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mardi 7 décembre 2021

Du vinaigre à partir de vin ? Certainement pas ainsi


Dans le livre Trucs de cuisinier par Bernard Loiseau et Gérard Gilbert. Editions Marabout, 1996, on lit, page  233 :
"Vinaigre (de vin) en quelques minutes
On peut très bien faire du vinaigre avec du vin. L'astuce consiste à réduire le vin aux 3/4 sur feu vif, de manière qu'il s'épaissit tout en restant liquide. Selon la quantité et la qualité du vin on peut éventuellement ajouter une pincée de sucre pour chasser l'acidité
".

Pour comprendre pourquoi cette indication est fausse, il faut savoir que le vin est principalement fait d'eau et d'un alcool nommé "éthanol", à raison de 10 à 15 pour cent. Et que le vinaigre est principalement fait d'eau et d'un acide nommé "acide acétique".
L'éthanol est un composé dont la molécule a la formule CH3CH2OH, où les lettres C, H, O représentent respectivement des atomes de carbone, d'hydrogène et d'oxygène. 




L'acide acétique, lui, est un composé dont la molécule a la formule CH3COOH, différente, donc. 




Pour la confection du vinaigre, elle se fait par une "oxydation" due à des micro-organismes, qui utilisent le dioxygène de l'air (formule O2) pour transformer l'alcool.

Lors d'une réduction, telle qu'elle est proposée plus haut, on ne fait certainement pas du vinaigre, mais seulement un vin réduit. L'éthanol s'évapore dès 70-80 dégrés, et l'acide acétique qui est parfois présent en très petite quantité est également évaporé.

D'autre part, le sucre ne « chasse pas l’acidité », mais il réduit l’acidité perçue en  bouche.

Bref, tout faux !


vendredi 7 août 2020

Des questions de conservation


Conserver ?

Cela fut la grande préoccupation de l'humanité, avant la découverte de l'appertisation, des micro-organismes et du froid ! On n'a pas assez répété que nos saumons fumés, nos yaourts, nos fromages, nos vins, nos confitures... ne sont pas seulement des préparations délicieuses, mais des moyens de préserver, en prévision de disettes, des ingrédients soudainement abondants.
Que faire des haricots qui abondent, d'un coup ? Des conserves. Que faire des fruits qui font casser les branches des arbres ? Des confitures. Que faire du lait d'une traite, trop abondant pour être bu ? Du fromage. Et ainsi de suite.

Une idée simpliste, mais utile pour notre discussion : les aliments ne se conservent pas, parce que notre environnement (l'air) est plein de micro-organismes, lesquels sont des êtres vivants aux besoins analogues aux nôtres : il leur faut des températures modérées, de l'eau, des nutriments ; bref, tout ce que les ingrédients alimentaires classiques ont à leur surface. D'où des fermentations pas toujours bénéfiques : que l'on pense à ces Clostridium botulimum qui produisent la toxine botulique, mortelle !

Allons-y, en principe :

∘ Pour du yaourt, pas difficile : on ajoute des échantillons de deux micro-organismes, qui consomment lentement le lactose du lait (un sucre) et le transforment en acide lactique, qui fait "cailler", en un gel lisse qui est le yaourt. La recette est simplement d'ajouter au lait un peu de yaourt déjà fait, à du lait que l'on tiédit.

∘ Pour du fromage, pas difficile : on prend du lait, et on lui ajoute simplement de la présure, qui fait cailler ; on casse le caillé, on fait égoutter, et l'on récupère une matière sèchée que l'on peut saler, afin de guider des proliférations bactériennes utiles, comme pour le munster. Bien sûr, il y a mille variations... parfaitement décrites dans le livre du merveilleux et défunt Jean Froc, aux Editions Quae.

∘ Pour de la viande séchée, pas difficile : on passe au sel pendant plusieurs heures/jours, afin de faire croûter, le sel tirant l'eau (par le phénomène d'osmose) et imprégnant un peu la surface, puis on met dans un courant d'air, pour faire sécher : de la sorte, les micro-organismes manquent de cette eau dont ils ont besoin. Cela vaut pour les jambons ou les saucissons, mais aussi pour des pièces différentes. Et l'on garde cette idée forte : sans eau, la conservation se fait mieux.

