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jeudi 21 septembre 2023

On a enseigné des choses fausses pendant au moins un siècle !

 
Depuis au moins 1901 (j'ai une trace écrite), on enseigne une théorie de la cuisson qui est la suivante : il y aurait une cuisson par « concentration », pour le rôti, par exemple, et une cuisson par « expansion » pour les viandes bouillies, par exemple. Et puis il y aurait une cuisson mixte. 

 

Que penser de tout cela ? 

 

Commençons par examiner la cuisson dite par « concentration ». Les manuels de cuisine, jusqu'à une époque extrêmement récente, comportaient un schéma où l'on voyait des flèches vers l'intérieur, mais que représentaient-elles ? La chaleur ? Si c'était le cas, les schémas de tous les types de cuisson auraient dû tous comporter des flèches vers l'intérieur, pour les rôtis comme pour les bouillons. En réalité, les livres de cuisine disaient que ces flèches représentaient le jus et le goût. Le jus ? Ce n'est pas possible, car la viande est faite de matières solides et de matières liquides, toutes deux incompressibles ; de ce fait, le jus ne peut pas affluer à coeur, car le jus est majoritairement fait d'eau, qui n'est pas compressible. La preuve que l'eau n'est pas compressible ? Elle est dans tous les garages automobiles du monde : on soulèves les voitures sur le pont à l'aide d'un vérin hydraulique ! Et puis, si nous pesons un rôti avant et après cuisson, nous voyons qu'il perd du jus, de sorte que les flèches qui auraient représenté le jus auraient du être vers l'extérieur, et non vers l'intérieur. Le goût ? Si l'on coupe la partie externe de la viande, on voit qu'il n'y a pas de goût cuit à l'intérieur, et que seule la croûte prend du goût lors de la cuissons. Conclusion: puisqu'il n'y a aucune concentration dans cette cuisson fautivement dite « par concentration », il faut abandonner cette dénomination fautive. 

Pour la cuisson anciennement dite par « expansion », il en va de même. Dans ce cas, les flèches qui étaient représentées vers l'extérieur pouvaient effectivement représenter les jus, mais certainement pas la viande, car cette dernière se contracte, comme on s'en aperçoit facilement lorsqu'on fait l'expérience. Autrement dit, il n'y a pas d'expansion dans la cuisson qui était fautivement dite « par expansion ». 

Quant à la cuisson mixte, c'est un affreux salmigondis. 

Je suis heureux de vous dire que cette théorie fausse a été supprimée, mais je suis bien malheureux de dire aussi que quelques professeurs continuent de l'enseigner et quelques professionnels continuent de la réclamer, à l'examen, alors que les indications de l'Education nationale excluent clairement un tel enseignement. Les théories fausses ne meurent pas, mais ceux qui les soutiennent disparaissent. Il suffit d'attendre. Militons quand même !

mardi 12 septembre 2023

Les gonflements en cuisine

Naguère les livres de cuisine indiquaient que c'était l'oeuf qui faisait « souffler ». Il aurait fait souffler les soufflés, les choux, les petits choux, les cannelés, les quiches, etc. 

 

Toutefois le physico-chimiste a de quoi s'étonner : pourquoi donc les œufs auraient-ils eu cette vertu soufflante ? 

 

Le blanc d'oeuf, c'est 90 pour cent d'eau et 10 pour cent de protéines. Si le blanc fait souffler, c'est soit en vertu de son eau, soit en vertu de ses protéines, soit en vertu d'une combinaison des deux. Pourtant l'expérience est simple : l'ajout de protéines à une préparation culinaire, ne produit pas de gonflement ; en revanche, avec de l'eau, la préparation gonfle... si elle est chauffée par le bas. En effet, l'eau qui s'évapore fait bien plus de volume de vapeur que le liquide initial (environ un gramme d'eau fait un litre de vapeur). 

Et c'est ainsi que l'on ne voit pas les soufflés gonfler si on les chauffe par le grill du four, par le dessus, alors qu'ils se développent considérablement si on pose le ramequin sur la « sole » du four, en bas. La vapeur formée au fond du ramequin pousse le soufflé vers le haut, et l'on voit le soufflé gonfler. Il y avait donc bien lieu de rénover l'enseignement culinaire, en balayant toutes les scories de son développement, dans les décennies précédentes. 

Ce fut la réforme du CAP, réforme qu'il faut poursuivre aujourd’hui, tant il est vrai que les idées fausses ne meurent jamais, mais que ceux qui les soutiennent finissent pas disparaître (partir en retraite, mourir, se désintéresser de le question). 

Progressivement, en nous fondant sur des expérience répétables, que les professeurs produiront devant leur élèves, on arrivera à des théories plus justes de la technique culinaire. 

