Affichage des articles dont le libellé est poisson. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est poisson. Afficher tous les articles

dimanche 10 septembre 2023

La cuisson du poisson

Mon goût quasi immodéré pour le poisson aurait dû depuis longtemps me faire aborder ce sujet. Pourtant, je ne sais pas vraiment pourquoi, je tourne toujours autour de la question des œufs, des légumes et des viandes, comme prototype d'explication de la cuisson. 

Du point de vue de la pédagogie, de l'explication, il est bon de situer l'étendue des variations entre le blanc d'oeuf et la viande. Le blanc d'oeuf, c'est le système le plus simple, puisqu'il est composé de 90 pour cent d'eau, de 10 pour cent de protéines, avec une structure réduite au minimum.
A l'opposé, la viande la plus dure est faite de fibres, à l'intérieur desquelles se trouve une matière analogue au blanc d'oeuf (pour l'explication, tout du moins), fibres dont l'enveloppe est un tissu collagénique, et qui sont réunies en faisceaux par du tissu collagénique.
Autrement dit, dans la viande, il y a deux composantes : du blanc d'oeuf et du tissu collagénique. 

Le poisson est intermédiaire, car c'est du tissu musculaire, comme la viande, mais la quantité de tissu collagénique est faible. Autrement dit, il y a une structure qui s'apparente à du blanc d'oeuf fibreux, ou, plus exactement, du blanc d'oeuf intégré dans des fibres. Lors de la cuisson du poisson, il y a donc la coagulation de l'intérieur des fibres, et la séparation de ces dernières, séparation facile puisque le tissu collagénique est en faible quantité.
En conséquence, la cuisson durcira le poisson, plutôt qu'elle ne l'attendrira dans le cas des viandes dures. Le durcissement sera dû à la coagulation de l'intérieur des fbires, et l'on comprend qu'on n'aura guère intérêt à beaucoup prolonger la cuisson... à cela près que les voies artistiques sont impénétrables. 

 

Contrairement aux viandes, la chair du poisson n'est pas bien rouge, mais il demeure vrai que la chair peut perdre sa transparence par le même type de mécanismes que dans la viande. La cuisson basse température pour le poisson ? Si l'on entend par « cuisson basse température » une cuisson à basse température de longue durée, généralement appliquée aux viandes en vue de dissoudre le collagène, ce procédé n'a guère d'intérêt. En revanche, si l'on entend la maîtrise de la température de cuisson appliquée à l'ensemble de la pièce en vue de commander une consistance particulière, alors les mêmes remarques que pour l'oeuf s'appliquent, et c'est ainsi que l'on envisagera des cuissons à 6X degrés, abréviation qui signifie 61, 62, 63, 64, etc. 

J'ai donc eu tort de négliger la cuisson du poisson, car, comme pour les œufs, une grande variété de résultats est accessible. Comme quoi il n'est pas bon de confondre communication et contenu. j''ai souvent utilisé l'oeuf comme support de communication, afin d'expliquer les transformations moléculaires qui survenaient lors du chauffage d'un mélange d'eau et de protéines, mais le contenu, c' est autre chose : il s'agit d'obtenir des résultats particuliers. 

Mea culpa, cet exemple me montre que je dois maintenant examiner plus en détail de nombreux sujets que j'ai négligés par le passé, et y mettre un peu d'intelligence, afin de partager avec mes amis des contenus qui en valent la peine.

samedi 11 décembre 2021

Un pot-au-feu de poisson ?



Ce matin, une question :


Une question : ma femme ne voulant plus manger de viande et ayant la passion des pots-au-feu,  je me suis mis à remplacer les pièces de bœuf par du poisson (l’arrête centrale de la raie, les têtes de congres et de crevettes sont ce que j’utilise le plus fréquemment).
Je me demandais si vous pouviez m’indiquer si la chimie d’un pot-au-feu de poisson est similaire à celle d’un pot-au-feu traditionnel? Je ne retrouve pas complètement le côté gélatineux dans mes pots-au-feu compatible “pescatarien”.


