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jeudi 14 septembre 2023

Molécules, composés, composés chimiques, produits chimiques...

 
Souvent nos concitoyens (et nous mêmes) ne savent pas exactement la différence entre une molécule, un composé, un composé chimique, un produit chimique, un produit de synthèse... J'ai donc expliqué la chose dans un podcast sur le site d'Agroparistech (http://www.dailymotion.com/video/x1r1o5y_qu-est-ce-qu-un-compose_school). 

Cela dit, pour ceux qui n'auraient pas le temps d'aller sur ces sites, une explication, à nouveau. Un objet matériel, tel l'eau dans un verre, est fait de molécules. Pour l'eau du verre, ce sont des objets tous identiques, que l'on nomme des molécules d'eau. Et l'eau est liquide parce que ces molécules d'eau bougent en tous, un peu comme des boules de billard sur un billard qui serait secoué.
Dans un cristal de sucre, il y a des objets tous identiques, empilés régulièrement : ce sont des molécules de « saccharose », et, cette fois, les mouvements se limitent à des vibrations.
Dans de la vodka, maintenant, c'est un peu (à peine) plus compliqué, parce qu'il y a des objets de deux sortes : d'une part, des molécules d'eau, et, d'autre part, des molécules d'une autre sorte : l'éthanol. Les molécules des deux sortes sont dispersées au hasard, comme des boules jaunes et des boules rouges sur un billard agité. Et, mieux, le fait que la vodka soit à 40 pour cent d'éthanol revient à dire qu'il y a environ six molécules d'eau pour quatre molécules d'éthanol. Les molécules sont des molécules... mais les catégories de molécules sont les composés. L'eau est un composé, et l'éthanol est un autre composé ; le saccharose est un troisième composé. 

Et les composés ont ce nom, parce que toutes leurs molécules des objets d'un même type, tous « composées » d'atomes organisés de la même façon. Par exemple, les molécules d'eau sont toutes composées d'un atome d'une sorte (l'oxygène) et de deux atomes d'une autre sorte (l'hydrogène). Pour les molécules de saccharose, il y a 12 atomes de carbone, 12 atomes d'oxygène et 24 atomes d'hydrogène. 

Lorsque a été mis en ligne le podcast qui explique cela en images, sur le site d'AgroParisTech, je n'étais pas bien fier : que penseraient mes collègues ? Etait-ce bien raisonnable de donner des explications si simples sur le site de la plus grande école d'agronomie du monde ? 

La réponse a été donnée par mes « amis » qui ont visité le site et visionné le podcast : il n'y a finalement eu que des remerciements. C'est-à-dire, en définitive, une invitation à poursuivre dans cette direction, et je me dis que cela serait merveilleux si chaque profession faisait de même : sans « supériorité », simplement, avec la seule volonté de permettre à nos amis qui ont d'autres connaissances de mieux connaître notre propre champ. D'ailleurs, le physico-chimiste qui sait la physico-chimie n'est-il pas le plus souvent parfaitement ignorant de la découpe de la viande (par exemple) ou du travail du bois, que nos amis bouchers ou ébénistes savent parfaitement. 

C'est l'explication amicale de nos métiers qui nous réunira amicalement, tout en nous élevant un peu l'esprit, n'est-ce pas ?

lundi 14 mars 2022

Des âneries sur des sites pourtant officiels



Là, allant sur un site officiel de toxicologie, je vois le mot "substance" utilisé pour "espèce chimique". Vite, chers collègues, corrigez votre document, sous peine que l'on ne vous mette un bonnet d'âne (savant).

Car c'est pour le bien des apprenants, et aussi de tous nos concitoyens, que nous devons pourchasser les confusions : de même que les huiles ne sont pas faites d'acides gras, de même que les protéines ne sont pas de simples "assemblages" d'acides aminés, les molécules ne sont pas des composés ni des espèces chimiques, et les composés ou les espèces chimiques ne sont pas des "substances".

Me connaissant, on se doute bien que je ne dis pas cela au hasard, mais que je me fonde sur des documents parfaitement officiels, internationalement acceptés, tels ceux de l'IUPAC, ou sur des discussions abondantes qui trouvent leur place dans des publications scientifiques (avec évaluations serrées par des pairs), tel le Journal of Chemical Education. En français, il  aura aussi le Bulletin de l'Union des Physiciens, par exemple, ou l'Actualité chimique. Et bien d'autres.
Bref, des documents que ceux qui parlent de chimie, ou qui en utilisent les notions, devraient bien consulter (je parle évidemment pour ceux qui ne le font pas, et pas pour ceux qui le font).


Commençons par le plus simple : la "substance".

Et commençons par aller sur un dictionnaire officiel de la langue française,  le Trésor de la langue française informatisé, du CNRS et de l'Université de Nancy, qui nous dit :
Philosophie :  Ce qui existe en soi, de manière permanente par opposition à ce qui change.
 Ce dont un corps est fait. Synon. matière.
 Matière organique ou inorganique, produit chimique caractérisé(e) par sa spécificité, sa nature, son état ou ses propriétés.
Empr. au lat. substantia « être, essence, existence, réalité d'une chose » et tardivement « aliments, nourriture; moyens de subsistance, biens, fortune » (de substare « être dessous, se tenir dessous »).


Bref, la substance, c'est l'objet matériel : l'eau est une substance, ainsi que la terre ou l'air.

Qu'en disent-les instances internationales de chimie ? Je trouve  (https://doi.org/10.1351/goldbook.C01039) :
Chemical substance : Matter of constant composition best characterized by the entities (molecules, formula units, atoms) it is composed of. Physical properties such as density, refractive index , electric conductivity, melting point etc. characterize the chemical substance.

Oui, la substance est composée de molécules, atomes, etc. Et c'est pourquoi nous devons arriver d'abord à ces derniers. Commençons par...


Molécules et atomes, mais aussi ions, par exemple

Là, il nous faut rêver à l'existence d'un "super-microscope", qui nous permettrait de voir au coeur des substances.
Pour l'eau, ce liquide, cette substance liquide, nous verrions des objets tous identiques, qui sont des molécules d'eau. Et chaque molécule d'eau est fait d'atomes.
Pour le sucre de table, nous verrions que les cristaux qui font le sucre en poudre sont en fait des empilements réguliers (des cristaux) de molécules toutes identifiques, qui sont des molécule de saccharose. Et ces molécules de saccharose font faites d'atomes, de carbone, d'oxygène ou d'hydrogène.
Pour le sel de table très pur, nous verrions que les cristaux sont des empilements réguliers d'atomes (de chlore et de sodium, alternés), mais ces atomes sont nommés "ions", car ils se sont échangés des électrons.
Pour un métal, tel le fer, encore des atomes, et qui ont mis des électrons en commun.


Et les composés ? Et les éléments ?

