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samedi 31 décembre 2022

Quel livre pour qui ?

Pardonnez-moi de ne jamais faire de « tome 2 », de ne pas vouloir surfer opportunistement sur la vague d'un succès, de ne pas faire de feuilletons...

Ayant de l'estime pour mes amis qui me lisent, je ne me résous pas à leur livrer des textes conçus comme des savonnettes, en série ; je vois chaque livre nouveau comme un petit travail orfèvrerie, qui touche une fibre particulière de nous-même.



Calculating and Problem Solving through Culinary Experimentation (CRC Press), ou comment apprendre le calcul, apprendre à aimer le calcul, apprendre à expérimenter. Un livre en anglais, plutôt universitaire.


 


En 2021, un énorme livre (894 pages, 150 chapitres, des auteurs de 23 pays, 673 figure), en anglais, avec trois parties :

- une partie « scientifique », qui explique la capillarité, l’osmose, etc (c’est donc de la gastronomie moléculaire)

- une partie d’applications de la gastronomie moléculaire à l’enseignement, de l’école primaire à l’université

- une partie d’applications de la gastronomie moléculaire à la cuisine (essentiellement cuisine moléculaire, et, surtout, cuisine note à note)



 


► Le premier de mes livres, Les Secrets de la casserole (Editions Pour la Science), était une volonté de montrer aimablement qu'il y a lieu de se préoccuper de science, en vue de comprendre l'activité culinaire, dans sa composante technique.

Oui, un soufflé qui ne gonfle pas n'est pas un soufflé, mais un gâteau, ou une crêpe... et il y a lieu de se demander pourquoi un soufflé gonfle ou ne gonfle pas.

Sachant que la science répond à la question « comment ça marche ? », le livre est structuré par des questions, avec des réponses aussi courtes que possibles, sans concession à la rigueur scientifique. Enfin, rigueur... Le mot est mal choisi : j'aurais dû dire « justesse », « précisions », mais pas « rigueur », car la Gourmandise s'accommode mal de rigueur...




► Le deuxième livre, Révélations gastronomiques (Editions Belin), était une réponse (à ma manière) à la demande de « recettes ».

 


Sachant que j'ai le plus grand mépris pour des recettes données sous la forme de protocoles qui condamnent l'exécutant au rôle de machine, il s'agissait de donner des recettes... mais en explicitant le détail de chaque geste. Il y a donc des recettes, dans ce livre, mais des recettes qui font grandir, et, en réalité, le livre est plus une discussion à propos de recettes que de recettes proprement dites.


► Le troisième livre, La casserole des enfants, aux Editions Belin, visait... les enfant que nous sommes tous, que nous le soyons vraiment ou que nous le soyons resté. J'avais en arrière-plan deux livres que je juge importants : le Tour de France par deux enfants, et les Aventures du Petit Nicolas.



Le Tour de France par deux enfants est un ancien manuel de l'Education nationale, du temps où les instituteurs étaient des hussards noirs de la République, du temps où l'Alsace et la Lorraine venaient d'être prises par les Allemands, du temps où la Révolution industrielle faisait rage. L'histoire est celle de deux enfants, orphelins de mère, qui partent de Phalsbourg à la recherche de leur père, engagé dans l'armée française. Le lieu de départ est à la limite de l'Alsace et de la Lorraine, et, en faisant ainsi le Tour de France, à la recherche de leur père, les deux enfants, deux « bons petits gars courageux », découvrent de l'histoire naturelle, de la géographie, de l'histoire, de la science, de la technologie, de la technique... Chaque épisode est une occasion de découverte, et, n'était le racisme qui fait dire à l'auteur qu'il existerait des races humaines inférieures, l'ouvrage serait à mettre entre toutes les mains. Moral, mais quel bel outil pédagogique, dans le principe !

Pour les Aventures du Petit Nicolas, c'est un petit garçon qui raconte sa vie quotidienne, avec son langage, ses mots, ses idées. Amusant, cocasse...

Et la Casserole des enfants sa été voulue comme un mélange des deux : deux enfants sont laissés seuls le soir, pendant que leurs parents sortent, et ils doivent faire la cuisine. Leurs expériences les conduisent à faire des tas de découvertes... mais aussi à remettre en question des gestes classiques. Quel bonheur quand j'ai rencontré des enfants qui avaient « vécu », vibré avec mes deux héros ! Quel bonheur quand j'ai appris qu'un groupe de professionnels des métiers de bouche avaient acquis le livre, non pas pour leurs enfants, mais pour eux-mêmes. On le voit, la jubilation de la connaissance n'a pas d'âge.



► Puis est venu le Traité élémentaire de cuisine, aux éditions Belin, qui était la mise en livre d'une « théorie du goût » que je faisais circuler, en l'augmentant régulièrement, parmi mes amis cuisiniers ou gastronomes.


 

















Ce livre est arrivé au moment où j'ai contribué à réformer l'enseignement culinaire des lycées hôteliers, au moment où j'ai contribué à débarrasser cet enseignement de scories qui dataient d'un siècle environ, quand on avait commencé à rationaliser la cuisine... en oubliant que, à cette fin, il fallait des explorations chimiques et physiques des phénomènes. Des « éducateurs » avaient progressivement ajouté des intuitions fausses, qui avaient fait école, et des notions fausses telles que la « concentration » ou l'  « expansion » des viandes étaient invoquées lors des examens. On confondait mousses et émulsions, on croyait à des idées introduites au hasard de l'empirisme culinaire. Le livre fut le livre de la réforme de l'enseignement culinaire, tout comme le Traité élémentaire de chimie, d'Antoine-Laurent de Lavoisier, avait été, à la fin du XVIIIe siècle, le livre de réforme de la chimie.




► Peu après, la revue Pour la Science me proposa de réunir sous la forme d'un livre les chroniques mensuelles que je rédigeais dans la revue : « Science et gastronomie ».
