J' aperçois que souvent, des particularités diététiques de certains conduisent à l'obervation selon laquelle la seule cuisine classique ne permet pas de répondre bien à la question ; s'impose la connaissance chimique et physique des ingrédients, d'une part, et celle des transformations culinaires, d'autre part. C'est à dire : s'impose la gastronomie moléculaire. 

 

En l'occurrence, la question est "intéressante" : et là, je ne suis pas en train, hautainement, de distribuer des bons points, mais, plutôt, de m'apercevoir que je dois réfléchir pour répondre de façon aussi fiable et utile que possible. 

 

Voici une réponse

Le pot-au-feu est une préparation classiquement introduite (empiriquement ; même si nos aïeux n'étaient pas plus bête que nous, ils n'avaient pas nos connaissances modernes) pour optimiser les nutriments de la viande. Autrement dit, le pot-au-feu est une préparation essentielle depuis des siècles, pour cette raison. 

 En effet, une viande que l'on chauffe se contracte, ce qui exclut des jus, lesquels contiennent des nutriments.
Nos ancêtres n'étaient pas fous, et, alors que les aliments étaient bien plus rares qu'aujourd'hui, ils ont bien vu que le rôtissage fait perdre des jus : jusqu'à un tiers de la masse initiale de la viande  !
Et c'est pour cette raison qu'ils faisaient cuire la viande dans l'eau, ce qui permet d'avoir à la fois la viande et le bouillon, lequel contient des nutriments. 

D'ailleurs, à ce stade, je crois me souvenir que j'ai évoqué cette question, différemment, dans deux livres :

1. Les précisions culinaires, pour la partie historique

 


2. Mon histoire de cuisine, pour la partie technique
 


De surcroît, un pot-au-feu bien conduit, pour lequel on évite le "coup de feu", permet de valoriser des viandes dures, parce que la cuisson lente, à basse température, dissout progressivement le collagène, enrichissant le bouillon en protéines, peptides, acides aminés, tandis qu'il évite la contraction de la viande. Finalement, on récupère une viande tendre et juteuse, mais aussi un bouillon qui a beaucoup de saveurs, notamment en raison des acides aminés et des peptides.

 

Pour le poisson

 

Évidemment, pour du poisson, on peut cuire dans de l'eau et l'on récupérera de même du poisson cuit et du bouillon. 


Toutefois, le problème, avec le poisson, c'est que les chairs contiennent bien moins de tissu collagénique que les viandes, raison pour laquelle le poisson est si tendre.
On n'aura donc pas intérêt à cuire longtemps les tissus musculaire dans l'eau, sans quoi ils se déferaient.
 

Si l'on veut un équivalent du pot-au-feu, je crois qu'il faut séparer les opérations  :

1. Constituer par avance un bon bouillon, bien gélatineux, notamment en cuisant des arêtes et des têtes dans de l'eau avec une bonne garniture aromatique. Il faudra  charger le bouillon de matières susceptibles de libérer de la gélatine... ou utiliser de la gélatine de poisson... ou de viande.
La cuisson devra être longue, car c'est cette longue cuisson qui non seulement fait l'extraction de la gélatine, mais, aussi, l'hydrolyse de cette dernière, en peptides et acides aminés.  

2. Puis on se limitera à pocher  le poisson dans le bouillon frémissant.

Sans oublier de bien cuire la garniture aromatique.
Et de confectionner tous les merveilleux à côtés du pot-au-feu : par exemple, en Alsace, on broie des carottes cuites avec moutarde et oeuf dur, on dispose des mirabelles au vinaigre, etc.

vendredi 17 mai 2019

La (grave !) question des acras de morue


J'ai fait une petite exploration des recettes de d’acras de morue, car je cherchais à me retrouver dans l'ensemble des possibilités données les recettes : parfois il y a de l'oeuf, parfois il y a  de la fécule de maïs, parfois il y a de la farine, parfois il y a de la pomme de terre... Évidemment les proportions sont extrêmement variables d'une recette à une autre, et la seule constante est peut-être la présence de morue, de cive, de persil, d'oignons, d'ail, de piment.