Reste le troisième terme évoqué en introduction : celui de composé, que je rapproche d' "espèce chimique".
Un composé, une espèce chimique, c'est une catégorie particulière de molécules toutes identiques. L'éthanol est un composé : et les molécules d'éthanol sont faites d'atomes (de carbone, hydrogène, oxygène).
Mais il y a une différence entre l'éthanol matière, et l'éthanol composé. Pour l'éthanol absolu, à la température ambiante, il y a la substance, la matière. Le composé, lui, est une catégorie. Idem pour l'espèce chimique. 


D'ailleurs, très honnêtement, le terme d'espèces chimique est plus large que celui de composé, puisque l'« espèce chimique » est une appellation générique se référant à un ensemble d'entités chimiques identiques : ces entités sont soit un atome (espèce chimique atomique), soit un groupe d'atomes liés qui peut, selon sa charge électrique et sa configuration électronique, être une molécule, un ion ou un radical.

vendredi 22 mai 2020

Décidément, je m'étonne



Je vois une fois de plus des professionnels parler de "molécules" pour désigner des composés, et je m'étonne : qu'on soit ou non chimiste, une molécule, c'est une molécule, et un composé, c'est une sorte de molécules.

Cette confusion est grave, je le sais d'expérience, car elle conduit le public à ne plus rien comprendre. Et j'en ai comme indication ce souvenir d'un journaliste d'une radio nationale, qui me demandait de lui confirmer qu'il y avait 450 molécules odorantes dans le vin. Pris de doute, j'avais utilisé une précaution oratoire qui m'avait valu une réponse où il apparaissait clairement que le journaliste pensait à 450 objets- molécules, et, d'ailleurs, mon interlocuteur est tombé des nues quand il a appris qu'il y avait des milliards de milliards de molécules, pour chaque composé odorant (et oui, 400 est l'ordre de grandeur du nombre de composés odorants.

J'ajoute que le podcast d'AgroParisTech où j'explique ce qu'est un composé et une molécule est un des plus regardés ! Et que, dans une grande faculté de droit française, les professeurs confondaient également composés et molécules.
Je ne jette donc pas la pierre, mais j'espère que les explications finiront un jour par être utiles, et j'espère que les communautés où l'erreur est faite sauront se réformer, pour le bien de tous.

vendredi 13 mars 2020

Une molécule est une molécule



Ce matin, plusieurs questions, mais en voici une en particulier, qui mérite un commentaire public :


J'ai une question par rapport aux molécules synthétiques vs naturelles. Je sais que les propriétés physiques ainsi que l'odeur et le goût des molécules synthétiques vs naturelles sont identiques ex linalool synth vs naturel. Qu'en est-il de leurs activités biologiques et de leur propriétés toxicologiques ? Pouvez-vous me diriger vers des articles et références qui étudient cette question ?

Ici, je sais d'expérience qu'il y a la question des mots, qui est source de confusions. Une molécule, c'est donc un tout petit objet, fait d'atomes de divers éléments, liés par des forces interatomiques (une sorte de pléonasme que cet adjectif). Les éléments considérés, ici, sont principalement le carbone, l'hydrogène et l'oxygène. Et pour ces trois éléments, les atomes sont faits d'un "noyau", assemblage de protons et de neutrons, avec autour des électrons, comme la terre autour du soleil.
Les effets biologiques des molécules ? Une molécule a un effet si elle a un "récepteur", à savoir si l'organisme comporte une molécule agissant comme une serrure vis à vis de la molécule bioactive, qui est comme une clé. Et la disposition des atomes est donc très essentielle. Donc tout est simple, au premier ordre. Et une molécule est entièrement déterminée par ses atomes, leur disposition. 
Maintenant, il peut y avoir des effets qui sont au niveau du détail des détails. Par exemple, certains atomes d'hydrogène peuvent avoir dans leur noyau, en plus du proton, un neutron, et c'est ce que l'on désigne par "deutérium". Les propriétés chimiques sont quasi identiques, mais des outils de mesure très sensibles voient des différences... et c'est ainsi qu'une entreprise française d'analyse a fait son succès commercial en devenant capable de détecter du sucre ajouté dans les vins, pour des chaptalisations ou pour des fraudes. Mais, je le répète, c'est un détail au regard de la question posée.

Maintenant, synthétique et naturel ? Une molécule naturelle, c'est une molécule qui se trouve dans la nature, fabriquée par les plantes ou par les animaux, voire par les éléments (la chaleur, la foudre, etc.). En revanche, une molécule synthétisée, c'est une molécule qui a été... synthétisée, à savoir qu'on a rassemblé des atomes d'une certaines façon pour faire la molécule. Et, évidemment, si l'on même les mêmes atomes organisés de la même façon, on obtient la même molécule, qui ira ouvrir les mêmes serrures !

Cela dit, on peut répondre plus subtilement que cela à la question de notre interlocuteur, parce que l'on peut synthétiser avec des niveaux de précision variés, parce que la question des "impuretés" est essentielle : les composés extraits de produits naturels ne sont pas accompagnés des mêmes "impuretés" que les produits de synthèse (parfois plus purs que les produits naturels).
Par exemple, notre correspondant parle de linalol, qui est un composé odorant présent dans de nombreux végétaux. Parler du linalol au singulier, c'est une erreur, parce qu'il y a divers linalols, et que le (S)-(+)-linalol n'a pas la même odeur -donc pas les mêmes effets biologiques que le (R)-(-)-linalol. Mais une molécule d'un de ces deux linalols est une molécule de ce linalol-là, quoi qu'il arrive. Et la question "isotopique" précédente (l'hydrogène vs le deutérium) ne se pose pas, du point de vue de l'odeur.
En revanche, quand on a un de ces deux linalols dans une matière végétale, elle n'est pas seule, et aucune  plante n'a donc l'odeur de ce linalol particulier. Puis, si l'on extrait ce composé, il n'est plus "naturel", mais d'origine naturelle... et son extraction ne permet généralement pas de l'avoir pur ! De sorte qu'il y a des "impuretés"... et que ces impuretés peuvent être essentielle. C'est ainsi que le mélange des deux limonènes R et S n'a pas d'odeur quand il est fraîchement obtenu par distillation... et que cette odeur de Citrus n'apparaît qu'ensuite, sans doute  due aux impuretés, plutôt qu'aux limonènes.
Pour les composés de synthèse, il y a également des impuretés, qui résultent du procédé de préparation, et il n'est d'ailleurs pas dit que ces impuretés soient plus abondantes ou plus dangereuses, bien au contraire : les opérations de synthèse étant mieux contrôlées que les extractions (qui partent de mélanges complexes), il est possible qu'il y ait bien moins d'impuretés.