Le livre, intitulé Casseroles et éprouvettes ( Pour la Science), fut l'occasion d'une organisation, et, surtout, d'une bonne définition de la gastronomie moléculaire, la science qui cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors de la préparation et de la consommation des mets.

Il est devenu un best seller, en anglais, parce que l'acteur Keanu Reeves a dit qu'il en était fan :

















► Un de mes livres est peu connu... parce qu'il est excessivement cher. J'espère qu'aucun de mes amis ne croira que j'ai voulu m'enrichir en faisant un tel livre ! Il s'agissait d'une proposition par un éditeur de livres d'art, Jane Otmezguine, qui avait voulu faire un « objet » : le livre avait l'apparence d'un très gros livre, tiré en nombre limité, pour des collectionneurs, et il contenait des objets et des lettres écrites à mon ami Pierre Gagnaire. Six lettres gourmandes : c'était d'ailleurs le titre.




► Puis est venu mon livre préféré, La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique (Editions Odile Jacob) :















Le premier traité d'esthétique culinaire, à ma connaissance, dans l'histoire de la cuisine. Par « esthétique », on entend non pas l'apparence visuelle, mais le goût. En cuisine, le beau à manger, ce n'est pas le beau à voir, comme en peinture ou en sculpture, mais le bon !

Et comme un traité risquait d'être austère, je l'ai transformé en roman d'amour/policier, en l'agrémentant de « recettes » de Pierre Gagnaire. Je maintiens que ce livre, insuffisant d'un point de vue littéraire, un peu difficile (parce que l'esthétique est une branche de la philosophie), est un livre important, utile.




► Peu après, mon amie Marie-Odile Monchicourt m'interrogeais sur « ma vie, mon oeuvre »... mais peut-on imaginer que quelqu'un qui soutient que « le moi est haïssable » se laisse aller à raconter, page après page, de quelle couleur est sa brosse à dent, et autres poussières du monde ?










Cette fois, dans Construisons un repas (Edition Odile Jacob), je décidais de tout récrire, pour gommer cet aspect personnel sans intérêt, et, plutôt, pour poursuivre la discussion esthétique, mais de façon très simple, pratique. La cuisine, en effet, c'est une construction. Une construction des matières, une construction des mets, par assemblage de matières, et une construction/enchaînement des mets en repas.
Pour rester dans l'idée de Marie-Odile Monchicourt, je me suis efforcé de tout dire très simplement. Oui, ce livre, Construisons un repas, est une sorte de manifeste du « constructivisme culinaire », mais un manifeste à l'attention de tous.




► Pendant l'écriture des deux derniers livres, nous avions des rendez-vous réguliers avec mon ami Pierre Gagnaire, face à Jacques Merles, qui était équipé d'un magnétophone. Nous discutions, séance après séance, le merveilleux traité de cuisine de Nicolas de Bonnefons, cuisinier du roi Louis XIV, et ces discussions conduisirent au livre Alchimistes aux fourneaux (Edition Flammarion).















Un « beau livre », un gros livre, avec d'extraordinaires photographies d'un photographe aussi « allumé » que Pierre Gagnaire ou que moi. Un livre où l'on trouve, de façon un peu baroque (une marque de fabrique H. This), le texte de Bonnefons, les commentaires de Pierre, mes observations, les photographies de Rip Hopkins.




► Le mot « fourneaux », d'ailleurs, semble avoir été dans l'air, puisque la revue Pour la Science voulut publier de nouveaux textes de ma chronique Science et gastronomie, sous le titre De la science aux fourneaux :















Cette fois, le risque du tome 2 était grand ! Comment l'éviter ? Je décidais alors de construire un livre bien différent de Casseroles et éprouvettes, un livre qui doive tout à son organisation, et où les chroniques publiées dans la revue viendraient tenir leur partie dans une partition d'orchestre construite sans se fonder sur elles a priori.




► Un jeune éditeur, L'oeil Neuf, avait alors publié un très beau livre, la Sagesse du bibliothécaire, et le succès de ce livre intelligent lui avait fait penser qu'une collection pouvait naître. Quelle belle idée que de rechercher à dégager la sagesse des métiers ! La sagesse du potier, du médecin, de l'archéologue... L'éditeur m'invita à préparer La Sagesse du chimiste.













Et je me suis beaucoup amusé à écrire un tel livre. D'abord, parce que je n'ai en réalité aucune sagesse personnelle, mais, ensuite, parce que la chimie est une science si belle qu'elle méritait une sorte d'ode !

Ce qui est également merveilleux, c'est que, lors de l'écriture de ce livre, j'ai fini par comprendre que la chimie était aujourd'hui partagée -j'espère que cela ne durera pas- entre la science et la technologie. La science : la production de connaissance, recherche des mécanismes des phénomènes par la méthode « scientifique ». La technologie : amélioration des techniques par l'utilisation des résultats de la science.
Et puis, ce fut l'occasion de montrer qu'il n'y aura jamais de chimie en cuisine, que l'on ne mettra pas des « produits chimiques » dans les aliments, que nos sociétés souffrent d'une sorte d' « ilchemise », pendant chimique de l'illétrisme.




► D'ailleurs, ces idées, et bien d'autres, furent utiles pour la rédaction du Cours de gastronomie moléculaire N°1 : Science, technologie, technique (culinaires), quelles relations ? (Editions Quae/Belin) :






















Pour ce livre, il fallait faire bien davantage que ce qui avait été fait dans la Sagesse du chimiste. L'idée fut de présenter les quelque 150 inventions que j'avais offertes à mon ami Pierre Gagnaire, chaque mois depuis dix ans, sur son site, et d'expliquer comment, comprenant bien la différence entre science et technologie, on pouvait facilement faire autant d'inventions.