Prenons un peu de recul et observons qu'il s'agit surtout de poisson émietté, éventuellement additionné d'amidon et d'oeuf que l'on assaisonne, que l'on forme en boulettes que l'on  frit. Autrement dit, il s'agit de préparations en tout point analogues à des boulettes frites de poisson,  ce que l'on pourrait nommer des croquettes aussi, et l'on voit bien que l'on pourrait varier le poisson, que la morue n'est indispensable que dans des acras de morue. Les croquettes et les boulettes de poisson ont été largement explorées par les cuisiniers professionnels occidentaux (français surtout), et l'on peut chercher dans leurs productions  des indications pour varier la recette d’acras des îles.
Mais on peut aussi raisonner,  et observer que le poisson contient des protéines susceptibles de coaguler, comme dans les terrines évoqués dans un billet précédent (https://hervethis.blogspot.com/2019/05/les-terrines.html). Bien sûr, on peut ajouter de l'oeuf, le blanc apportant des protéines qui aideront à tenir les masses, tandis que le jaune apportera également des protéines, mais surtout du goût.
La farine, la fécule, l'amidon, quand ils seront chauffés en présence d'eau, absorberont  cette dernière et feront une préparation pâteuse comme une sauce blanche, qui donnera un peu plus de souplesse qu'avec le seul poisson, surtout s'il a été salé comme c'est le cas pour la morue.
L'ail, l'oignon, le piment, la cive ou le persil contribueront au  goût, et, si l'on n'a pas mixé les ingrédients, ils pourront également  donner un peu de variété dans la consistance de la pâte. Certaines recettes indique de les broyer,  mais je me demande si l'on n'aurait pas intérêt à ne broyer que la moitié, et a conserver l'autre, en brunoise, pour faire ces variations de consistance.

Enfin il y a ce que certaines recettes nomment de la "levure", ou de la levure chimique, ou du bicarbonate. Tout cela n'est pas la même chose. La levure, c'est pour obtenir une fermentation assez longue, comme dans le pain : ce n'est pas souhaitable ici. En revanche, la poudre levante, fautivement nommée "levure chimique", produit un dégagement de gaz rapide quand elle est chauffée en présence d'eau. Ce qui est le cas pour les acras.
Le bicarbonate ? Personnellement, je trouve qu'il donne un goût savonneux désagréable, mais, surtout je vois qu'il est contre-indiqué dans les recettes qui contiennent du jus de citron ou du jus de citron vert, parce que parce que la réunion du bicarbonate et de l'acide provoque aussitôt une effervescence qui sera perdue si l'on laisse la pâte reposer avant la friture. Il vaut bien mieux la poudre levante, donc.

Et c'est ainsi que je n'ai guère besoin de recette pour faire la préparation.



Mais je ne veux pas terminer ce billet sans évoquer la cuisine note à note, cette cuisine de synthèse qui fait usage de composés purs au lieu des ingrédients classiques que sont les poisson, légumes, viande ou fruits.
Pour une recette note à note, apparentée aux acras de morue, on partira d'eau, de protéines thermocoagulables, d'amidon, on ajoutera de la poudre levante et des composés qui donneront de la saveur, de la couleur, de l'odeur, du piquant et du frais... On formera de petites masses de cette pâte, et, en faisant une friture classique, on obtiendra  des objets qui s'apparenteront en tous poins à des acras de morue, à cela après que le goût sera tout à fait original et sur-mesure.

vendredi 18 janvier 2019

Je vous présente l'actine et la myosine

Cela fait longtemps que j'aurais dû évoquer ces protéines que sont l'actine et la myosine ; d'ailleurs, je devrais dire "les actines et les  myosines", ce qui serait plus juste.


Examinons tout cela dans une perspective historique. 

