciences chimiques sont belles »
(d’après Alexandre Vialatte)

# Morgen Stund het Gold a Mund
(proverbe alsacien)

# Y penser toujours
(Louis Pasteur)

# Ne pas confondre les faits et les interprétations

# Quand les lois sont mauvaises, il faut les changer

# Ne pas faire de lois qui punissent les bons élèves, et ne pas faire des lois pour punir les mauvais si
# on ne les applique pas.
(conseil aux prétentieux qui font des lois)

# Un homme qui ne connaît que sa génération est un enfant
(Cicéron)

# Dieu vomit les tièdes
(La Bible)

# Il n’est pas vrai que « La tête guide la main », ce qui est prétendu par une
# poutre du Musée du compagnonnage, à Tours : la tête et la main sont
# indissociables

# Les calculs !!!!

# Tout changer à chaque instant (vers du mieux !)

# Chercher des cercles vertueux

# Comme le poète, le chimiste et le physicien doivent maîtriser les métaphores

# Le moi est haïssable
(Blaise Pascal)

# Quels mécanismes ?

# N’oublions pas que nos études (scientifiques) doivent être JOVIALES

# L’enthousiasme est une maladie qui se gagne
(Voltaire)

# Clarifions (Mehr Licht)
(Goethe)

# Tu viens avec une question, mais quelle est la réponse (utilise la méthode du soliloque)

# Pardon, je suis insuffisant, mais je me soigne

# Comment faire d’un petit mal un grand bien ?

# Le diable est caché derrière chaque geste expérimental, et derrière chaque calcul

# Les questions sont des promesses de réponse (faut-il tenir ces promesses). Vive les questions
# étincelles

# La méditation est si douce et l’expérience si fatigante que je ne suis point étonné que celui qui pense soit rarement celui qui expérimente
(Diderot)

# Comment pourrais-je gouverner autruy, moi qui ne me gouverne pas moi- même
(François Rabelais)

# Prouvons le mouvement en marchant !

# Comment passer du bon au très bon ? Comment donner à nos travaux un supplément d’esprit ?

# Il faut des TABLEAUX : les cases vides sont une invitation à les remplir, donc à travailler!

# Si le résultat d'une expérience est ce que l'on attendait, on a fait une mesure ; sinon, on a fait une
découverte!
(Franck Westheimer)

# Quelqu'un qui sait, c'est quelqu'un qui a appris.
(Marcel Fétyzon)

# Il n'est pas nécessaire d'être lugubre pour être sérieux (le paraître n'est pas l'être).

# Il faut tendre avec efforts vers la perfection sans y prétendre.
(Michel-Eugène Chevreul)

# Tu vois une régularité du monde ? Il devient urgent de s'interroger sur sa cause.

# Une idée dans un tiroir n'est pas une idée

samedi 26 mars 2016

Êtes-vous crème normande ou margarine ?


Je suis certainement crème, mais pas forcément crème normande. Je me souviens, quand j'étais petit, de la maison d'un de mes grands-pères,  dans les Vosges. Nous allions, avec un pot  en aluminium ou en fer-blanc, chez le crémier. Je vois encore la petite rue en pente où il avait sa boutique, en contrebas de la rue de l'église. Il y avait un  grand récipient où le lait reposait. La crème était ce qui surnageait. Le crémier la prenait à la louche, pour la mettre dans notre pot. C'était un goût absolument extraordinaire, très différent de celui d'une crème fermentée.
Bien sûr, il peut aussi y avoir d'excellente crèmes fermentées, mais le goût de cette crème juste recueillie, vraiment "fraîche", était superbe, aussi parce que le lait des Vosges était d'une grande qualité. Du coup, le beurre aussi était très bon. Il faut répéter que ces goûts résultent de l'herbe que mangent les vaches, d'une part, et, d'autre part, des procédés de transformation.
Je ne suis pas personnellement d'une culture de l'huile d'olive, mais je suis surtout d'une culture de l'honnêteté ! On a le droit de manger de l'huile, si l'on veut, mais pourquoi mettre en avant des arguments fallacieux, tel que "c'est meilleur la santé" ?  Au nom de la "santé", on cherche à  nous faire gober n'importe quoi !
Et puis, ne méritons-nous pas d'avoir le meilleur ? Un bon beurre, une bonne crème, et aussi une bonne huile ? J'ai un ami sicilien qui fait son huile d'olives, une huile très verte, avec un goût  marqué, brûlant, piquant un peu, une  toute petite amertume... : un régal.  Mais je me souviens aussi d'un beurre  normand mangé  au Japon, à Kyoto, chez  un chef japonais qui est un élève de Pierre Gagnaire. Là encore, un beurre remarquable.
Enfin, je n'oublie pas que le beurre, la crème, le lait... peuvent être travaillés... et je vous renvoie vers mon invention  toute récente du "beurre feuilleté", sur le site de Pierre Gagnaire.