Notre monde bruit de « créativité », d' « innovation », maîtres mots de l'industrie, qui permettent à des gourous auto-proclamés de vendre des recettes, des formations... Je maintiens dans ce livre que tout est question de travail, de soin, et de méthode. Le livre est un manuel de technologie générale, tel que je rêve qu'il soit utilisé dans toutes les écoles d'ingénieurs, dans tous les instituts de technologie.





► Rapidement, est alors paru le Cours de gastronomie moléculaire N°2 : Les précisions culinaires (éditions Quae/Belin).















Je suis bien certain qu'aucun de mes amis ne me fera l'injure de penser que ce livre a été bâclé... parce que, en réalité, il réunit des précisions culinaires (dictons, adages, proverbes, tours de main...) réunis depuis le 16 mars 1980 ! Cela fait plus de 30 ans, donc, que je collectionne ces objets de culture, que je les teste, que je les discute, que j'y pense... Le Cours de gastronomie moléculaire que je donne annuellement à AgroParisTech a été une merveilleuse occasion de mettre de l'ordre dans tout cela, de chercher des méthodes pour explorer ce corpus unique dont je dispose, et que je voulais mettre à la disposition de tous. Pour autant, je ne me suis pas résolu à livrer des fleurs en vrac : j'ai voulu faire un bouquet !





Le livre sur la cuisine note à note est arrivé après mon cours, à la demande des cuisiniers qui voulaient une sorte de cours, mais le livre est un hybride entre un manifeste et un manuel. Il est lisible par tous, et j'ai pris le plus grand soin à expliquer ce qu'est un composé.

Plus exactement, après une longue introduction très générale, et qui dit l'intérêt de la cuisine note à note, on rentre dans la partie technique, en considérant les divers aspects des plats (consistances, formes, saveurs, odeurs, sensations trigéminales…) . En fin de livre, des recettes























En 2014, un livre de synthèse, que j'espère simple, pour tous lecteurs. Quand je parle d'un composé, j'explique ce que c'est, et il doit y avoir deux ou trois formules chimiques… expliquées dans les moindres détails. Pour autant des collègues devraient être également intéressés.

Le propos ? Je reprends la cuisine historiquement… en vue d'en tirer des idées qui permettent de faire mieux. Autrement dit, il y a du spéculatif et de l'opératif, comme on dit. Un livre assez volumineux, qui considère, en fin de livre, les évolutions que furent la cuisine moléculaire, le constructivisme culinaire, et s'achève évidemment sur la cuisine note à note. A la charnière, 14 « commandements », qui sont détaillés, en vue de mieux cuisiner.





















En 2017, un roman philosophique (un traité de la joie de vivre, transformé en roman d'amour qui finit bien), doublé de recettes de cuisine analysées, le tout structuré (en apparence) par une réflexion sur le terroir et la tradition :





























mercredi 13 avril 2022

Apprendre en confiance

 

Une plaie, quand on étudie, c'est de tomber sur un mauvais professeur (qui se dit souvent "enseignant", n'ayant pas compris la différence) ou sur un mauvais livre.

Je trouve un exemple tout à fait extraordinaire ce matin, dans un Traité de la distillation : les auteurs considèrent un mélange de plusieurs composés, en nombre n, tant qu'on y est, alors que souvent, en pratique, on ne considère quasiment toujours qu'un nombre petit, 1, 2 ou 3... de sorte que l'on aurait eu raison de commencer par considérer le nombre 2, et de généraliser ensuite (éventuellement).

Mais bon. Nos auteurs écrivent que la somme des fractions molaires est égale à 1, sans explication, sans que l'on puisse donc faire autre chose qu'acquiescer, et apprendre éventuellement par coeur si l'on fait confiance aux auteurs.
Puis, après des développements, ils parlent du nombre de molécules, disant que la somme des nombres de chaque espèce de molécules est égale au nombre total de molécules présente. Là, oui, on comprend, c'est évident, et c'est bien de là qu'il aurait fallu partir, pour diviser cette égalité par le volume et par le nombre d'Avogadro, afin de trouver leur égalité injustifiée initiale.

Bref, nos auteurs n'ont rien compris, n'ont pas bien réfléchi avant d'exposer les choses..., et, d'ailleurs, ce même type de mauvaise exposition se retrouve tout au long du livre. Quelle plaie !

 

Pourquoi nos auteurs ont-ils été si médiocres ? 

 

Je suis quasiment sûr, après une longue fréquentation des enseignants et des ouvrages d'enseignement (terme que je déteste, bien sûr) que, dans bien des cas, les enseignants ne comprennent pas ce qu'ils disent ; ils recopient des choses publiées, les répètent, savent éventuellement appliquer des "règles", des équations apprises, mais ils n'ont pas compris.

Pas tous, bien sûr ! Je parle ici des mauvais, de mauvais que j'ai eu comme professeurs, ou de mauvais auteurs (trop nombreux) dont j'ai lu les livres.

Quel dommage, pour eux et pour ceux qui les ont subis, qu'ils n'aient pas fait mieux. Pour eux, ils auraient eu le plaisir de comprendre, a minima. Et, surtout, ils auraient pu vivre dans le bonheur de calculs justes, amusants, enthousiasmants, à l'opposé des discours de singes savants qu'ils étaient. D'ailleurs, savants... Disons charitablement faussement savants.

Je me demande si nous ne devrions pas publiquement identifier les erreurs et les signaler à nos jeunes amis, afin de leur éviter d'y être exposés ?
A cette question, un vieux camarade physicien me répond que cela fait du bien aux jeunes d'être exposés aux erreurs, afin de se "faire le cuir".
Mouais... Pourquoi ne pas chercher à aider nos amis, plutôt ? Et puis, si l'objectif est aussi qu'ils se fassent le cuir, pourquoi ne pas leur apprendre explicitement à se faire le cuir ?