Il y a environ trois siècles, les chimistes ont identifié l'albumine, principe coagulant du blanc d'oeuf, ou albumen. Cette "matière", cette "substance",  avait des particularités, par rapport aux composés végétaux, à savoir que, comme elle contenait de l'azote (on l'ignorait à l'époque), sa putréfaction engendrait de l'ammoniac, composé basique qui fait virer la couleur d'indicateurs colorés, à savoir, à l'époque, les sirops de violette (on broie des fleurs dans l'eau et l'on filtre).
Puis, progressivement, les chimistes comprirent que les viandes, aussi, avaient cette même propriété, et l'on se mit à parler d'albumine pour l'oeuf, la viande, les poissons.
Soudain, vers 1800, les chimistes découvrirent, dans des plantes des composés qui avaient les mêmes propriétés : des "albumines végétales" ! Ce fut un bouleversement, car la division établie par la religion entre le règne animal et le règne végétal tombait !
Mais, bientôt, les progrès de l'analyse chimique révélèrent l'existence d'entités plus précises que l'albumine, et plus diverses aussi, et l'on identifia les "protéines", mais aussi les acides aminés.
Aujourd'hui, on nomme "albumines" une catégorie très particulière de protéines : de petites protéines solubles dans l'eau et capables de coaguler à la chaleur, notamment.
Et c'est ainsi que, dans le blanc d'oeuf, il y a une vingtaine de sortes de protéines différentes, dont seulement certaines sont des albumines. Pour les viandes ou poissons, il y a aussi des albumines, telle l'albumine sérique, dans le sang.


Aujourd'hui, parlons de protéines

Il y a donc des protéines très différentes, et, notamment, certaines coagulent et d'autres non. Ainsi les viandes sont des assemblages de "fibres musculaires" (des sortes de tuyaux très fins), en faisceaux regroupés eux-mêmes en super-faisceaux. Les fibres musculaires sont comme de tuyaux,  comme dit précédemment, qui contiennent une matière qui a des ressemblances avec le blanc d'oeuf. La "peau" de ces fibres, c'est du "tissu collagénique", une matière faite d'une protéine qui est nommée collagène. Et cette protéine ne coagule pas, mais elle peut former des gels : ce sont les gels de gélatine, qui se forment d'ailleurs spontanément quand on laisse refroidir le bouillon formé par la cuisson d'une viande dans une petite quantité d'eau (ou de vin).
L'intérieur des fibres musculaires, ce sont de l'eau et deux sortes de protéines, qui sont nommées actines et myosines. Ces protéines permettent aux fibres de se raccourcir quand elles reçoivent un ordre du cerveau (un signal électrique transmis par les "nerfs"), et c'est cela qui conduit à la contraction entière du muscle. Et ces protéines, contrairement au collagène, peuvent coaguler : la preuve, c'est que quand on broie une viande, puis que l'on chauffe, on obtient... des terrines, où les protéines que sont actines ou myosines ont coagulé.


mardi 3 juillet 2018

Bouillons, courts bouillons et fumets

Les coquilles d’œuf permettent-elles de clarifier les bouillons ? Le poisson de mer est-il plus blanc quand il est cuit dans du lait que quand il est cuit au court-bouillon ? Les fumets de poisson deviennent-ils amers quand ils sont cuits plus de 20 minutes ? Voici les questions  que nous avons explorées expérimentalement lors de notre dernier séminaire de l'année universitaire, en juin.


Bouillons clarifiés

On sait que les bouillons de bœuf sont souvent troubles et que, pour les clarifier, les cuisiniers utilisent du blanc d'oeuf, ou de la viande hachée, ou des légumes… mais des coquilles d'oeuf ? On voyait mal comment ces dernières pouvaient éventuellement agir.
Pour autant, rien ne vaut l'expérience, et nous avons donc volontairement produit un bouillon trouble en faisant tout mal :  650 gramme de tende de tranche, et 1 litre d'eau, avec 4 grammes de sel, ont été portés à ébullition  pendant 40 minutes. Le bouillon obtenu était effectivement trouble.