 

La conclusion est qu'il semble bien essentiel de poursuivre les expériences, et d'encourager les enseignants à en faire avec leurs élèves, dans les établissements d'enseignements de la cuisine.

vendredi 13 février 2015

Luttons pour nos libertés

Jean de Kervasdoué n'est généralement pas tendre avec les médecins, mais voici ce qu'il écrit dans le journal Le Monde :


La grève des médecins est justifiée Par Jean de Kervasdoué (Professeur émérite au CNAM)

Pour comprendre les projets du gouvernement et la grève des médecins, il est nécessaire de rappeler quelques principes fondateurs de notre système de financement des soins médicaux et la nature des réformes en cours ou projetées. L’Assurance-maladie, créée en 1930 pour les travailleurs salariés de l’industrie, s’est progressivement étendue à partir de 1946, mais n’a été généralisée que le 1er janvier 2000 (avec la « couverture maladie universelle », CMU) à tous les résidents légaux sur le territoire national. A l’origine, elle était vraiment une assurance : les cotisations n’étaient pas proportionnelles au revenu (elles étaient plafonnées et donc les mêmes pour tous les revenus au-dessus du plafond) et une partie des soins n’étaient pas remboursés. Il y avait – il y a toujours – une franchise que l’on appelle le « ticket modérateur », car l’on pensait que si les assurés payaient une partie des frais de leur poche, ils modéreraient leurs dépenses de soins. Comme le montant de cette « modération » pouvait être élevé, il a été couvert par des mutuelles, des assurances, des institutions de prévoyance (IP) puis, enfin, pour les bénéficiaires de la CMU, par une taxe sur les autres complémentaires ! Ce ticket modérateur est faible pour les soins hospitaliers (9 %), élevé pour l’ensemble des soins de ville (46 %) et très élevé pour les prothèses dentaires et les lunettes (95 %). Ne cherchez pas de logique autre qu’historique dans ce partage entre assurance complémentaire et Assurance-maladie, il n’y en a pas.

Optique et soins dentaires

Ainsi, nous sommes les seuls, en France, à avoir des médicaments remboursés – donc pourtant potentiellement efficaces – à 15 %, 30 %, 65 % ou 100 % ; nous sommes les seuls à avoir un fort ticket modérateur pour les soins de premier recours (les généralistes notamment) ; nous sommes les seuls à mieux rembourser les médecins (70 %) que les infirmières (60 %), et si les soins chirurgicaux sont quasiment tous pris en charge à 100 % par l’Assurance-maladie, ce n’est pas le cas des hospitalisations en médecine – autrement dit, ceux qui n’ont pas la « chance » d’être opérés peuvent avoir un ticket modérateur élevé ; etc. Or les réformes en cours ne touchent pas au partage, sans logique sanitaire ni économique, entre régimes obligatoires et complémentaires, elles essayent simplement d’en compenser les inconvénients. Si 22 % de nos concitoyens disent retarder leurs soins pour des raisons financières, il s’agit surtout d’optique et de soins dentaires, et rarement des consultations en médecine de ville (5 % des cas).
La première réforme, entrée en vigueur en 2015, tente de réguler le prix des lunettes et des prothèses et définit pour leur remboursement des prix planchers et des prix plafonds. Complexe (il y a plus de huit tarifs plafonds en optique !), la réforme va contraindre toutes les assurances complémentaires à dénoncer les contrats en cours (coût : 150 millions d’euros) et ne va rien réguler du tout car, dans certains cas, le « plancher » est plus élevé que les prix actuels les plus bas (bien que non régulés), et les plafonds sont tellement hauts qu’ils ne vont pas gêner grand monde…
La deuxième réforme, applicable au premier janvier 2016, est celle de l’Accord national interprofessionnel (ANI) sur la sécurisation de l’emploi. Cette réforme inattendue a été arrachée à l’occasion d’un accord sur l’emploi. Elle contraint toutes les très petites entreprises (TPE) à offrir une assurance complémentaire santé. Elle ne couvrira que 400 000 personnes supplémentaires, coûtera 1 milliard d’euros à l’Etat, 1 milliard d’euros aux TPE et privera la Sécurité sociale d’environ 500 millions de recettes, soit un coût global de 2,5 milliards d’euros (6 250 euros par personne couverte) ! Les travailleurs précaires, les chômeurs et les retraités n’en bénéficieront pas.