Mais il faut être plus positif. Pourquoi ne constituerions-nous pas une espèce de répertoires de cours bien faits, dans lesquels les étudiants puissent avoir confiance ?
C'est une idée que j'ai proposée à cette revue que sont les Notes Académiques de l'Académie d'Agriculture de France, avec l'avantage que les cours soumis pour publication seraient évalués, ce qui signifie que les rapporteurs ont précisément pour objectif d'aider les auteurs à perfectionner leurs documents.

Aider nos amis apprenants, n'est-ce pas une tâche enthousiasmante ?

mardi 23 février 2021

Dépassons le fétichisme du livre papier



Il y a trop de personnes qui me répètent cette litanie selon laquelle le numérique ne fera pas disparaître le livre en papier : d'une part, qu'en savent-ils ? d'autre part, n'ont-ils pas tort ?

Personnellement, grand amateur de "livres" (mais qu'est-ce qu'un livre ?),
je conteste l'idée du livre papier, et je la combats même, en interdisant le papier dans mon laboratoire. Nous n'avons plus de cahier de laboratoire, mais des outils mieux adaptés. Nous ne faisons plus de ces photocopies qui coûtent une fortune. Nous ne passons plus nos week ends à aller chercher des articles imprimés (à grands frais) dans des bibliothèques : il faudra chanter l'avènement des revues en ligne pour les progrès de la science ! Ah, un .pdf que l'on récupère de son fauteuil, efficacement, quand on en a besoin !  

La disparition du livre imprimé menacerait-elle la "culture" ? Encore faudrait-il savoir ce que signifie une telle phrase... mais, en tous cas, j'observe que mes enfants (et leurs amis) ont des liseuses, des ordinateurs, mais plus de papier. Ils ne lisent pas moins que d'autres (au contraire, puisqu'ils lisent en tous lieux), mais ils sont de leur temps, un temps où l'on cessera peut-être de polluer les rivières avec la pâte à papier ?

D'ailleurs, pour rassurer les éditeurs, je ne vois pas le travail d'édition changer, dans tout cela : après tout, j'avais commencé ma carrière dans l'édition scientifique alors que mon journal était composé au plomb (le saturnisme des ouvriers !), et je suis de ceux qui ont fabriqués les premiers logiciels de traitement de texte, puis de mise en page, par exemple,  pour prendre de l'avance sur notre concurrence et nous faciliter la vie.
Car n'ayons pas la mémoire courte : vous souvenez vous du temps terrible du ruban blanc que l'on collait sur les textes à corriger, de la machine à écrire, les voyages chez l'imprimeur, la nuit, pour surveiller les épreuves, l'impression ?

Bref,  je crains que l'attachement à ce support qu'est le livre papier ne soit du fétichisme (que je partage pour partie : j'ai des exemplaires très anciens de livres de chimie et de livres de cuisine).

Bref, il est temps  de migrer... car même les revues gratuites que je voyais dans les  transports en commun (l'espace du plus grand nombre) ont disparu... remplacées par les téléphones portables.
D'ailleurs, sur l'épaule de mes voisins, je vois :
- des jeux
- des actus
- des vidéos Instagram
- parfois  une liseuse.
Tout cela s'inscrit dans un mouvement inéluctable. Mais, au delà de ces considérations, ce qui est intéressant, c'est que le numérique permet d'ajouter :
- des images
- des sons
Et n'est-ce pas merveilleux, que nos "livres" du vingt-et-unième siècle ne soient plus limités à des caractères ?

Pour terminer, je rapelle à tout hasard que, pour Aristote, l'écrit était la mort de la pensée. Aristote a été dépassé par les progrès techniques... et nous ne pensons pas moins que lui.
Bref, au lieu de livrer des combats perdus, cherchons, comme toujours, de chasser la mauvaise monnaie avec de la bonne : apprenons à créer d'extraordinaires "livres multimedia", explorons mieux les possibilités de ces nouveaux supports.


jeudi 17 octobre 2019

Pourquoi le bouillon ?


Pourquoi  les recettes de bouillon sont-elles toujours au début des livres de cuisine, depuis les premiers livres de cuisine qui furent publiés ?

Je l'ignore (et je ne suis pas le seul, bien sûr), mais il est vrai que les bouillons sont à la base des potages, et aussi des sauces, des ragoûts, et de l'ensemble des mouillements.
De surcroît, les viandes qui cuisent se contractent,  libérant des jus qui risquent toujours d'être perdus, et qui sont donc recueillis quand la viande est cuite dans un liquide, ce qui engendre le bouillon.
Selon cette analyse,  on pourrait penser que c'est le pot-au-feu qui devrait être au début des livres de cuisine, et il l'est d'ailleurs souvent, avec ce commentaire de Marie-Antoine Carême : c'est l' "âme des ménages". 
Toutefois on peut faire des solutions nutritive avec bien d'autres ingrédients que la viande :  par exemple, des légumes. Le point commun, ce n'est plus le pot-au-feu, mais alors le bouillon.

Et il est donc logique à placer le bouillon en début de livre, surtout si l'on se souvient que la cuisine du passé à souvent visé à faire le meilleur usage possible des ingrédients culinaires qui étaient en nombre insuffisant  : je propose de ne jamais oublier que nous sommes la première génération à ne pas avoir connu de famine, et pas encore pour tous !



samedi 11 mai 2019

Quel livre pour qui ?


Pardonnez-moi de ne jamais faire de « tome 2 », de ne pas vouloir surfer opportunistement sur la vague d'un succès, de ne pas faire de feuilletons...
Ayant de l'estime pour mes amis qui me lisent, je ne me résous pas à leur livrer des textes conçus comme des savonettes, en série ; je vois chaque livre nouveau comme un petit travail d'orfévrerie, qui touche une fibre particulière de nous-même.