Enfin, mon interlocuteur me parle d' "activités biologiques et propriétés toxicologiques" : amusant, car les effets toxicologiques sont des activités biologiques, non ? Car je fais l'hypothèse, vu les composés qu'il discute, que ce sont de toutes petites quantités de composés qui sont considérées ici, de sorte que l'on est bien dans le cadre des clés et des serrures, des composés bioactifs et de  récepteurs. Là, les impuretés sont essentielles, car elles peuvent avoir des récepteurs, que les composés soient d'origine naturelle ou synthétisés, et quelqu'un qui fait bien son travail, d'extraction ou de synthèse, se préoccupe de cela.
Mais finalement, une molécule est une molécule, n'est-ce pas ?

mardi 7 mai 2019

S'agit-il de composés ?

Décidément, la question des "composés" n'est pas résolue, parce que la culture chimique de certains de  nos amis n'est pas considérable. Aujourd'hui, un ami cuisinier intéressé par la cuisine note à note m’envoie une coupure de presse à propos de cuisiniers qui utilisent du cannabis, et il m'interroge : s'agit-il de composés utilisables pour la cuisine note à note ?

Le cannabis (Cannabis L.) est un genre botanique qui rassemble des plantes annuelles de la famille des Cannabaceae.  Bref, il s'agit d'une plante.  Et comme toute plante, c'est un mélange de très nombreux composés ! Le premier est l'eau, puis il y a sans doute, dans l'ordre des quantités décroissantes, de la cellulose, de l'hémicellulose, des pectines, des lipides, des protéines, et une foule de composés utiles pour la vie de la plante, avec finalement des "métabolites" tels que les chlorophylles et les caroténoïdes (puisque la plante est verte, et qu'elle est capable de photosynthèse), des sucres, des acides aminés... et les composés psychotropes.
Mais la question de mon ami mérite d'être analysée : pourquoi n'a-t-il pas pu comprendre de lui-même qu'une plante n'est pas un composé pur ? Manifestement, parce qu'il ne sait pas ce qu'est un composé.

Et, aujourd'hui, je propose la méthode d'explication historique. 

Pensons donc au 18e siècle, quand les chimistes commencèrent à s'intéresser à la constitution de la matière. Pour la chimie minérale, les opérations de calcination, par exemple, montrèrent qu'il y avait des "éléments", à savoir des produits qu'on ne pouvait plus décomposer, et qui, au contraire, entraient dans la composition d'autres matières. Par exemple, quand on fait brûler du soufre (poudre jaune) avec du fer (de la limaille, ou fer broyé), on obtenait du sulfure de fer (pas ce nom là à l'époque). Inversement, quand on s'y prenait bien, on pouvait décomposer le sulfure de fer en soufre et en fer. Bref, le soufre et le fer sont des éléments, alors que le sulfure de fer n'en est pas un.
A la même époque, les chimistes s'intéressèrent à la matière organique, mais c'était beaucoup plus difficile, parce que les produits animaux ou végétaux se décomposent quand on les chauffe, et aussi parce que, à l'époque, on ignorait encore la composition des gaz, et notamment des gaz formés lors des combustion de ces matériaux. C'est seulement quand furent identifiés le dioxygène, le dioxyde de carbone, le diazote, la vapeur d'eau, etc.  que l'on  a pu analyser les gaz produit lors de distillation sèche de tissus animaux ou végétaux
Ainsi, quand on met une plante dans une cornue et que l'on chauffe, on récupère des gaz variés, à côté de carbone et d'eau. À la même époque, quelques chimiste qui comprenaient bien que la distillation décompose les matières organiques eurent l'idée de faire des extraits avec des solvants tel que l'eau, l'huile ou  l'alcool.
C'est ainsi, par exemple,  que Louis Jacques Thenard obtint des extraits de viande dans l'alcool, ce qu'il nomma "osmazôme". Ou encore que Beccari et Kesselmeyer  séparèrent de la farine une matière qu'ils nommèrent amidon et une autre matière qu'il nommèrent gluten. Ni l'amidon ni le gluten n'étaien des composés purs, puisqu'on pouvait encore les décomposer davantage. Par exemple, le gluten pouvait se séparer en une fraction soluble dans l'eau (les gliadines) et une fraction insoluble dans l'eau (les gluténines). On pouvait encore décomposer ces deux fractions,  en différentes protéines, certes apparentées, mais avec quand même des propriétés différentes. Et finalement chaque sorte de protéines est faite de molécules toutes identiques.
Autrement dit, la farine n'est pas un "composé" (disons "composé chimique" pour ceux qui  en ont besoin)  puisque l'on peut le décomposer en gluten et amidon ; et le gluten n'est pas un composé puisque l'on peut le décomposer en gliadines et gluténines ;  et la fraction gliadine n'est pas un composé puisque c'est un mélange de plusieurs gliadines particulières. A ce stade, une gliadine particulière, telle l'alpha gliadine est un composé particulier, parce que toutes ses molécules sont identiques. Tout comme l'eau est un composé : dans de l'eau, il n'y a que des molécules toutes identiques, à savoir des molécules d'eau. Et l'éthanol est un composé puisqu'il est fait de molécules toutes identiques, à savoir des molécules d'éthanol. L'huile, en revanche, n'est pas un composé puisqu'elle est faite de milliards de composés différents, certes très semblables mais différents : les "triglycérides". Dans l'huile, il y a donc des milliards de sortes de molécules différentes : on dit des milliards de triglycérides différents. Et pour chacun de tes triglycérides, il y a des milliards de milliards de molécules toutes identiques.
Le  blanc d'oeuf ? Ce n'est pas un composé non plus puisqu'il est fait d'eau et de protéines,   et il existe environ une vingtaine de protéines différentes, avec encore des milliards de milliards de molécules de chaque protéine, c'est-à-dire de chaque de chaque sorte moléculaire.


Ces explications étant données, j'ai rencontré un autre ami qui m'a interrogé sur la possibilité de diviser les molécules. 

Oui, on peut diviser une protéine et l'on obtient alors, dans certains cas, des molécules nouvelles qui sont des acides aminés (on en trouve vingt différents dans les protéines des organismes vivants). Oui, on peut diviser de l'eau, c'est-à-dire diviser des molécules d'eau, et l'on  obtient alors des atomes  :  les molécules sont des assemblage d'atomes. Pourrait-on diviser encore les atomes ? Oui, mais cette fois la puissance du feu n'est pas suffisante, et l'on passe la physique subatomique, qui a résulté de l'introduction d'énergies supérieures à celle du feu. C'était la la limite de la chimie, qui, elle,  s'intéresse aux assemblages  d'atomes.




mardi 11 décembre 2018

Je vous présente le carotène bêta


Nous allons voir, aujourd'hui, combien il est difficile de présenter un composé, en l'occurrence le carotène bêta.

Partons d'une carotte que l'on broie à l'extracteur  à jus.



