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jeudi 4 mai 2023

Jeux de couleur

Je vous recommande vivement cette expérience qui consiste à broyer les pétales d'une rose rose avec un peu d'eau, dans un mortier de cuisine, à l'aide d'un pilon. 

On obtient une pâte un peu molle, toujours rose, que l'on peut filtrer. À ce stade, il est bon de considérer le matériel expérimental : le mortier et le pilon se trouvent cuisine, mais le filtre  aussi, puisqu'il sert à préparer le café. Les roses, elle, se trouvent sur le balcon. Donc aucune « débauche » expérimentale. 

Revenons à   notre le liquide parfaitement transparent, (parfaitement ?), coloré en rose. 

Nous  ajoutons une goutte de vinaigre cristal, incolore et transparent... et soudain la coloration change complètement. Allons chez le droguiste, demandons lui un peu de soude, et ajoutons-la :  la coloration change encore (vous voyez : je fais exprès de ne pas dire comment, afin de ne pas vous gâcher le plaisir de l'expérience, tout comme il est malséant de raconter la chute d'un roman à un ami). 

Ce  même type de changements peut s'observer avec des framboises que l'on trempe  dans de  l'acide chlorhydrique ou dans une solution de soude. Ne mangez évidemment pas les framboises ainsi traitées... à moins de les avoir bien neutralisées (acide chlorhydrique plus soude, cela fait du sel!) et que les produits utilisés soient de qualité alimentaire (pas d'impuretés toxiques). 

Tous ces changements de couleur sont dus à des composés phénoliques, tels qu'il en existe dans les tissus végétaux colorés en rouge, en bleu, en violet, en noir : fraises, groseille, framboises, cassis, myrtilles... Selon l'acidité des milieux qui contiennent ces composés, ces derniers ont des couleurs  différentes, de sorte que les plantes peuvent « décider » de certaines couleurs, en ajustant leur acidité. 

D'ailleurs, si vous ajoutez des ions (fer, aluminium, étain, cuivre...) vous verrez d'autres changements de couleur. Plus généralement, les couleurs de ces composés phénoliques changent avec l'environnement des molécules. 

Mais il y a mieux : un  chimiste nommé Raymond Brouillard, qui travaillait à l'université de Strasbourg, a effectué des travaux remarquables  sur ces composés phénoliques. Il a notamment montré que certains végétaux, certaines fleurs, contiennent des composés phénoliques qui sont liés par paires, à l'aide d'une sorte de charnière moléculaire. Selon les circonstances,  ces paires  peuvent se replier sur elles-mêmes, comme on ferme livre, et chaque moitié change la couleur de l'autre, parce que l'environnement moléculaire des éléments des paies change. Remarquable mécanisme donc que celui qui fut mis au point par l'évolution biologique...

dimanche 24 décembre 2017

Comment colorer des aliments avec les pigments des végétaux ?

On m'interroge sur la  couleur des fruits. 

Fruits, légumes... Il s'agit de tissus  végétaux, et la réponse est identique.

Commençons par observer que certains composés sont plutôt solubles dans l'eau, et d'autres dans l'huile. C
'est vrai pour les composés de toutes sortes, qu'ils soient par ailleurs odorants, sapides... ou colorants. Et un composé insoluble dans l'eau ne colorera jamais de l'eau, tandis qu'un composés soluble dans l'eau ne colorera jamais de la matière grasse.

Pour les végétaux, les couleurs sont principalement dues à des espèces chimiques appartenant aux familles des chlorophylles, des caroténoïdes, des composés phénoliques, mais aussi à  quelques autres classes, telles les bétalaïnes, dans les betteraves.
Si les chlorophylles et de nombreux caroténoïdes sont insolubles dans l'eau, les composés phénoliques, eux, sont solubles.