► Le premier de mes livres, Les Secrets de la casserole (Editions Pour la Science), était une volonté de montrer aimablement qu'il y a lieu de se préoccuper de science, en vue de comprendre l'activité culinaire, dans sa composante technique.



Oui, un soufflé qui ne gonfle pas n'est pas un soufflé, mais un gâteau, ou une crêpe... et il y a lieu de se demander pourquoi un soufflé gonfle ou ne gonfle pas.
Sachant que la science répond à la question « comment ça marche ? », le livre est structuré par des questions, avec des réponses aussi courtes que possibles, sans concession à la rigueur scientifique. Enfin, rigueur... Le mot est mal choisi : j'aurais dû dire « justesse », « précisions », mais pas « rigueur », car la Gourmandise s'accomode mal de rigueur...



► Le deuxième livre, Révélations gastronomiques (Editions Belin), était une réponse (à ma manière) à la demande de « recettes ».




Sachant que j'ai le plus grand mépris pour des recettes données sous la forme de protocoles qui condamnent l'exécutant au rôle de machine, il s'agissait de donner des recettes... mais en explicitant le détail de chaque geste. Il y a donc des recettes, dans ce livre, mais des recettes qui font grandir, et, en réalité, le livre est plus une discussion à propos de recettes que de recettes proprement dites.

►  Le troisième livre, La casserole des enfants, aux Editions Belin, visait... les enfant que nous sommes tous, que nous le soyons vraiment ou que nous le soyons resté. J'avais en arrière-plan deux livres que je juge importants : le Tour de France par deux enfants, et les Aventures du Petit Nicolas.



Le Tour de France par deux enfants est un ancien manuel de l'Education nationale, du temps où les instituteurs étaient des hussards noirs de la République, du temps où l'Alsace et la Lorraine venaient d'être prises par les Allemands, du temps où la Révolution industrielle faisait rage. L'histoire est celle de deux enfants, orphelins de mère, qui partent de Phalsbourg à la recherche de leur père, engagé dans l'armée française. Le lieu de départ est à la limite de l'Alsace et de la Lorraine, et, en faisant ainsi le Tour de France, à la recherche de leur père, les deux enfants, deux « bons petits gars courageux », découvrent de l'histoire naturelle, de la géographie, de l'histoire, de la science, de la technologie, de la technique... Chaque épisode est une occasion de découverte, et, n'était le racisme qui fait dire à l'auteur qu'il existerait des races humaines inférieures, l'ouvrage serait à mettre entre toutes les mains. Moral, mais quel bel outil pédagogique, dans le principe !
Pour les Aventures du Petit Nicolas, c'est un petit garçon qui raconte sa vie quotidienne, avec son langage, ses mots, ses idées. Amusant, cocasse...
Et la Casserole des enfants sa été voulue comme un mélange des deux : deux enfants sont laissés seuls le soir, pendant que leurs parents sortent, et ils doivent faire la cuisine. Leurs expériences les conduisent à faire des tas de découvertes... mais aussi à remettre en question des gestes classiques. Quel bonheur quand j'ai rencontré des enfants qui avaient « vécu », vibré avec mes deux héros ! Quel bonheur quand j'ai appris qu'un groupe de professionnels des métiers de bouche avaient acquis le livre, non pas pour leurs enfants, mais pour eux-mêmes. On le voit, la jubilation de la connaissance n'a pas d'âge.



► Puis est venu le Traité élémentaire de cuisine, aux éditions Belin, qui était la mise en livre d'une « théorie du goût » que je faisais circuler, en l'augmentant régulièrement, parmi mes amis cuisiniers ou gastronomes.


















Ce livre est arrivé au moment où j'ai contribué à réformer l'enseignement culinaire des lycées hôteliers, au moment où j'ai contribué à débarrasser cet enseignement de scories qui dataient d'un siècle environ, quand on avait commencé à rationnaliser la cuisine... en oubliant que, à cette fin, il fallait des explorations chimiques et physiques des phénomènes. Des « éducateurs » avaient progressivement ajouté des intuitions fausses, qui avaient fait école, et des notions fausses telles que la « concentration » ou l'  « expansion » des viandes étaient invoquées lors des examens. On confondait mousses et émulsions, on croyait à des idées introduites au hasard de l'empirisme culinaire. Le livre fut le livre de la réforme de l'enseignement culinaire, tout comme le Traité élémentaire de chimie, d'Antoine-Laurent de Lavoisier, avait été, à la fin du XVIIIe siècle, le livre de réforme de la chimie.



► Peu après, la revue Pour la Science me proposa de réunir sous la forme d'un livre les chroniques mensuelles que je rédigeais dans la revue : « Science et gastronomie ».















Le livre, intitulé Casseroles et éprouvettes (Editions Pour la Science), fut l'occasion d'une organisation, et, surtout, d'une bonne définition de la gastronomie moléculaire, la science qui cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors de la préparation et de la consommation des mets.
Il est devenu un best seller, en anglais, parce que l'acteur Keanu Reeves a dit qu'il en était fan :
















►  Un de mes livres est peu connu... parce qu'il est excessivement cher. J'espère qu'aucun de mes amis ne croira que j'ai voulu m'enrichir en faisant un tel livre ! Il s'agissait d'une proposition par un éditeur de livres d'art, Jane Otmezguine, qui avait voulu faire un « objet » : le livre avait l'apparence d'un très gros livre, tiré en nombre limité, pour des collectionneurs, et il contenait des objets et des lettres écrites à mon ami Pierre Gagnaire. Six lettres gourmandes : c'était d'ailleurs le titre.