On récupère une pulpe, d'une part, et, d'autre part, un liquide un peu visqueux et orange, d'une belle couleur orange. La pulpe est blanche ; mettons-la de côté puisque elle ne renferme certainement pas la matière colorante de la carotte. En revanche, gardons le liquide orange et faisons une expérience de "chromatographie" :  cela signifie tout simplement de prendre une sorte de papier, comme du buvard, de faire une petite tache sur un bord avec le liquide orange, puis à faire tremper ce papier dans un liquide, en plaçant la tache légèrement au-dessus du niveau du liquide. Ce dernier progressivement par "capillarité", entraînant avec lui, à des vitesses plus ou moins rapides, les composés qui se trouvaient mélangés dans la tâche.


Et c'est ainsi que l'on obtient une succession de taches jaunes, orange, rouges. L'une de ces tâches orange est particulièrement prépondérante, et c'est le composé qui la constitue qui a été nommé carotène bêta.



À l'époque de sa découverte, les chimistes ont voulu savoir de quoi il s'agissait, et il ont effectué ce que l'on nomme des analyses élémentaires, c'est-à-dire que l'on a carbonisé le composé pour récupérer divers gaz. Puis, par mesure de l'eau et du dioxyde de carbone formés, on a identifié qu'il s'agissait d'un "hydrocarbure",  composé seulement de carbone et d'hydrogène. Puis, les chimistes ont fait réagir le composé de différentes façons, en essayant d'y greffer d'autres composé, en essayant de le couper, en cherchant par des réactions caractéristiques comment la molécule était construite, et c'est ainsi que l'on a découvert qu'il existe plusieurs de plusieurs sortes de carotène. Celui qui est le plus abondant dans la carotte a été nommé carotène bêta.



Progressivement, on a donc compris que le carotène bêta était fait d'objets tous identiques, ce que l'on appelle des molécules ; chacune de ces molécule est parfaitement identique aux autres, composée d'atomes de carbone et d'atomes d'hydrogène organisés d'une façon bien spécifique.
Puis on a isolé le carotène bêta pur, à savoir que l'on a appris à séparer une fraction parfaitement pure, qui a toutes les propriétés de ce composé. Par exemple si on le dissout, on obtient la couleur orange. Si on l'éclaire par des rayonnements particuliers, on obtient toujours la même réaction. Bref, on a des propriétés physiques et chimiques constantes.


 A  quoi bon tout cela pour le travail culinaire ?

Disons que le carotène bêta, que certains industriels extraient maintenant par tonnes me semble être tout à fait analogue au sucre de table, le saccharose, ou encore à tant d'autres composés que l'on peut se procurer maintenant à l'état pur. Pensons au sel, à la gélatine, mais aussi à l'acide tartrique, par exemple.
Évidemment, quand mes amis entendent une telle proposition, dans le climat de grande angoisse alimentaire où nous vivons aujourd'hui à cause de marchand de cauchemars, ils me demandent si l'utilisation du carotène bêta pur est parfaitement saine... et c'est mon devoir de répondre honnêtement, par exemple en disant que se pose d'abord la question du "parfaitement pur" :  le parfaitement pur n'existe pas, car dans tous composés, dans tous les produits, il y a ceux que l'on vise, mais il y a aussi des "impuretés". Ce qui ne signifie pas que ces dernières sont toxiques pour autant. Dans du bêta-carotène vendu comme pur, on peut très bien trouver de l'eau, ou des traces d'un autre composé de la carotte tel l'astaxanthine ou la violaxanthine ou la lutéine... On peut aussi trouver, dans certains produits moins bien préparés, des métaux lourds, des résidus de pesticides. Ou on peut aussi trouver des composés non pas défavorables, mais au  contraire favorables, telles des vitamines, mais qui n'en sont pas moins des "impuretés".



Bref, quand on achète un cheval, il y a lieu de lui regarder les dents, et, de même, quand on achète un composé, un produit, il y a lieu de s'interroger sur sa qualité... en se souvenant de ce que disaient les Tontons Flingueurs : "le prix s'oublie, la qualité reste".

mardi 23 octobre 2018

Je vous présente la quercétine

La quercétine ? Par ces temps d'inquiétude alimentaire justifiée, il faut discuter, expliquer. Et je crois qu'il n'est pas difficile de faire mieux que Wikipedia, dans le cas de la quercétine, parce que ce site commence ainsi:
" La quercétine ou quercétol est un flavonoïde de type flavonol présent chez les plantes comme métabolite secondaire. Le quercétol est le plus actif des flavonoïdes et de nombreuses plantes médicinales doivent leur efficacité à leur fort taux en quercétol. Les études in vitro et in vivo ont montré que c'était un excellent anti-oxydant."
Bien incompréhensible, n'est-ce pas : nos amis ignorent ce qu'est un flavonoïde, un flavonol, parfois un métabolite, un antioxydant...

Faisons différemment, en commençant par observer que la quercétine est un composé des plantes. Un métabolite, certes : c'est-à-dire un composé organique (la molécule contient principalement des atomes de carbone, d'hydrogène, d'oxygène) intermédiaire ou issu du métabolisme ; on réserve ce terme  aux petites molécules, par opposition aux grosses molécules connues sous le nom de polymères (tels les pectines, les protéines, etc.).
Ainsi on trouve la quercétine dans l'oignon rouge, plus d'ailleurs que dans l'oignon jaune ; la  teneur en quercétine est plus forte dans la couche la plus extérieure, jusqu'à 200 milligrammes (soit 0,2 gramme) par kilogramme d'oignon. Mais on trouve aussi la quercétine dans bien d'autres ingrédients alimentaires, tels les câpres (1,8 gramme par kg !), la livèche (presque autant), le piment (0,5 g/kg), le chocolat (0,25 g/kg), la myrtille (comme pour l'oignon, le cassis (5 fois moins), le broccoli, le thé vert, la cerise et le vin rouge (seulement 8,3 milligramme par litre).
C'est un flavonoïde : cela signifie que la molécule est d'un type particulier, avec des atomes de carbone (représentés par la lettre C) comme répartis aux sommets de la figure suivante :



 Ici, pour ceux qui ne savent pas de chimie, les lettres H désignent des atomes d'hydrogène.
Et le fait que ce soit un flavonol réside dans des particularités de la molécules, qui est la suivante :


Mais voici la formule de la quercétine :



On voit que des groupes "hydroxyle" (-OH), fait d'un atome d'oxygène et d'un atome d'hydrogène sont attachés à certains atomes de carbone de la molécule, et cela donne des propriétés particulières. "Anti-oxydantes", notamment : cela signifie  que la quercétine inhibe des oxydations du vivant, ces réactions qui produisent des espèces réactives nommées radicaux libres. Mais ne croyons pas que la quercétine soit dépourvue de dangers pour autant : tiens, voici le flacon que j'ai au laboratoire :



D'ailleurs, quand on goûte la quercétine en solution, on lui trouve une saveur amère comme la naringine du pamplemousse. Et on évitera de préter à la molécule des effets constamment bénéfiques : elle est décommandée chez les personnes souffrant de diabète, par exemple.

vendredi 20 juillet 2018

L'acide ascorbique


L'acide ascorbique ? C'est la vitamine C. Et elle permet d'éviter le brunissement des fruits et des légumes : la preuve en est que les jus d'orange ou de citron brunissent très peu, par rapport aux jus de pommes ou de poires, par exemple. 