Quelles conséquences ? Que l'eau de cuisson des carottes ne sera que peu colorée, tout comme celle de cuisson des haricots, par exemple.
Les caroténoïdes des carottes, ou les chlorophylles et les caroténoïdes des haricots reste dans le tissu végétal, sans pouvoir se dissoudre dans l'eau.
En revanche, l'eau de cuisson de cerises ou de fraises, elle, prend une couleur, parce que les couleurs des fruits et fleurs est souvent due aux composés phénoliques, notamment les anthocyanes.

Parfois, les résultats expérimentaux sont moins faciles à interpréter. Par exemple, les tomates sont rouges principalement en raison de la présence de particules de tissu végétal contenant les pigments insolubles dans l'eau, de sorte que si l'on filtre bien une purée de tomate, l'eau que l'on récupère n'est pas rouge, mais simplement dorée.
Il en va de même pour les chlorophylles. Inversement, on pourrait colorer de la matière grasse avec des gouttelettes d'eau  où des composés phénoliques seraient dissous.







Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

samedi 9 décembre 2017

A propos de colorants

Je reçois cette question :


Je souhaite réaliser des macarons sans colorants industriels, mais avec des colorants naturels présents dans les jus de fruits tel betterave, orange, carotte… J’ai choisi les macarons car cette pâtisserie est très riche en colorants de synthèses.

Si vous détenez d’autres informations concernant la mise en place de colorants naturels ainsi que des études sur les colorants ?



Et voici ma réponse, que je fais en prenant d'abord du recul : il y a là l'opposition de l'artisanat et de l'industrie. Je ne veux pas laisser croire que je suis pour l'industrie, mais il est vrai qu'aucun d'entre nous ne fait son sucre à partir de la betterave sucrière, ni son huile, ni son lait, ni sa crème. La question est politiquement terrible !


La réponse : Pourquoi voulez vous vous fatiguer à extraire vous même les pigments et colorants… alors que les industriels le font pour vous ? C’est la même question qu’avec la gélatine : utilisez vous encore des pieds de veau pour vos bavarois ? Il y a d’autre part une vraie différence entre "colorants industriels" (je rappelle que nos amis canadiens nomment industriels les restaurateurs… parce que ces derniers ont une entreprise !) et colorants de synthèse.

Si l’on extrait des chlorophylles d’épinard, que ce soit dans une cuisine ou dans une usine, ce sont des chlorophylles extraites. Si l’on mettait en oeuvre un savoir chimique pour synthétiser les mêmes chlorophylles, ce seraient des chlorophylles industrielles.

Inutiles de vous dire que, pour la plupart des colorants un peu élaborés, ce sont des colorants extraits, et non de synthèse. D’autre part, la toxicologie des composés ne dépend pas de leur origine, extraite ou synthétique.

Connaissez vous le SYNPA, syndicat des producteurs de colorants et additifs ? Ils ont des informations en grand nombre. Vient aussi de paraître chez Lavoisier/Tec et Doc un livre Les additifs, 4e édition révisée.









Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
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dimanche 10 août 2014

Le moment où le vert des feuilles change presque de jour en jour...