►  Puis est venu mon livre préféré, La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique (Editions Odile Jacob) : 





Le premier traité d'esthétique culinaire, à ma connaissance, dans l'histoire de la cuisine. Par « esthétique », on entend non pas l'apparence visuelle, mais le goût. En cuisine, le beau à manger, ce n'est pas le beau à voir, comme en peinture ou en sculpture, mais le bon !
Et comme un traité risquait d'être austère, je l'ai transformé en roman d'amour/policier, en l'agrémentant de « recettes » de Pierre Gagnaire. Je maintiens que ce livre, insuffisant d'un point de vue littéraire, un peu difficile (parce que l'esthétique est une branche de la philosophie), est un livre important, utile.



► Peu après, mon amie Marie-Odile Monchicourt m'interrogeais sur « ma vie, mon oeuvre »... mais peut-on imaginer que quelqu'un qui soutient que « le moi est haïssable » se laisse aller à raconter, page après page, de quelle couleur est sa brosse à dent, et autres poussières du monde ?









Cette fois,  dans Construisons un repas (Edition Odile Jacob), je décidais de tout récrire, pour gommer cet aspect personnel sans intérêt, et, plutôt, pour poursuivre la discussion esthétique, mais de façon très simple, pratique. La cuisine, en effet, c'est une construction. Une construction des matières, une construction des mets, par assemblage de matières, et une construction/enchaînement des mets en repas.
Pour rester dans l'idée de Marie-Odile Monchicourt, je me suis efforcé de tout dire très simplement. Oui, ce livre, Construisons un repas, est une sorte de manifeste du « constructivisme culinaire », mais un manifeste à l'attention de tous.



► Pendant l'écriture des deux derniers livres, nous avions des rendez-vous reguliers avec mon ami Pierre Gagnaire, face à Jacques Merles, qui était équipé d'un magnétophone. Nous discutions, séance après séance, le merveilleux traité de cuisine de Nicolas de Bonnefons, cuisinier du roi Louis XIV, et ces discussions conduisirent au livre Alchimistes aux fourneaux (Edition Flammarion).














Un « beau livre », un gros livre, avec d'extraordinaires photographies d'un photographe aussi « allumé » que Pierre Gagnaire ou que moi. Un livre où l'on trouve, de façon un peu baroque (une marque de fabrique H. This), le texte de Bonnefons, les commentaires de Pierre, mes observations, les photographies de Rip Hopkins.



►  Le mot « fourneaux », d'ailleurs, semble avoir été dans l'air, puisque la revue Pour la Science voulut publier de nouveaux textes de ma chronique Science et gastronomie, sous le titre De la science aux fourneaux :














Cette fois, le risque du tome 2 était grand ! Comment l'éviter ? Je décidais alors de construire un livre bien différent de Casseroles et éprouvettes, un livre qui doive tout à son organisation, et où les chroniques publiées dans la revue viendraient tenir leur partie dans une partition d'orchestre construite sans se fonder sur elles a priori.



► Un jeune éditeur, L'oeil Neuf,  avait alors publié un très beau livre, la Sagesse du bibliothécaire, et le succès de ce livre intelligent lui avait fait penser qu'une collection pouvait naître. Quelle belle idée que de rechercher à dégager la sagesse des métiers ! La sagesse du potier, du médecin, de l'archéologue... L'éditeur m'invita à préparer La Sagesse du chimiste.












Et je me suis beaucoup amusé à écrire un tel livre. D'abord, parce que je n'ai en réalité aucune sagesse personnelle, mais, ensuite, parce que la chimie est une science si belle qu'elle méritait une sorte d'ode !
Ce qui est également merveilleux, c'est que, lors de l'écriture de ce livre, j'ai fini par comprendre que la chimie était aujourd'hui partagée -j'espère que cela ne durera pas- entre la science et la technologie. La science : lproduction de connaissance, recherche des mécanismes des phénomènes par la méthode « scientifique ». La technologie : amélioration des techniques par l'utilisation des résultats de la science.
Et puis, ce fut l'occasion de montrer qu'il n'y aura jamais de chimie en cuisine, que l'on ne mettra pas des « produits chimiques » dans les aliments, que nos sociétés souffrent d'une sorte d' « ilchemise », pendant chimique de l'illétrisme.



► D'ailleurs, ces idées, et bien d'autres, furent utiles pour la rédaction du Cours de gastronomie moléculaire N°1 : Science, technologie, technique (culinaires), quelles relations ?  (Editions Quae/Belin) :





















Pour ce livre, il fallait faire bien davantage que ce qui avait été fait dans la Sagesse du chimiste. L'idée fut de présenter les quelque 150 inventions que j'avais offertes à mon ami Pierre Gagnaire, chaque mois depuis dix ans, sur son site, et d'expliquer comment, comprenant bien la différence entre science et technologie, on pouvait facilement faire autant d'inventions.
Notre monde bruit de « créativité », d' « innovation », maîtres mots de l'industrie, qui permettent à des gourous auto-proclamés de vendre des recettes, des formations... Je maintiens dans ce livre que tout est question de travail, de soin, et de méthode. Le livre est un manuel de technologie générale, tel que je rêve qu'il soit utilisé dans toutes les écoles d'ingénieurs, dans tous les instituts de technologie.




► Rapidement, est alors paru le Cours de gastronomie moléculaire N°2 : Les précisions culinaires (éditions Quae/Belin).














Je suis bien certain qu'aucun de mes amis ne me fera l'injure de penser que ce livre a été bâclé... parce que, en réalité, il réunit des précisions culinaires (dictons, adages, proverbes, tours de main...) réunis depuis le 16 mars 1980 ! Cela fait plus de 30 ans, donc, que je collectionne ces objets de culture, que je les teste, que je les discute, que j'y pense... Le Cours de gastronomie moléculaire que je donne annuellement à AgroParisTech a été une merveilleuse occasion de mettre de l'ordre dans tout cela, de chercher des méthodes pour explorer ce corpus unique dont je dispose, et que je voulais mettre à la disposition de tous. Pour autant, je ne me suis pas résolu à livrer des fleurs en vrac : j'ai voulu faire un bouquet !