Hors du feu, nous avons sorti la viande, puis ajouté les coquilles de 10 œufs, simplement écrasées. Puis nous avons remis le bouillon sur le feu, coquilles incluses. A l'ébullition, nous avons vu une écume épaisse, ferme, qui a formé une sorte de « gâteau », qui a été retirée à la louche.  Le bouillon obtenu, passé dans un linge plié, était bien clair.
Pourquoi cet effet inattendu ? Sans doute parce que les coquilles conservaient du blanc d’œuf adhérent, dont on sait qu'il clarifie bien les bouillons. Pour s'en assurer, il conviendrait de répéter l'expérience en lavant les coquilles, et en les débarrassant de ce blanc adhérent, avant des utiliser : si vous faites des tests, merci d'envoyer vos résultats à icmg@agroparistech.fr  afin qu'ils soient communiqués à tous.


 Cuisson du poisson avec du vin ou avec du lait
Toujours lors de ce séminaire de juin, nous avons cherché à savoir si la chair des poisson était effectivement plus blanche, quand on cuit dans du lait. La précision culinaire complète est la suivante : Madame Millet-Robinet, dans La maison rustique des dames (Paris, Librairie agricole de la maison rustique, 1893, p.464) écrit  : « On fait cuire ordinairement le poisson de mer dans un court-bouillon à l’eau, auquel on rajoute quelquefois du vin blanc ; c’est une mauvaise méthode. Presque tous les poissons  de mer sont meilleurs, et leur chair est plus blanche et plus ferme lorsqu’ils sont cuits dans un court-bouillon composé de moitié lait,  moitié eau, un peu de sel et de poivre ».
Nous avons donc commencé par  faire un court bouillon  dans les règles de l'art, avec eau, carottes, échalotes, bouquet garni, sel. La cuisson a duré  une heure.
Puis, dans deux casseroles identiques, on amis  :
1. le court-bouillon et du vin blanc sec (tant pour tant)
2. 1 L de lait et autant d'eau.
On a commencé la cuisson à froid, avec des darnes alternées d'un même cabillaud (une sur deux dans les deux casseroles). Les deux casseroles étaient chauffées de la même façon, jusqu'à ébullition.
Puis on a comparé les darnes, après la cuisson :
- nous n'avons pas vu de différence de couleur (autant de choix par les participants pour l'un que pour l'autre, dans un choix en aveugle, et en croisant les produits à évaluer entre les évaluations)
- la différence de  fermeté était difficile à évaluer, parce que toutes les parties n'ont pas toutes cuites de la même façon, même quand les darnes étaient parfaitement immergées.
En tout état de cause, on ne peut pas conclure que la précision culinaire explorée soit juste.


L'amertume éventuelle du fumet de poisson

Enfin, nous avons cherché à savoir s'il est vrai que les fumets de poisson deviennent amers après plus de 20 minutes de cuisson. Pour nos expériences, nous avons prépapré un fumet de poisson avec les arêtes du cabillaud précédemment utilisé, de l'eau, du vin blanc sec, un poireau en rondelles, 10 champignons émincés, du sel. Les légumes sont sués avec du beurre, avant l'ajout du liquide.
Du fumet a été prélevé après 16 minutes de cuisson, et après 40 minutes… et nos dégustations en aveugle nous ont clairement montré que  le fumet le plus cuit (40 minutes) n'était pas amer. Mieux, il était meilleur que celui qui n'avait été cuit que 16 minutes.
Comment a-t-on pu transmettre une idée si fausse ?

dimanche 1 avril 2018

Pétition

Pétition d'avril :
Comme disait Aristote dans la Rhétorique, la littérature doit préférer l'impossible vraisemblable au possible invraisemblable.

mercredi 21 mars 2018

Demain, les diracs... à toutes les sauces

Décidément, il y a lieu d'aider mes amis qui se lancent dans la cuisine note à note, et qui s'interrogent : comment remplacer la viande et le poisson ? La réponse est : avec des "diracs".