vendredi 25 mars 2016

5. Êtes-vous brunch ou barbecue ?


Brunch :  je ne sais pas très bien ce que ça veut dire. Et puis, dois-je utiliser un mot anglais à la mode ? Contraction de breakfast, petit déjeuner, et lunch, déjeuner. Un petit déjeuner que l'on prendrait à midi ? Un déjeuner, donc. D'ailleurs, pourquoi le petit déjeuner  serait-il obligatoirement fait de café, jus d'orange, croissant ou tartines ? Pourquoi pas des mets plus engageants ?
Pour le barbecue,  je comprend mieux :  il s'agit de grillades. Et là, il peut y avoir  le meilleur comme le pire. Mettre la viande au-dessus du feu, c'est la charger de benzopyrènes  cancérogènes en grande quantité !

Oui, quand on fait un feu, même si l'on attend qu'il n'y ait plus que des braises, et pas de flammes, la viande se charge de benzopyrènes. Environ deux mille fois plus qu'il n'en est autorisé par la loi dans les produits fumés de l'industrie alimentaire. N'est pas inconséquent de critiquer les pesticides ou les additifs (sans bien connaître le dossier, en général) et, en même temps, de se bourrer des produits cancérogènes ?
D'ailleurs, il faut ajouter que même s'il n'y a que des braises, les benzopyrènes sont présents. Et, le pire, c'est que, généralement, quand on met la viande au-dessus des braises, la graisse qui fond tombe sur les braises, rallume le feu, et des flammes viennent lécher la viande, tandis que  des flammèches noires se déposent. Et l'on prétend manger sainement ? Au  Japon, où l'on entend uun discours hygiéniste au moins égal à celui des Français, j'ai  éclaté de rire en voyant, dans un restaurant de grillades, que l'on plaçait la viande wagyu sur  des briques incandescentes... et immédiatement, quand la graisse à fondu, des flammes d'un mètre de hauteur au beau milieu desquelles la viande grillait ! Ce n'est pas une critique du Japon : nous faisons de même en France tous les étés !
Surtout cela est le signe d'une grande ignorance  : les bons rôtisseurs ne mettent pas la viande sur le feu, mais devant le feu, ce qui évite des benzopyrènes et conduit à une viande bien grillée, croustillante. La cuisson se fait tout aussi bien : les rayonnements infrarouges se propagent dans toutes les directions.

C'est à dire partout : on devrait peut-être interdire les barbecues  les plus communs, ceux  où la viande est au-dessus du feu, et qui conduisent le public à s'empoisonner. Il y a un effort de santé publique à faire : on ne peut pas à la fois lutter contre les pesticides et s'intoxiquer avec les benzopyrènes cancérogènes.

jeudi 24 mars 2016

4. Êtes-vous déjeuner ou dîner ?

C'est pour moi, non pas une question de goût personnel, mais une question de contingence, car on doit d'abord se souvenir que je travaille beaucoup, peut-être excessivement. Ayant bien diné, je n'ai pas faim le matin, et, à midi, il m'arrive souvent, au laboratoire, de ne pas déjeuner, parce que je n'ai pas le temps, que j'ai beaucoup de choses à faire.  Cela m'arrange un peu, parce que j'ai quelques kilos en trop, mais il faut alors que je dîne. Dîner se fait alors en famille ; c'est un bon moment, on se détend, on parle, on fait des efforts pour s'intéresser à ceux que l'on aime.  Et puis, après les repas, on est un peu assoupi. Autant cela serait gênant après  le déjeuner, autant je ne fait de tort à personne en dormant pendant la nuit ! D'ailleurs, j'ajoute que  des moralisateurs nous signalent qu'il faut manger peu le soir, sans  quoi  le  sommeil est perturbé... mais je me demande si nous n'avons pas ce travers terrible de toujours ériger en loi générale ce qui ne vaut que pour nous.