► Le livre sur la cuisine note à note est arrivé après mon cours, à la demande des cuisiniers qui voulaient une sorte de cours, mais le livre est un hybride entre un manifeste et un manuel. Il est lisible par tous, et j'ai pris le plus grand soin à expliquer ce qu'est un composé.
Plus exactement, après une longue introduction très générale, et qui dit l'intérêt de la cuisine note à note, on rentre dans la partie technique, en considérant les divers aspects des plats (consistances, formes, saveurs, odeurs, sensations trigéminales…) . En fin de livre, des recettes










► En 2014, un livre de synthèse, que j'espère simple, pour tous lecteurs. Quand je parle d'un composé, j'explique ce que c'est, et il doit y avoir deux ou trois formules chimiques… expliquées dans les moindres détails. Pour autant des collègues devraient être également intéressés.
Le propos ? Je reprends la cuisine historiquement… en vue d'en tirer des idées qui permettent de faire mieux. Autrement dit, il y a du spéculatif et de l'opératif, comme on dit. Un livre assez volumineux, qui considère, en fin de livre, les évolutions que  furent la cuisine moléculaire, le constructivisme culinaire, et s'achève évidemment sur la cuisine note à note. A la charnière, 14 « commandements », qui sont détaillés, en vue de mieux  cuisiner.







►  En 2017, un roman philosophique (un traité de la joie de vivre, transformé en roman d'amour qui finit bien), doublé de recettes de cuisine analysées, le tout structuré (en apparence) par une réflexion sur le terroir et la tradition :



mercredi 17 octobre 2018

Questions et réponses à propos de cuisine note à note


Ce matin, des questions dont je ne suis pas certain qu'elles aient toutes des réponses sur mon site. Voici, donc.


Les questions

Nous sommes des élèves de première S au lycée xxxxxx et avons choisi la cuisine note-à-note comme sujet de TPE (travaux personnels encadrés). Nous aimerions s'il vous plaît vous poser quelques questions à ce propos:
1. Comment en êtes-vous arrivé au concept de la cuisine note-à-note?
2. Est-ce que les plats note-à-note périment plus/moins rapidement que les plats standards?
# Nous allons également tenter de réaliser une de vos recettes ( "Perles de pomme, opaline, granité citron"), et nous aurions quelques conseils à vous demander:

3. Qu'est-ce qu'un péligot de glucose exactement? (La définition est assez difficile à trouver sur Internet)
4. Vaut-il mieux utiliser du sucre de synthèse (Maltitol) ou du sirop de glucose pour cette recette ?
5. Où vous procurez-vous les ingrédients chimiques nécessaires ?
6. Auriez-vous des conseils à nous donner pour nous aider pour réaliser de bonnes recettes note-à-note ?


Les réponses

1. Comment je suis arrivé à l'idée de la cuisine note à note ? Cette question-là a sa réponse  sur https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/et-plus-encore/pour-en-savoir-plus/questions-et-reponses/la-cuisine-note--note

2. La péremption des plats : c'est une question essentiellement de développement microbien, et je vois mal en quoi la cuisine note à note serait différente de la cuisine traditionnelle. Les micro-organismes vont coloniser de la même façon les plats, note à note ou non, puisque la composition sera semblable.
Et l'on n'oubliera pas que la cuisson a trois fonctions :
- détruire les micro-organismes
- changer la consistance
- donner du goût.
Ici, la première fonction est essentielle.

3. Qu'est-ce qu'un péligot ? C'est l'analogue d'un caramel, mais pour un autre sucre que du saccharose. En effet, le caramel est un produit très particulier, qui s'obtient par chauffage du saccharose, le composé qui fait 99,99 % du sucre de table. Il y a des décennies, j'avais proposé que l'on fasse de même à partir de glucose, de fructose, de lactose, etc. Et le nom donné à ces produits est "péligot", en l'honneur du chimiste français Eugène-Melchior Péligot.

4. Vaut-il mieux utiliser du maltitol ou du sirop de glucose pour cette recette ? Quelle recette ? Si vous parlez d'opalines, l'idée est que l'on peut prendre n'importe quoi ou presque. Au fait, la recette ? Je suppose que vous l'avez cherchée sur https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/applications/des-applications-de-deux-types/applications-technologiques/cuisine-note-a-note/recettes-note-a-note ?

5. Où se procurer les ingrédients ? J'avais fait la page http://www2.agroparistech.fr/Quels-produits-pour-la-cuisine.html, mais le plus simple, pour beaucoup d'usage, c'est la société Louis François (en ligne), pour des produits de consistance, de saveur et de couleur, et la société Iqemusu pour les composés odorants (en ligne aussi).
A noter que ces ingrédients ne sont pas des "ingrédients chimiques", mais des ingrédients. L'huile n'est pas plus un ingrédient "chimique" que le saccharose, ou que le benzaldéhyde en solution dans l'huile, par exemple.

6. Des conseils pour les recettes ? Faire des essais, goûter, changer les recettes... travailler !
Puis, pour faire bon, s'adresser à des artistes, puisque le bon, c'est le beau à manger, et qu'il s'agit d'art, pas de techniques.
Cela étant, quelques uns de mes amis m'ont donné des conseils :
- une partie de violence, trois parties de force, neuf parties de douceur (Emile Jung)
- faire des contrastes (de consistance, odeur, saveur, couleur, etc.), comme indiqué dans mon livre La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique.


Et, bien sûr, il y a mille choses dans mon autre livre sur la cuisine note à note :


mercredi 24 août 2016

Les "bons" livres

Nous sommes bien d'accord : il y a des auteurs  précis, des auteurs intelligents, des auteurs enchanteurs, des auteurs attrayants, des auteurs instructifs... et les autres.
Dans une optique très positive, de partage de nos émerveillements avec nos amis, je décide aujourd'hui (24 août 2016) de commencer une liste :

https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/de-l-emerveillement-partage/de-bons-livres

dimanche 29 novembre 2015

Fan ?