Pourquoi l'utiliser ?
En cuisine, le jus de citron est utilisé pour des raisons variées. Par exemple, pour empêcher des fruits ou des légumes de noircir, le jus de citron apporte de l'acide ascorbique, ou vitamine C. C'est ainsi une pratique courante que de mettre des quartiers de citron dans une bassine d'eau où l'on met des légumes que l'on a épluchés. Car, par exemple, ce n'est pas appétissant d'avoir des carottes râclées qui brunissent, ou des pommes, ou des poires. Le pire, c'est évidemment pour les jus ou les champignons de Paris.
Ces brunissements sont dus au fait que les végétaux contiennent des quantités notables de composés phénoliques, qui sont dans les cellules végétales (les petits sacs dont l'agrégation constitue les tissus végétaux), séparés d'enzymes qui ont un nom barbare : polyphénol oxydases. Tant que les deux types de composés sont ainsi dans des compartiments cellulaires différents, tout va bien. Mais quand le couteau coupe les cellules, il libère, en surface des végétaux coupés, les deux types de composés, qui réagissent chimiquement. Oui, un simple coup de couteau provoque des réactions chimiques !
C'est aussi le cas quand on heurte des végétaux : on sait que les pommes se tallent facilement, par exemple. Mais on ne sait pas assez que la partie endommagée, cette calotte hémisphérique qui apparaît sous la peau, a un volume qui est directement proportionnel à la hauteur de chute ou à l'énergie du choc. Raison pour laquelle on aura intérêt de recommander la plus grande délicatesse dans le maniement des fruits et des légumes. D'autant que le goût est modifié, et pas seulement la couleur.
Bref, pourquoi utiliser de la vitamine C ? Parce que le jus de citron, ou les quartiers de citron, sont des objets coûteux, encombrants, dont une partie seulement est active. Là où l'on mettrait le jus d'un citron entier, il suffit en effet de 50 milligramme environ.
Cinquante milligrammes, que cela représente-t-il ? Un volume de la taille d'une petite goutte d'eau ! Oui, il suffit d'une pointe de couteau pour remplacer le jus d'un citron, avec pour avantage supplémentaire que l'on évite le goût citronné, qui n'est pas toujours celui que l'on veut !


L'aspect « citron »
L'acide ascorbique est réglementairement considéré comme un additif, sous le numéro de code E 300, et, comme tous les additifs, il est critiqué par des ignorants qui confondent toxicologie et lutte politique contre le « grand capital » que serait l'industrie alimentaire, avec plus ou moins d'ignorance. 
Cela dit, même les ignorants qui critiquent sans savoir font une exception pour l'acide ascorbique. Et c'est vrai qu'ils auraient du mal à en dire du mal.
Mais évitons leurs sites pourris, et allons plutôt voir si l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES, dit différemment ? On trouve «  L'acide ascorbique ou vitamine C intervient dans de grandes fonctions de l'organisme : défense contre les infections virales et bactériennes, protection de la paroi des vaisseaux sanguins, assimilation du fer, action antioxydante (capture des radicaux libres), détoxication de substances cancérigènes, cicatrisation. La vitamine C favorise également l'absorption du fer non héminique.
 »
Bon, jusque là, tout va bien.
Puis  « La vitamine C est présente dans tous les végétaux mais à des quantités variables.
 La vitamine C est la plus fragile de toutes les vitamines : elle est sensible à l'eau, à la chaleur à l'air et à la lumière. Par exemple à température ambiante, la moitié de la teneur en vitamine C d'un aliment peut être perdue en 24 heures. Les modes de cuisson et de stockage doivent donc être adaptés de manière à limiter les pertes.
 » Cette fois, on voit que l'acide ascorbique en poudre est avantagé sur les fruits et les légumes, puisque, lui, n'est pas dégradé.
Les apports conseillés ? « Ils tiennent donc compte de la couverture des besoins en vitamine C dans le cadre de son double rôle, pouvoir antiscorbutique et pouvoir antioxydant. Les besoins en vitamine C sont accrus dans certaines situations pathologiques (fracture, infections, traitement anticancéreux) mais également en fonction des modes de vie (activité physique intense, consommation excessive d'alcool, tabagisme). Par exemple, un supplément de 20% de vitamine C est conseillé chez le fumeur de plus de 10 cigarettes par jour pour contrecarrer le stress oxydant lié au tabac.
Les apports moyens en vitamine C dans la population française (données INCA2) sont de 77 mg/j chez les enfants de 3 à 17 ans et de 93 mg/j chez les adultes de 18 ans-79 ans. Ces apports ne sont pas différents entre la population féminine et masculine.

Chez les adultes, la principale source d’apport en vitamine C sont les fruits (27%) puis les légumes (hors pommes de terre) (22%) à égalité avec les boissons fraîches sans alcool (essentiellement les jus de fruits) (22%).
 Chez les enfants, ce sont les boissons fraîches sans alcool (essentiellement les jus de fruits) (37%) qui constituent la principale source d’apport en vitamine C, suivi des fruits (17%), puis des légumes (hors pommes de terre) (14%).
 Pour assurer la couverture des besoins quotidiens en vitamine C, il est recommandé de consommer environ 500 g de fruits et légumes par jour.
 Aussi, la consommation, au moins une fois dans la journée, de fruits ou de légumes crus permet d'assurer aisément la couverture des besoins en vitamine C.
 »
Décidément, j'ai donc bien du mal à trouver des inconvénients, mais lisons jusqu'au bout, puisqu'il y a une rubrique « Risque de déficience et d’excès d’apport ». Cette dernière stipule « Chez les individus non carencés, la concentration plasmatique de vitamine C est un bon indicateur du statut vitaminique. Les études épidémiologiques (notamment SU.VI.MAX) ont estimé la concentration plasmatique optimale de vitamine C à 60 µmol/L chez le jeune adulte. En effet, celle-ci correspond à la concentration qui permet d'atteindre le pouvoir antioxydant maximal nécessaire à la protection des individus vis-à-vis des risques de maladies cardiovasculaires et neurodégénératives, de cancers, de cataracte.
La pathologie spécifique, mais aujourd'hui exceptionnelle, liée à la carence en vitamine C est le scorbut. Elle se manifeste par des œdèmes (gonflement des tissus lié à leur hydratation excessive), des hémorragies et peut entraîner la mort si elle dure plusieurs mois. Les situations de carence modérée, encore fréquentes, sont responsables de perte d'appétit, d'amaigrissement et de fatigue.

En excès, la vitamine C est éliminée dans les urines. Toutefois un excès de vitamine C peut entraîner des maux d'estomac, des diarrhées, des calculs rénaux. » Autrement dit, il ne faut pas manquer de vitamine C, mais il n'y a pas à craindre les excès !