Le printemps est le moment où l'on s'aperçoit que le vert change, le moment où nous prêtons attention à ces changement, parce que le vert apparaît sur des branches jusque là dénudées. L'été est le moment où l'on voit que le vert des feuilles change, parce que le chaud alterne avec l'humide. L'automne est le moment où l'on s'intéresse à la couleur des feuilles, parce que le vert cède la place à d'autres teintes. En réalité, le vert des feuilles change sans cesse, comme l'analyse suivante permet de le comprendre.
Le vert des feuilles, c'est leur contenu en pigments que sont les chlorophylles et les caroténoïdes, notamment. Pour certains feuillages, il peut y avoir aussi des composés phénoliques, mais le raisonnement serait le même que celui que nous allons faire. Chlorophylles et caroténoïdes, donc. Dans les feuillages, les chlorophylles sont les chlorophylles a, a', b, b', et les caroténoïdes ont pour nom carotène, lutéine, violaxanthine... Chacun de ces composés a un spectre d'absorption particulier, ce qui signifie qu'il absorbe des rayonnements particuliers du spectre de la lumière visible. La lumière du jour arrive donc sur la feuille ; une partie est absorbée et le reste est réfléchi. Plus les pigments sont nombreux, et plus leurs absorptions sont différentes, plus la feuille paraît sombre.
Imaginons que les feuilles ne contiennent que la chlorophylle a : on aurait une certaine couleur. Puis imaginons que les feuilles contiennent de la chlorophylle a et du carotène bêta : la couleur serait différente.
Or les feuilles qui croissent synthétisent les pigments, mais elles ne les synthétisent pas tous à la même vitesse, parce que les voies métaboliques sont différentes pour les divers pigments. La proportion de chlorophylle a, par exemple, change avec le temps, de sorte que la couleur change, puisque tout est affaire de proportion.
Et voilà pourquoi il n'est pas étonnant que la couleur des feuilles change avec les jours qui passent, du premier jour où elles apparaissent, jusqu'au jour où telles tomberont.

J'ai dit « il n'est pas étonnant », mais je me reprends, car une telle expression banalise le phénomène, qui est bien mystérieux et merveilleux pour qui n'est pas chimiste. Au contraire, ces changements de couleur sont très étonnants ! La preuve : il a fallu que les sciences viennent donner l'analyse précédente pour que l'on y voie plus clair. Sans les éclaircissements des sciences, les mystères tels que les verts changeants des feuillages sont de ceux qui ont conduit l'humanité à imaginer des dieux, des elfes, des lutins, des feux follets. Naguère, ce type de phénomène appelait des puissances imaginaires, et chacun pouvait ajouter sa voix à la grande cacophonie publique des mythes, des légendes.
Aujourd'hui la chimie physique a-t-elle mis fin à cet « enchantement » ? Je ne crois pas, car la théorie scientifique, bien plus fiable que l'imagination, est toujours « insuffisante » par principe (faut-il dire « incomplète » ?), de sorte que, jour après jour, notre compréhension du monde s'embellit. Ce serait une erreur de croire que la chimie physique de la couleur des feuilles a dit son dernier mot, au contraire. La science n'a pas de fin parce qu'elle perfectionne à l'infini ses théories, ses explications, qu'elle améliore ses mécanismes, en vue de produire un discours toujours plus approprié. Il est là, l'enchantement du monde.
Et puis, il faut quand même s'étonner de ces synthèses différentielles des chlorophylles et des caroténoïdes. Il y a de quoi s'émerveiller de la constitution moléculaire des molécules de ces composés qui absorbent la lumière visible.
Les chlorophylles ? Des molécules qui sont construites autour d'un noyau « tétrapyrrolique », avec des atomes qui forment une sorte de « plaquette », et un atome de magnésium au centre, des électrons étant répartis (on dit « délocalisés ») sur tout le plan du noyau. Les caroténoïdes ? Des molécules également remarquables, mais différemment : elles ont un long squelette fait d'atomes de carbone, avec des liaisons simples et des liaisons doubles qui alternent, ce qui permet, à nouveau, la délocalisation des électrons, laquelle permet l'absorption de la lumière visible.
Dans les deux cas, il y a un mécanisme analogue, et très remarquable. Ordinairement, quand il n'y a pas de délocalisation des électrons, les molécules n'absorbent que des rayonnements très énergétiques, ultraviolets par exemple. En revanche, quand les électrons de doubles liaisons sont ainsi délocalisés, ils sont moins « tenus » par le squelette moléculaire, et interagissent plus facilement avec les rayonnements, de sorte qu'ils peuvent absorber ces derniers, avant de revenir à l'état initial, souvent par réémission de rayonnement invisible, infrarouge par exemple.
Je m'arrête là : j'avais juste esquissé la suite du récit afin de montrer qu'il y a lieu de s'étonner chaque seconde... de la couleur changeante du vert des feuilles.