∘ La conservation au sel ou en saumure ? Pas difficile : on met la viande ou le poisson dans du sel, lequel n'est pas un milieu favorable aux micro-organismes, dont il "tire" l'eau par osmose. Attention, je ne dis pas que des micro-organismes ne se multiplient pas dans la saumure, mais quand même, on a salé les jambons pendant des siècles : rappelons-nous l'histoire de Saint Nicolas et les trois petits enfants qui s'en allaient glaner aux champs.

∘ Tout comme le sucre ! D'ailleurs, le sucre est utilisé dans les hopitaux de campagne, directement déposé sur les plaies. Et cela engendre les fruits au sirop, mais aussi les confitures, et aussi quelques poissons : pensons aux gravlax, par exemple.
Tiens, j'y pense : ne manquez pas mon "truc" merveilleux pour bien doser le sirop des fruits au sirop ; cela est dans Mon histoire de cuisine (Editions Belin)

∘ Du sucre, on passe au miel, qui n'est en quelque sorte qu'une solution sucrée : on dit que le corps d'Alexandre le Grand fut rapporté à Alexandrie dans du miel.

∘ Et puisque nous avons évoqué sel et sucre, pensons fumage... qui sèche en même temps qu'il dépose des composés qui  bloquent la prolifération microbienne. Ne pas en abuser, toutefois, car à haute dose, ils sont cancérogènes : à preuve la plus grande incidence des cancers du tractus digestif dans les pays nordiques, qui mangent beaucoup de fumé.

∘ Le salpêtre : c'est une matière que l'on recueillait sur certains murs, afin de préparer de la poudre à canon. Il est utile dans des charcuteries, parce qu'il bloque certains micro-organismes tels que le Clostridium botulinum. Certains l'attaquent aujourd'hui, mais ont-ils raison ? A venir pour dans quelques semaines un rapport, qui explore la question, résultat de plusieurs auditions de spécialistes, scientifiques (différentes spécialités), technologues, techniciens. Sans parti pris politique !

∘ Le vinaigre ? Essentiel : j'ai ainsi dans mon garde-manger des cornichons, des mirabelles, des cerises et des quetsches au vinaigre. Indispensable pour un bon pot au feu à l'Alsacienne.
Une précision : dans mes quetsches au vinaigre, j'ajoute de la cannelle et du sucre.
Et pour les cornichons, il y a un "truc" pour les conserver croquants, à savoir les chauffer doucement dans le vinaigre, initialement, pour activer des enzymes végétales qui feront durcir.

∘ Mais on n'oublie pas que l'acide acétique du vinaigre vient de la fermentation de l'alcool éthylique (ou éthanol) du vin ! Et l'on conserve très bien dans l'eau-de-vie.

∘ L'appertisation : découverte par Nicolas Appert, elle permit de conserver des légumes... et, dans une exposition au Palais de la découverte, j'avais fait exposer des petits pois préparés par Appert  (c'était juste à la Révolution française).

∘ Et le froid : l'humanité a su conserver au froid quand elle en a disposé, mais faut-il vraiment faire un guide de l'utilisation des congélateurs.


En pratique ?

 Internet est plein de "recettes", de sorte que je ne vais quand même pas ajouter ma voix au concert... d'autant que c'est quand même simplissime.



Et l'intérêt  des conserves personnelles par rapport aux conserves industrielles ?

 Le mot "conserves" est ambigu, parce que toutes les préparations évoquées précédemment sont des "conserves", à défaut d'être de l'appertisation... qu'il faut quand même maîtriser correctement : j'ai déjà signalé le cas de tapenades artisanales qui avaient envoyé des clients à l'hôpital... et le fabricant inconscient en prison ! Mais pour des confitures, des quetsches, du saumon fumé,  de la viande séchée, et ainsi de suite, je préfère souvent les miennes !

vendredi 17 avril 2020

Qu'est-ce que le vinaigre ?

Qu'est-ce que le vinaigre ? Il suffit d'aller ailleurs qu'en France (quand on n'est pas confiné, bien sûr), pour savoir que ce n'est pas toujours obtenu par fermentation du vin, comme on le suppose dans l'Orléanais.
Et c'est ainsi que l'Alsace a dû batailler à propos du Melfor, qui est... du Melfor.

Pour les définitions légales, le bon réflexe est toujours le même  : .gouv.fr.