Quelques idées techniques
■  Comme indiqué, quand nous épluchons des fruits ou des légumes, empêchons les de brunir en les pulvérisant avec une solution faite d'une pointe de couteau d'acide ascorbique dans quelques cuillerées d'eau (juste de quoi  pulvériser). 

■ Pour bloquer le brunissement d'un jus de fruit fraîchement produit, notamment à la centrifugeuse : ajoutons une pointe de couteau d'acide ascorbique dans le récipient où vient couler le jus.

■ Dans tous les plats note à note, ne pas oublier la vitamine C, qui contribuera à faire des « plats santé ».



Où s'en procurer
Chez tous les fournisseurs qui approvisionnent les pâtissiers, mais aussi sur internet.




samedi 3 février 2018

Catégorie, espèce chimique

Qu'est-ce qu'un composé ?

Voilà une question lancinante... qui montre la faillite de l'enseignement de chimie au collège. En effet, je me souviens bien que nos cours commençaient par bien distinguer un corps pur, un mélange, une molécule, et je me souviens bien, aussi, d'ailleurs, que certains de mes condisciples  avaient le plus grand  mal à comprendre la notion de mole, de molécule, et les différences entre les divers objets.
Je me souviens aussi de ma déception à recevoir de tels cours, alors que je m'attendais presque à accéder immédiatement à des explosions, des transformations merveilleuses, la Pierre philosophale, en quelque sorte. 

Pour la difficulté de certains à penser la notion de mole, je suis un peu démuni, mais pour le reste, je suis bien certain que oui, ces introductions étaient ennuyeuses. Commencer par une série de définitions ? Ce n'est pas amusant.
Et beaucoup ont dû fermer les écoutilles à ce moment, jugeant que la matière n'avait pas grand intérêt (je passe, d'ailleurs, sur la confusion entre la technique chimique, la chimie proprement dite donc, et la science de la chimie, qui est en réalité la physique). 

Ce qui est apparent, d'après les innombrables échanges que j'ai aujourd'hui avec le monde, le public, mes interlocuteurs, mes amis que je rencontre lors de conférences ou par email, c'est que toutes les notions introductives de la chimie ne sont pas acquises, et que les efforts de nos professeurs sont donc en pure perte.
Il faut d'ailleurs observer que nombre d'entre eux "suivent les manuels", et que les manuels ne sont pas toujours merveilleusement faits. Pour avoir travaillé dans l'édition scolaire, je peux attester que le temps de rédaction, après  la publication des programmes, est court : quelques mois... alors que je mets dix ans avant de faire un livre ? Certes, les manuels sont parfois rédigés par des équipes, mais je peux attester que le temps manque cruellement pour arriver à quelque chose de bien différent de ce que l'on avait.
Et puis, ne suffit-il pas de lire ces manuels ? Certes, ils ont fait beaucoup de progrès, avec des photographies en couleur, des encadrés... Les éditeurs et les auteurs se sont donné beaucoup de mal, ont dépensé beaucoup d'énergie... mais la question n'est pas là : il reste que ces définitions, données dans un cadre rigoureux, ne correspondent pas au besoin, ne font pas rêver. Et si le socle est vermoulu, rien ne peut s'ériger. 

En vulgarisation, au contraire, on éviterait absolument de commencer par donner des définitions, et l'on prendrait sans doute un exemple, un exemple marquant, frappant, excitant.
On commencerait par montrer l'intérêt de la chose, sans formaliser immédiatement.
Existe-t-il une bonne raison pour laquelle l'enseignement pourrait faire différemment ? Le cadre scolaire est-il une justification suffisante ? Je ne le crois pas, car seul l'objectif compte : que les élèves acquièrent la notion enseignée. Et les enfilades de définitions ennuyeuses sont contre productives. Il faut donc les abandonner. 



Et répondre à la question de mon interlocuteur : qu'est-ce qu'un composé ? 

Mais avant de  répondre à sa question de fond, je propose de considérer sa question de détail : cette personne me dit que je lui dis qu'un composé, c'est un ensemble de molécules identiques. Pourquoi ne comprend-elle pas cela ? Parce que c'est abstrait, et que je propose toujours d'être d'abord concret.
Un composé ? On perle aussi d'espèce chimique, pour simplifier. Une espèce, c'est une catégorie, un groupe d'objects identiques.
Une espèce animale, par exemple le chat, c'est une catégorie d'animaux qui sont tous des chats.
En chimie ? Prenons l'eau, qui est donc un composé. L'eau est une matière, et, surtout pour un élève qui étudie les lettres, les mots sont importants. Il y a des noms d'objets particuliers (ce crayon), des noms de catégories (les marteaux). Parmi les catégories, il y a des catégories abstraites ou concrètes.


Bref, tout cela est bien difficile, et je propose d'être encore plus concret.i Parfaitement concret.

Prenons un verre, et mettons-y de l'eau.
Dans le verre, il y a de l'eau, et cette eau est une matière : nous pouvons  la toucher, la voir, la sentir (elle ne sent probablement rien), la boire, la sentir couler dans la bouche. La matière de notre corps interagit avec elle. Si nous prenons une loupe, nous continuons à voir la même chose : de l'eau. Mais si nous prenions un super-microscope, nous verrions un grouillement de petits objets tous identiques. Ces objets doivent avoir un nom : ce sont des molécules. De même pour  du sucre : un cristal de sucre serait vu, au super-microscope, comme un ensemble de petits objets tous identiques : des molécules. Mais les molécules dans l'eau  et les molécules dans le sucre apparaîtraient différemment, au super-microscope, et cela nous oblige à dire que l'eau est faite de molécules d'eau, et le sucre de molécules de sucre. 

Si nous regardons maintenant ces molécules avec non plus des super-microscopes, mais des super-super-microscopes, nous voyons que chaque molécule d'eau est faite d'objets de diverses sortes, et que les molécules de sucre sont faites d'objets de diverses sortes. Ces objets ont un nom : atome. 

Le fer ? Ou plus exactement, ce clou en fer ? Lui n'est pas fait  de molécules, mais d'atomes, et, mieux, d'atomes tous de la même sorte : des atomes de fer. Le fer est le nom d'un élément, une matière dont tous les atomes sont identiques. 

La vodka ? Cette fois, on verrait deux sortes de molécules  : des molécules d'eau et des molécules d'une autre sorte, que l'on nomme éthanol. La vodka est un mélange, donc. 

Et les composés, dans cette affaire ? L'eau, matière, est un composé, puisqu'elle est faite de molécules qui sont faites, "composées" de plusieurs sortes d'atomes. Le fer n'est pas un composé, et la vodka n'est pas un composé, puisque ce n'est pas un corps  pur. 