Ce qui me conduit à prendre du recul sur ce paragraphe : en répondant à la question, j'ai indiqué un choix qui n'a aucun intérêt général, et j'ai donné des raisons qui ne valent que pour moi. Laissons faire chacun, d'une part, et, d'autre part, pourquoi  me pose-t-on des questions dont je crois qu'elles ne conduisent pas à des réponses éclairantes ? A moins que je n'en sois maintenant à faire le constat de mon insuffisance  : je n'ai pas réussi à faire quelque chose d'intéressant à partir d'une question un peu faible  !
Allons, il est temps de se reprendre... par exemple, en m'interrogeant sur la raison pour laquelle une telle question est posée. Je ne vais pas refaire le coup de l'alternative où l'on veut m'enfermer et dont je veux  sortir (en parlant du petit déjeuner, du goûter, du souper...). En revanche, je vois que la question veut mettre mon interlocuteur dans une certaine intimité, que, au fond, je refuse, parce que je ne crois pas ma petite personne suffisante pour mériter cet intếret. Il y a quelques années, quand Marie-Odile Monchichourt m'avait interrogée, en vue d'un livre sur mes rapports personnels avec la science, j'avais réécrit les réponses données pour leur conférer plus de généralité. C'était la même difficulté, et, au fond, le même mécanisme de réponse : au lieu  de donner un détail idiosyncratique, je m'étais  efforcé de trouver un peu de généralité dans l'affaire.
A contrario, pourquoi refuserait-on d'ouvrir sa porte à des amis ? En réalité, je ne refuse pas, mais j'aimerais tant qu'ils ne soient pas déçus, une fois entrés !

lundi 21 mars 2016

3. Êtes-vous cru ou cuit ?



 Je suis certainement cuit, parce que le cru  est dangereux. On doit rappeler que l'humanité a inventé la fermentation et le feu pour se prémunir des micro-organismes pathogènes. Il y en a  partout autour de nous, et la cuisine permet d'abord de tuer les micro-organismes qui nous intoxiqueraient. Les "cuissons douces" ou autres crus, dont certains tentent de faire des modes, sont dangereux. La cuisson basse température est merveilleuse... quand elle est bien conduite : il faut éviter les séjours prolongés des aliments à des températures où les micro-organismes prolifèrent, et ne pas oublier que la toxine botulique, par exemple, est mortelle. La cuisson, c'est comme un couteau : indispensable... mais il faut apprendre à s'en servir pour éviter les risques de cet objet qui est dangereux. Idem pour  la fermentation, qui peut faire le meilleur (fromages, saucissons, vins, etc.) et le pire.

Cela dit, la cuisson a d'autres avantages, et notamment qu'elle change la consistance. Quand nos ancêtres n'avaient plus de dents (on doit se souvenir que, sans dentiste ni dentifrice, nos aïeux avaient des dents dans un état déplorable),  il leur fallait des aliments suffisamment mous pour subsister. Quand on n'a plus de dents, une carotte crue n'est pas mangeable. D'où le fait de râper ou de cuire. Il y a d'ailleurs une parenté, entre les procédés : quand on râpe une carotte, le couteau déclenche des réactions enzymatiques qui s'apparentent à celles de la cuisson.
A noter que la cuisson fut sans doute, aussi, un facteur de développement de l'espèce humaine, parce qu'elle augmente la biodisponibilité des nutriments. Avec moins de temps à mâcher, on a plus de temps pour le reste !

Et puis, il y a le fait que la cuisson fait apparaître des goûts nouveaux ! Et cela est essentiel, pour l'espèce humaine comme pour des espèces animales. Les chats, chiens, singes... préfèrent les aliments cuits aux aliments crus. Ah, l'odeur envoûtante d'une belle cuisson, d'un beau rôtissage, d'un fromage grillé... Décidément, je me vois mal condamné aux crudités, même si, parfois, cela est agréable. Une salade, d'accord, mais... en plus !