Pour commencer simplement, expliquons qu'une viande ou un poisson, c'est un matériau fait de 25 pour cent de protéines et de 75 pour cent d'eau.
Autrement dit, on obtient une matière de la même fermeté qu'une viande en mêlant une cuillerée de protéines et trois cuillerées d'eau, puis en cuisant. D'autre part, on obtient une matière de la même fermeté qu'un blanc d'oeuf cuit sur le plat en cuisant un mélange fait de 10 pour cent de protéines et de 90 pour cent d'eau : une cuillerée de protéines pour neuf cuillerées d'eau.
Et on obtient quelque chose d'encore plus dur que la viande si l'on augmente la teneur en protéines.
On n'obtient ni de la viande, ni du blanc d'oeuf, mais une matière que j'ai proposé de nommer un "dirac".

Et il y a donc des diracs durs, des diracs mous... mais bien d'autres diracs. Certains peuvent être "mousseux", foisonnés... et ce sont donc des "berthollets". Certains peuvent être striés, et ce sont des surimis; Mais on peut imaginer bien d'autres possibilités : des systèmes feuilletés, des systèmes émulsionnés.


Pour un dirac foisonné ? On part d'eau et de protéines, on fouette, on ajoute les couleurs, odeurs, saveurs, puis on cuit (par exemple, à la poêle, ou bien dans un four à micro-ondes, mais on pourrait égale ment verser des cuillerées dans de la friture, par exemple. Et je nomme cela un "berthollet".

Pour un dirac émulsionné ? Puisque les protéines stabilisent merveilleusement des émulsions, on comprend que l'on puisse ajouter de la matière grasse au mélange eau+protéines. Combien ? Jusqu'à environ 19 fois plus que d'eau. Et l'on a évidemment quelque chose d'alors très gras... et de très moelleux.
D'ailleurs, j'y pense : pourquoi ne pas faire comme avec le chocolat, à savoir classer par proportion de matière grasse ? 

Pour un dirac haché : c'est comme pour un steak haché, à savoir que l'on prépare un dirac, puis que l'on hache, dans le même hachoir que d'habitude. 

Pour un surimi de dirac : on part d'un mélange de protéines et d'eau, on ajoute un empois d'amidon, puis on coule sur une plaque plate, et l'on strie (à l'aide d'une fourchette ou d'un peigne) avant de cuire (vapeur, micro-ondes, etc.)

samedi 28 janvier 2017

Les plats réchauffés seraient meilleurs ? Non !

Certains disent que les plats réchauffés sont meilleurs : en toute généralité, c'est faux ! 



Un contre exemple abat une généralité

En effet, cuisons un filet de poisson : si nous sommes un peu précis, nous le cuirons jusqu'à ce que la chair perde son aspect nacré... et pas plus, sans quoi le filet devient "sec".




Pour comprendre

Un seul contre exemple suffisant à anéantir une loi générale (qui n'est alors plus générale), nous pourrions nous arrêter là, mais ce serait perdre le bénéfice de l'analyse du contre exemple.

En effet, la chair de poisson, c'est du muscle, et les muscles des animaux sont faits de "tubes", ou "tuyaux", alignés, groupés en faisceaux. Chaque tube est ce que l'on nomme une "fibre musculaire". La peau du tube est le "tissu collagénique", qui donne de la dureté, tandis que l'intérieur peut être imaginé comme du blanc d'oeuf (fait d'eau et de protéines.
Quand on cuit pendant quelques minutes seulement (savez-vous combien cela prend de temps, la cuisson d'un filet de poisson ?), l'intérieur des tubes coagule, et la chair se raffermit, tandis que la couleur, l'aspect changent... comme pour un blanc d'oeuf qui, de transparent et jaune, devient blanc et opaque (pour des raisons que j'expliquerai une autre fois).

Observons que le raisonnement peut être fait aussi pour d'autres ingrédients culinaires, telles les moules, ou tels les oeufs, bien sûr. C'est la base du raisonnement qui m'a conduit à inventer vers 1995  ce qui est aujourd'hui nommé "l'oeuf parfait", mais je préfère nommer les oeufs à 63, 64, 65, 66, 67 (un de mes préférés), 68... et les autres. Je renvoie vers d'autres billets pour des explications.