Le sel ? Celui de cuisine, le "chlorure de sodium",  n'est pas composé de molécules, mais d'ions, d'atomes qui ont échangé de petites parties, les "électrons"... mais faut-il d'emblée aller dans les complications ? Je propose que nos réponses aux questions soient progressives... sans quoi nous retomberons dans la litanie des définitions, et ne répondront pas bien aux questions de nos amis. 






Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

jeudi 6 juillet 2017

Quelle différence entre un composé et une molécule ?


Je serais naïf de croire que, parce que j'ai fait un jour un bon podcast sur le site AgroParisTech, j'ai résolu la question. Et je m'aperçois, jour près jour, que la difficulté demeure... qui est celle qui empêtrait mes condisciples quand, au temps des maths modernes, nous étudiions les classes d'équivalence. La question est celle des "types", des "catégories", des "classes", des ensembles. Et j'analyse que s'il y a une difficulté, c'est que l'objet est concret, alors que la catégorie est abstraite. La difficulté, pour certains de mes amis, c'est donc l'abstraction.
Mais ne baissons pas les bras, ne manquons pas une occasion de montrer à nos amis qu'ils ont -évidemment- toute la tête qu'il faut pour maîtriser ces notions  : souvent, l'exemple est éclairant.
Et commençons donc par le concret. Prenons deux objets identiques (pensons à deux boules rouges) que nous nommons atomes d'hydrogène et un objet d'une autre sorte (pensons  à une boule blanche) que nous nommons atome d'oxygène. En les "collant", nous formons un objet en forme générale de V, que nous nommons "molécule d'eau".
Puis, avec d'autres "atomes", nous formons d'autres "molécules d'eau" : elles sont identiques à la première. Et la réunion (dans un récipient) de beaucoup de molécules d'eau fait une matière que l'on nomme de l'eau.
Dit à l'envers, si nous partons d'un verre de ce liquide que nous connaissons tous sous le nom d'eau et que nous regardons à l'aide d'un très puissant microscope, nous voyons des objets tous identiques, que nous nommons "molécules d'eau". Chacun des objets est une molécule d'eau.
L'eau ? C'est une matière, mais, en l'occurrence, c'est aussi un "composé", c'est-à-dire une catégorie de molécules. Une sorte de molécules. Et peu importe qu'il y en ait beaucoup ou peu dans un récipient, le composé présent est toujours l'eau. Peu importe que l'eau soit à l'état liquide, solide, gazeux : la catégorie est celle des molécules d'eau. Et "catégorie de molécules" est synonyme de "composé".

Tiens, faisons un peu plus difficile, à "titre d'exercice". Dans le vin, il y a de l'eau : des dizaines de millions de milliards de milliards de molécules d'eau. Il y a aussi un autre composé, nommé l'éthanol, qui est l'alcool du vin et des eaux de vie : environ 10 à 15 pour cent, soit des millions de milliards de milliards de molécules d'éthanol, des molécules différentes de celles des molécules d'eau, parce que construites avec des atomes de carbone (deux par molécule), des atomes d'hydrogène (cinq par molécules) et un atome d'oxygène.
Mais, dans le vin, il y  a beaucoup d'autres composés : cela signifie "beaucoup d'autres sortes de molécules". Par exemple, pour les molécules odorantes, il y en a des milliards de milliards, mais de "seulement" quelques centaines de catégories. Il y a donc quelques centaines de composés odorants, mais un très très grand nombre de molécules odorantes. Idem pour les composés sapides, colorés, etc.

On le voit, une molécule n'est pas plus un composé qu'un individu n'est une population !

samedi 25 juin 2016

Les molécules et les composés

Qu'est-ce qu'un composé ? Qu'est-ce qu'une molécule ? J'ai déjà donné la réponse (qui est donnée dans tous les cours de chimie), mais il faut  que j'y revienne, parce que je m'aperçois que cela peut rendre service à tous ceux qui parlent du monde matériel, qu'il s'agisse de cuisine ou d'écologie, ou de droit, ou d'environnement.
Evidemment, ceux qui ont suivi leurs cours de chimie, au collège et qui s'en souviennent, ne vont pas trouver du nouveau ici ; je m'adresse surtout à tous ceux pour qui la chimie est insuffisamment familière, et qui ont besoin ou envie d'avoir des idées claires. J'ajoute :
1. que je n'ai aucun mépris pour ceux qui ont besoin de ces explications : nous sommes tous ignorants d'idées, de notions que d'autres jugent "élémentaires"
2. que cette explication a fait l'objet d'un podcast sur le site AgroParisTech... et qu'elle a été largement plébiscitée, preuve que les scientifiques doivent ne pas croire que les connaissances scientifiques qu'ils ont sont connues, et que l'intérêt collectif est qu'ils fassent des efforts pour communiquer leurs connaissances à l'ensemble de la communauté.

Avant deux anecdotes, des choses simples

Je veux commencer par deux anecdotes, pour bien montrer combien le sujet est important... mais comme beaucoup de mes amis ignorent ce qu'est une molécule, je commence par un exemple.


La suite sur http://www.agroparistech.fr/Les-molecules-et-les-composes.html

vendredi 29 août 2014

Si la notion de molécule est inconnue du public, comment celui-ci pourra-t-il décider raisonnablement de l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés ?


Dans un billet précédent, je discutais ce fait essentiel : les « petits marquis » (on pourrait dire aussi « les intellectuels coupés du reste du monde ») que sont certains d'entre nous doivent être conscients que, en première approximation « le monde » ne comprend pas ce qu'ils font. Je ne dis pas, évidemment, avec morgue ou supériorité, que le public est ignorant, mais je dis qu'il ne connaît pas les sciences. Il a pourtant d'autres connaissances. Par exemple, un confiseur sait parfaitement le degré exact de changement de la matière qu'il travaille, quand il fait un fondant... mais il ne sait pas résoudre des équations ; et, inversement, un physicien serait bien incapable de faire un feston en sucre filé. De même pour un ébéniste, un garagiste...
Toutefois c'est un fait que notre monde est plein de techniques avancées, pour lesquelles des choix doivent être faits collectivement. Et c'est un fait que les objets techniquement avancés ne sont « compréhensibles » que si l'on dispose de connaissances scientifiques que peu ont, malgré les efforts admirables de l'Education nationale.

Bref, le public connaît mal les sciences et les technologies : c'est un fait. Or, dans un billet précédent, j'avais pris l'exemple de la différence entre composé et molécule, très généralement incomprise en dehors du cercle des chimistes. Nous devons tirer les conséquences de l'observation selon laquelle cette différence n'est pas comprise/connue : si le public ignore ce qu'est une molécule, comment pourrait-il comprendre ce qu'est l'ADN ? Du coup, comment peut-il comprendre ce que sont les OGM ?
Et si le public ne « comprend » pas ce que sont les OGM, comment peut-il rationnellement refuser une technique qu'il ignore (car beaucoup « refusent » l'utilisation des OGM, ou des PGM (plantes génétiquement modifiées)) ?
Soyons plus positifs : comment expliquer à notre entourage ce qu'est l'ADN, afin que les décisions prises collectivement le soient en connaissance de cause  ?