Pérennité de la Sécurité sociale menacée

Quant au projet de réforme du tiers payant généralisé, encore au stade de projet, il consisterait à transférer à l’Assurance-maladie la responsabilité du remboursement de sa part et de celle des complémentaires. Il est vraisemblable que cette disposition soit peu compatible avec le droit européen et français. En outre, et c’est pour cela que les médecins réagissent, cette réforme annonce paperasserie, impayés et relations difficiles avec les patients, car les médecins sont dans l’incapacité de savoir si leurs patients disposent ou non d’une « complémentaire santé » et si celle-ci est bien à jour. Les risques d’impayés sont donc réels. De surcroît, ils se demandent comment un système informatique qui doit relier tous les régimes obligatoires et tous les assureurs complémentaires sera mis en place. Pourquoi, en outre, concentrer tous les pouvoirs entre les mains de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés et se priver du rôle régulateur que peuvent avoir les complémentaires dans, par exemple, la gestion des dépassements d’honoraires et des parcours de soins ? Par ailleurs, les complémentaires vont-elles longtemps accepter de collecter les cotisations de leurs adhérents tout en se dessaisissant de leur gestion ? Pourquoi, enfin et surtout, instituer une avance de frais de 48 heures (temps moyen de remboursement d’une feuille de soins) pour la très grande majorité des Français qui peuvent avancer 23 €, et ne pas avoir limité la réforme aux bénéficiaires de la CMU et de l’aide complémentaire santé (ACS) ? La pérennité de la Sécurité sociale est menacée par la dette et n’a pas besoin de l’aide supplémentaire de ces réformes discutables. La plus grande inégalité du système de santé est-elle d’ailleurs aujourd’hui, en France, celle de l’accès financier aux soins ou plutôt, comme je le pense, l’inégalité des soins médicaux eux-mêmes, excellents ici, plus quelconques ailleurs ? Mais pour réduire cette inégalité-là, il faut le faire avec, et pas contre le corps médical. Curieuses réformes donc, généreuses avec le temps des uns et l’argent des autres, et qui ne touchent en rien à l’absurdité d’un ticket modérateur qui n’a jamais rien modéré.

mercredi 14 juillet 2010

Une réforme des enseignements culinaires

Une réforme, c'est quelque chose de merveilleux, parce que c'est aussi la promesse d'une future réforme. Dans notre monde, rien n'est immuable, et l'on a vu les décisions les plus fortes être réfutées par le temps, les changements sociaux, les mentalités, les idées...

En matière d'enseignement (ce qui n'est pas une activité purement technique, comme certains voudraient le croire, mais une activité qui comporte au moins trois composantes : lien social, art, technique), il semble important de considérer que l'on doit s'adapter au monde, sous peine d'isoler un corps d'enseignants périmés d'un groupe d'élève dans le vent. D'autant qu'il y a en général au moins une génération entre les deux !

Pour autant, la jeunesse n'a pas raison sur tout, et notamment parce que "un homme qui ne connaît que sa génération est un enfant" (Cicéron), et aussi parce qu'elle a ses modes imbéciles, comme pour les enseignants. Bien difficile, quand on est dans le groupe, que l'on vit en communauté, en partageant la culture de celle-ci, de séparer le bon grain e l'ivraie. Inversement, il est urgent... de ne pas trop temporiser, et de s'adapter rapidement pour tirer le meilleur du vent qui passe. Le meunier qui ne sait pas orienter rapidement son moulin mout mal son blé!

Bref, l'enseignement culinaire bouge, et c'est une bonne nouvelle. Déjà, il y a quelques années, l'Inspecteur général avait réuni des commissions afin de réformer un CAP périmé. Des changements bienvenus ont été apportés... et cela a fait grincer les dents des réactionnaires (mais n'est-ce pas la définition même des réactionnaires que de refuser le changement?).
Aujourd'hui, alors que la cuisine moléculaire (je rappelle la définition : nouveaux outils, ingrédients, méthodes) commence à devenir classique, il est effectivement urgent qu'un nouveau changement ait lieu. Puisque le siphon est dans toutes les cuisines, il faut qu'il soit dans l'enseignement. Puisque les gélifiants ne sont plus limités au pied de veau, il faut qu'ils soient dans l'enseignement.

Dans les travaux de rénovation qui se préparent, il faut considérer le gros et le détail. Ce serait logique de d'abord considérer le gros, à savoir :

La cuisine, c'est du lien social, de l'art, de la technique.
Il faudrait donc enseigner :
- le lien social
- l'art,
- la technique.

Pour la question technique, il faut distinguer :
- la technique (on fait le geste)
- la technologie (on réfléchit sur le geste que l'on fait ou que l'on pourrait faire, en identifiant bien l'objectif de la réalisation)
- la science, qui, pour la cuisine, se nomme "gastronomie moléculaire".

Aucune place, on le voit, pour de la "technologie appliquée", puisque c'est soit de la technique, soit de la technologie.
Aucune place non plus pour de la "science appliquée, puisque si c'est appliqué, ce n'est pas de la science, et si c'est l'application de la science, c'est de la technologie, et non pas de la science.

Bref, on voit ainsi se dessiner un cadre, dans lequel il sera bien temps, ensuite seulement, de mettre... tout ce que l'on aura décidé de mettre, culture, histoire, etc.


Vive le changement, quand il est bien pensé, avec audace et précaution!