Et la viande ? 

Pour la viande, la question est un peu plus difficile, parce que les viandes ont plus de "tissu collagénique" que les chairs de poissons. Même dans les viandes à griller, il y a plus de fermeté initiale. Quant aux viandes à braisier, elles sont si dures qu'il faut les cuire très longtemps.

Pour comprendre la cuisson de la viande, il faut penser que deux phénomènes opposés ont lieu quand on cuit :
- l'intérieur des fibres musculaires coagule, ce qui durcit la viande
- pour une cuisson longue, le tissu collagénique est dégradé, ce qui attendrit la viande.

Voilà pourquoi griller un steak doit être rapide : on se limite à durcir le moins possible, en donnant du goût et de la consistance à la couche externe.
Mais voilà pourquoi la viande à braiser doit être cuite très longtemps : il faut du temps pour que le tissu collagénique se dissocie, et que la viande s'attendrisse.
Problème, toutefois : on se souvient que, quand on cuit, l'intérieur des fibres durcit et "sèche" (c'est une sensation, par une diminution de la teneur en eau).
Et c'est pourquoi il faut braiser à basse température : mon conseil, souvent de nombreuses heures à des températures toujours supérieures à 60 °C, mais inférieures à 80 °C.
Pourquoi supérieures à 60 °C ? Parce que, sinon, des micro-organismes risquent d'être encouragés à se développer (si vous sentez une odeur bizarre, un jour, attention !).
Et puis attention aussi aux viandes de porc, sanglier, cheval, qui peuvent contenir des parasites qui ne sont tués qu'à plus de 83 °C environ.


Et le goût ? 

Au fait, et le goût d'un braisé, d'un ragoût longuement cuit ? Il s'améliore avec le temps, parce que la cuisson longue dégrade d'abord le tissu collagénique, mais hydrolyse aussi les protéines en libérant des acides aminés sapides ! Plus la cuisson est longue, plus la sauce sera bonne.
Inversement, il y a des cuisson pour lesquelles le réchauffage donne de mauvais résultats : par exemple, la science des aliments a examiné le cas du poulet rôti, qui, réchauffé, prend un goût de carton.
Il serait trop long de considérer tous les cas, mais concluson :

En toute généralité, il n'est pas vrai que les plat réchauffés sont meilleurs, mais il y a des cas où cela est vrai... à condition de bien penser que le mot "meilleur" ne signifie en réalité que "ce que j'aime".
Le goût pour les choses n'a rien de scientifique, et il est tout personnel, fondé sur de l'inné et de l'acquis !

dimanche 20 mars 2016

2. Êtes-vous poisson ou viande ?

Ces questions sont analogues à celles que me posaient mes enfants quant ils étaient petits :  ils me demandaient si je préférais les framboises ou les cassis, et je répondais que je préférais les fraises des bois. Ils étaient furieux, parce que ce n'était pas le jeu auquel ils invitaient, mais il y avait (évidemment) plusieurs raisons pour lesquelles je répondais ainsi. D'une part, on devient sans doute plus malin si l'on apprend à ne pas "rester dans la boîte". D'autre part, les choix sont intransitifs et non ordonnables, de sorte qu'il n'est pas bon de répondre à une question mal posée.
Pour la question sur les poissons ou les viandes, il en va de même. Avec l'alternative proposée, il manque les crustacé, les huitres, les oursins... D'autre part,  il y a poisson  et poisson, viande et viande. Comment comparer un turbot à un faisan ? Egalement, il  y  le fait que nos choix sont changeants : si l'on a mangé beaucoup de turbot, on rêve de faisan !
Surtout il y a la façon de préparer les "ingrédients culinaires" pour les transformer en aliments. Par exemple, à propos du modeste maquereau, que l'on ne cesse de pêcher sur les côtes bretonnes au point de ne plus le considérer : j'en ai vu un chez Pierre Gagnaire qui était absolument éblouissant, un plat martien, merveilleux, inimaginable. Inversement la bavette que j'ai eu à déjeuner hier dans un bistrot près de la Gare Saint-Lazare n'étais pas extraordinaire... mais j'ai également vu, parfois, de très  belles bavettes sauce marchand de vin.
 "La" viande : cela n'existe pas ; "le" poisson n'existe pas ; il y a les poissons, les viandes, et les différentes façons de les préparer.