Et c'est ainsi que je vous livre ce lien :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006066377&dateTexte=20110507

Pour les échanges internationaux, il faut regarder le Codex alimentarius :
http://www.fao.org/fao-who-codexalimentarius/search/en/?cx=018170620143701104933%3Aqq82jsfba7w&q=vinegar&cof=FORID%3A9&siteurl=www.fao.org%2Ffao-who-codexalimentarius%2Fcodex-texts%2Flist-standards%2Fen%2F&ref=duckduckgo.com%2F&ss=1004j208704j7


Hopla !

vendredi 19 janvier 2018

Du blanc dans la mayonnaise

Ce matin, une question par email :

Permettez-moi de vous importer avec une question/remarque. Je suis en train de lire, avec énormément d’intérêt et presqu’avec passion, votre livre « révélations gastronomiques ». Le chapitre sur la mayonnaise est bien explicite. Mais un collègue m'a soufflé une méthode pour la mayonnaise : mettre tous les ingrédients, l’œuf en entier avec son blanc, dans un bol et passer tous ces ingrédients aux mixer pour faire de la purée ou des soupes. Cette mayonnaise a toujours pris. Est-ce que c’est compatible avec vos explications en relation avec la production d’une mayonnaise ?
 


Notre ami cite un cas très particulier, mais il aurait pu citer nombre de livres de cuisine qui stipulent qu'il ne faut jamais la moindre "goutte de blanc d'oeuf", sans quoi la mayonnaise ne prend pas. C'est complètement faux, et, au contraire, le blanc d'oeuf facilite la réalisation de la sauce mayonnaise. J'explique.



Partons de la recette de la mayonnaise : c'est un jaune d'oeuf, une cuillerée de vinaigre, puis on ajoute de l'huile par petites quantités, en fouettant vigoureusement, et, surtout, en s'assurant que toute l'huile ajoutée est, à chaque ajout, bien intégrée à la sauce, bien "émulsionnée".

Ce que l'oeil ne voit pas, mais que révèle le microscope, c'est que l'huile, qui n'est pas miscible à l'eau (on dit "hydrophobe"), se disperse sous la forme de microscopiques gouttelettes. L'eau ? Oui, l'eau, parce que du jaune d'oeuf, c'est 50 pour cent d'eau. Et le vinaigre, c'est plus de 90 pour cent. Ce qui explique d'ailleurs pourquoi le vinaigre se mêle bien au jaune d'oeuf : l'eau se mélange à l'eau.
Quand on ajoute à ce mélange de jaune et de vinaigre un peu d'huile, celle-ci surnage. Mais le fouet divise la goutte d'huile, formant ces gouttelettes microscopiques dont je parlais. Puis, on ajoute à nouveau de l'huile, qui est donc dispersée également, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il y ait tant de gouttelettes qu'elles sont tassées les unes contre les autres, ce qui affermit la sauce : si les gouttelettes sont coincées les unes contre les autres, elles ne peuvent plus bouger, de sorte que la sauce tout entière ne peut pas couler.

Mais le rôle du vinaigre ? C'est surtout d'apporter de l'eau. Et du jaune d'oeuf ? Là, pour le comprendre, je propose de comparer la mayonnaise à de l'huile pure ajoutée à de l'eau pure : quand on fouette, l'huile est bien divisée, mais ces gouttes sont plus grosses, et elles remontent rapidement à la surface, où elles fusionnent, reformant une flaque d'huile qui flotte sur l'eau. Le jaune d'oeuf, lui, apporte des molécules qui viennent tapisser les gouttelettes d'huile divisées, ce qui empêche ces fusions, et stabilise donc relativement l'émulsion. Ah, j'oubliais : on nomme "émulsion" une dispersion de gouttelettes d'un liquide dans un autre liquide avec lequel le premier ne se mélange pas. La mayonnaise est une émulsion.

Quelles sont les molécules en question ? On a longtemps cru qu'il s'agissait des "phospholipides", notamment les lécithines, mais on sait aujourd'hui que les protéines sont bien plus efficaces, dans cette affaire.
Or le jaune d'oeuf contient 15 pour cent de protéines... et le blanc d'oeuf  10 pour cent. La présence de protéines dans le blanc d'oeuf permet d'ailleurs de faire une sauce que j'avais inventée il y a très longtemps et que j'ai nommée un "geoffroy" : on fouette de l'huile dans du blanc d'oeuf, et l'on obtient une émulsion.

Et voilà pourquoi il est complètement faux de penser que la moindre goutte de blanc d'oeuf empêche la prise des mayonnaises. Au contraire !








Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)