L'ADN étant une molécule dans une cellule, l'expérience semble devoir montrer qu'il faut d'abord expliquer ce qu'est une cellule. Je ne suis pas certain  (on aura compris qu'il s'agit là d'une figure de rhétorique) que l'ensemble de nos concitoyens savent que les levures (pas les poudres levantes !) sont des cellules, de petits sacs vivants ! Vivants ? L'explication est difficile mais on n'aurait pas tort, je crois, de commencer par dire que la possibilité d'une reproduction est essentielle. Évidemment je n'utiliserais pas le mot « reproduction » si je veux me faire comprendre, parce qu'il a plus de trois syllabes, et je préfère me contenter de dire qu’une cellule est un objet petit, visible au microscope et qui, à la bonne température et en présence de nutriments (là, il faut expliquer), grossit, grossit encore, puis se divise en deux objets identiques au premier. Mieux encore, je ne crois pas inutile de montrer, encore et encore, des images de cette division ou, mieux, des films ! Par exemple, j'ai trouvé ceci : www.snv.jussieu.fr/vie/images_semaine/imagealaune_38/imagealaune_38.html

Cela étant fait, sans oublier notre objectif (expliquer ce qu'est l'ADN), pourquoi ne pas nous limiter, dans un premier temps, à interroger nos amis -au lieu de leur déverser des connaissances ex cathedra-  en leur demandant comment la division qu'on leur a montrée a pu avoir lieu ?
La notion de molécule étant acquise (voir le billet antérieur), ne pourrait-on alors indiquer (OK, le chemin est long) comment un simple bricolage permettrait de construire une cellule, par exemple à l'aide de ces molécules de lécithine, dont on pourrait faire une vésicule ? Puis, d'autre part, à partir  de l'idée de molécules, ne pourrions-nous pas arriver à celle d'ADN, et, mieux encore, à celle d'ADN auto reproducteur ? Il resterait alors à mettre un ADN auto reproducteur dans une vésicule auto reproductrice et l'on aurait...  l'objet que  je rêve de voir un jour, à savoir une cellule vivante artificielle.
Je sais qu'un tel exploit ne réfutera pas le vitalisme, mais en associant la présentation de cette réalisation à des idées sur le mouvement moléculaire d'origine thermique, je crois que nous aurions avancé.

dimanche 14 juillet 2013

Dimanche 14 juillet 2013 . Il faut que j'apprenne à expliquer ce qu'est un composé



« Une carotte est un assemblage de molécules : surtout de l'eau, puis  de la cellulose, des pectines, des sucres, des acides aminés... »

Cette phrase est à la fois juste... et incompréhensible pour tous mes amis qui ne connaissent pas la chimie. Elle n'est donc pas une explication correcte, et c'est pourquoi, aujourd'hui, j'ai décidé de donner des explications claires, parce que je sais que l'enjeu est de taille : il en va du développement de la cuisine, car, avec la cuisine note à note qui commence à apparaître, le succès dépendra de la bonne compréhension de l'idée de composé. Il en va aussi du débat démocratique sur les pesticides, le bio, les OMG, le risque chimique... : comment juger si l'on ne comprend pas ce dont on parle ?

Pour commencer, commençons par le sens du mot « molécule », et, pour le comprendre, commençons par une comparaison. Les molécules sont comme de très petites briques. Très, très petites, invisibles à l'oeil nu, ou même à la loupe, ou même au microscope optique classique. Elles sont environ mille fois plus petites que les plus petites structures que l'on peut apercevoir avec un bon microscope. Et de la même façon qu'il peut y avoir des briques les différentes formes, il est facile de comprendre qu'il peut exister des briques de différentes formes.

Ces briques constituent la matière : dans un morceau de matière, solide ou liquide, ou gazeux, il n'y a que des molécules, avec rien (du « vide ») entre. De l'eau, par exemple ? Elle est entièrement faite de « briques » toutes identiques, les «  molécules d'eau » : dans un verre d'eau, il y a plein de molécules d'eau, toutes identiques.
Une carotte, maintenant ? Elle est composée majoritairement d'eau : cette eau ne coule pas, ce qui signifie qu'elle est tenue, mais par quoi ? La encore, une comparaison s'impose : pensons à un aquarium empli d'eau ; cette fois, l'eau ne coule pas parce qu'elle est retenue par les parois de l'aquarium. De même dans une carotte il y a des espèces de parois, mais, dans ce cas particulier, il vaut mieux imaginer les parois qui forment les alvéoles dans un rayon d'abeilles. Le miel liquide est tenu dans les alvéoles, et les parois sont en cire. Pour une carotte, les alvéoles sont considérablement plus petites que les alvéoles des rayons d'abeille, et elles ne sont pas en cire, mais faites majoritairement de celluloses (encore des molécules, analogues à des piliers, cette fois) et de pectines (des câbles qui solidariseraient les piliers).
Mais enfin, voici l'image que je propose : à l'aide de piliers -molécules de cellulose et de câbles-molécules de pectines, construisons un volume alvéolé ; dans les alvéoles, ajoutons des briques-molécules d'eau. Nous avons là presque la structure d'une carotte ! Que manque-t-il ? Bien des détails, mais je propose que nous nous cessions de considérer l'architecture, la structure physique, pour nous concentrer sur la « composition chimique », les types de briques présents. Parmi les briques-molécules d'eau, il faut imaginer qu'il y a des briques-sucres, et des briques-acides aminés. Les sucres ? Il y en a trois sortes : les briques glucose, les briques fructose, et les briques saccharose. Les acides aminés ? Pensons à une vingtaine de sortes de briques que nous nommons glycine, alanine, tyrosine, tryptophane... Prenons de ces briques, et ajoutons-les dans les alvéoles, parmi les briques molécules d'eau. Cette fois, l'assemblage que nous avons construit est solide, mais il est composé essentiellement de liquide ; l'eau  dissout les sucres et les acides aminés.
Évidemment, il manque encore beaucoup de choses pour faire une racine de carottes : des protéines, des pigments... Et des composés qui font marcher tout l'ensemble, une sorte de plan qui est exécuté automatiquement : les molécules d'acide désoxyribonucléique, ou ADN.
Arrêtons-nous là, toutefois, pour passer à la notion de « composé ». Jusqu'ici, nous avons parlé de molécules. Par exemple, les molécules d'eau. Ce que nous n'avons pas encore vu, c'est que l'eau est un composé. Non pas qu'elle soit « composée » de molécules d'eau, mais parce que ce que l'on nomme eau est une sorte de molécules. Il y a là la différence entre un objet d'une sorte, et la catégorie d'objet. Un chêne particulier est un chêne, mais les chênes forment une catégorie.