 Du coup, faut-il vraiment choisir ? Moi je ne suis pas difficile, je me contente de meilleur, et le meilleur, c'est toujours la même question, ce n'est pas une question d'ingrédients, ce n'est pas une question de préparation. C'est une question de compagnie, avec qui nous mangeons.
Donc finalement je ne suis pas poisson ou viandes sauf  si on prend le "ou" comme celui dela logique, à les deux à la fois. Moi je veux les poissons, les viandes, bien cuisinés, par des amis, et mangés en superbe compagnie.

vendredi 19 décembre 2014

Rattraper une béarnaise (Mon histoire de cuisine)

Avec un poisson, une belle béarnaise ?

C'est l'occasion de rectifier des erreurs de l'enseignement culinaire. D'une part, une béarnaise n'est pas une émulsion, mais surtout une suspension émulsionnée : quand on chauffe, l'oeuf coagule, formant de petits grumeaux, qui donnent de la viscosité, comme dans une crème anglaise. Certes, il y a une émulsion, puisque le beurre ajouté fond, et qu'il est émulsionné par le fouet.

Emulsionnné : nous sommes bien d'accord, à savoir que c'est la dispersion de matières grasse dans un liquide, et non pas la dispersion de bulles d'air, ce qui fait une mousse, et non une émulsion.
Dans les béarnaises, quand on s'y prend d'une certaine façon, en foisonnant l'oeuf et le liquide, avant d'ajouter le beurre, on peut obtenir une mousse. Laquelle s'ajoute à la suspension. Et la sauce finalement obtenue est alors une suspension foisonnée et émulsionnée.

Enfin, il y a la question des émulsions qui seraient stables ou instables. Une émulsion n'est jamais stable ! Toujours instable !  Certes, il y en a qui sont plus stables que d'autres, mais toutes finiront par se séparer, par crémage et sédimentation. Aux étudiants de Master, ici, à l'AgroParisTech, j'enseigne comment stabiliser des émulsions (voir les "cours en ligne", publics et gratuits), mais les calculs seraient hors de propos. Je me contente de signaler que ces questions sont discutées largement dans "Mon Histoire de Cuisine", paru aux Editions Belin.

mardi 8 avril 2014

Un 1er avril révélateur…


   

Un changement de gouvernement le 1er avril ? L'occasion était trop belle... et j'ai annoncé que notre nouveau premier ministre avait besoin de moi à ses côtés, pour la science et l'enseignement supérieur.

Certains ont apprécié l'invitation, m'ont félicité ; d’autres m'ont fait reproche d'avoir accepté, et d’autres enfin n'ont pas eu le temps de se rendre compte de l'énormité : comment pourrait-je administrer, alors que je me gouverne à peine ? Comment irais-je diriger un pays, alors que je récuse bien souvent les prétentions de compétences à le faire ? Les commentaires sur Twitter ont été amusants : "Ah, dommage, vous n'aurez plus le temps de venir au colloque auquel je voulais vous inviter", ou "Vous allez dans le mur"...
Les remarques de personnalités en charge de responsabilité, aussi, ont été amusantes... et le fait que mon annonce n'ait pas été prise pour un poisson d'avril en dit long sur le crédit que l'on me porte, sur le bord politique que l'on me prête, sur les ambitions que je pourrai (je dis bien "pourrai") avoir, sur mes "relations"...
C'est beaucoup trop d'honneur, pour quelqu'un qui cherche seulement à "clarifier", à chercher les mécanismes, à comprendre, à faire rayonner un peu de Lumières, à promouvoir une peu plus de rationalité. 
Pardon à tous ceux qui m'ont cru pendant plus de quelques secondes.