 Ce matin, un message amical, qui contient la phrase :

 Je suis un de plus vos grands fans, tous vos ouvrages sont sur mon étagère ...

Initialement, j'avais répondu "Merci de votre réponse... mais ne soyez fan que de vous-même... en le méritant !", mais la question étant récurrente, il faut analyser.

Le mot "fan" est un anglicisme (abréviation de fanatic, du français "fanatique"), qui désigne une personne qui éprouve une forte admiration pour une personne, un groupe de personnes, une équipe de sport, etc.
Ce qui renvoie à "admiration", dont la définition est dans le seul dictionnaire de la langue française qui vaille, le Trésor de la langue française informatisé : "Sentiment complexe d'étonnement, le plus souvent mêlé de plaisir exalté et d'approbation devant ce qui est estimé supérieurement beau, bon ou grand." L'étymologie renforce l'idée que cette définition est juste.

Ainsi, il y aurait un sentiment d'étonnement, avec plaisir et approbation : jusque là, pourquoi pas, puisque je ne cesse de chercher à m'étonner moi-même, mes productions étant d'abord une façon de produire de la pensée, si possibile originale.

Mes livres seraient-ils "quelque chose de "supérieurement beau, bon ou grand" ? Là, j'ai plus d'inquiétude (sans fausse modestie), parce que, s'il est vrai que je me donne du mal pour les produire, s'il est vrai que j'évite des "tomes 2", je suis bien conscient d'être très  loin derrière Rabelais ou Flaubert. Or des livres doivent être jugés à l'aune de l'écriture, et l'intervalle sur lequel nous devons juger est entre 0 et Rabelais, me semble-t-il (pendant des décennies, j'avais mis Flaubert au maximum, mais la relecture de Rabelais m'a bien montré que ce dernier est considérablement plus grand... en supposant qu'il faille classer !
Oui, car faut-il classer sur une échelle linéaire ce qui est multifactoriel ? Dans des billets précédents, j'ai  discuté cette question à propos du classement imbécile des cuisiniers du monde, de sorte que la question doit être abandonnée.

Que faire, alors ? Je propose surtout d'expliquer que mes divers livres sont destinés à des amis différents : les jeunes lecteurs (pour la Casserole des enfants) ne sont pas ceux que j'ai visés, avec Mon histoire de cuisine, et Casseroles et éprouvettes ne s'adresse pas aux mêmes "amis" que La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique.

Bref, s'impose un éclaircissement que  voici :




► Le premier de mes livres, Les Secrets de la casserole (Editions Pour la Science), était une volonté de montrer aimablement qu'il y a lieu de se préoccuper de science, en vue de comprendre l'activité culinaire, dans sa composante technique.






Oui, un soufflé qui ne gonfle pas n'est pas un soufflé, mais un gâteau, ou une crêpe... et il y a lieu de se demander pourquoi un soufflé gonfle ou ne gonfle pas.
Sachant que la science répond à la question « comment ça marche ? », le livre est structuré par des questions, avec des réponses aussi courtes que possibles, sans concession à la rigueur scientifique. Enfin, rigueur... Le mot est mal choisi : j'aurais dû dire « justesse », « précisions », mais pas « rigueur », car la Gourmandise s'accomode mal de rigueur...



► Le deuxième livre, Révélations gastronomiques (Editions Belin), était une réponse (à ma manière) à la demande de « recettes ».


Sachant que j'ai le plus grand mépris pour des recettes données sous la forme de protocoles qui condamnent l'exécutant au rôle de machine, il s'agissait de donner des recettes... mais en explicitant le détail de chaque geste. Il y a donc des recettes, dans ce livre, mais des recettes qui font grandir, et, en réalité, le livre est plus une discussion à propos de recettes que de recettes proprement dites.

►  Le troisième livre, La casserole des enfants, aux Editions Belin, visait... les enfant que nous sommes tous, que nous le soyons vraiment ou que nous le soyons resté. J'avais en arrière-plan deux livres que je juge importants : le Tour de France par deux enfants, et les Aventures du Petit Nicolas.



Le Tour de France par deux enfants est un ancien manuel de l'Education nationale, du temps où les instituteurs étaient des hussards noirs de la République, du temps où l'Alsace et la Lorraine venaient d'être prises par les Allemands, du temps où la Révolution industrielle faisait rage. L'histoire est celle de deux enfants, orphelins de mère, qui partent de Phalsbourg à la recherche de leur père, engagé dans l'armée française. Le lieu de départ est à la limite de l'Alsace et de la Lorraine, et, en faisant ainsi le tour de France, à la recherche de leur père, les deux enfants, deux « bons petits gars courageux », découvrent de l'histoire naturelle, de la géographie, de l'histoire, de la science, de la technologie, de la technique... Chaque épisode est une occasion de découverte, et, n'était le racisme qui fait dire à l'auteur qu'il existerait des races humaines inférieures, l'ouvrage serait à mettre entre toutes les mains. Moral, mais quel bel outil pédagogique, dans le principe !
Pour les Aventures du Petit Nicolas, c'est un petit garçon qui raconte sa vie quotidienne, avec son langage, ses mots, ses idées. Amusant, cocasse...
Et la Casserole des enfants sa été voulue comme un mélange des deux : deux enfants sont laissés seuls le soir, pendant que leurs parents sortent, et ils doivent faire la cuisine. Leurs expériences les conduisent à faire des tas de découvertes... mais aussi à remettre en question des gestes classiques. Quel bonheur quand j'ai rencontré des enfants qui avaient « vécu », vibré avec mes deux héros ! Quel bonheur quand j'ai appris qu'un groupe de professionnels des métiers de bouche avaient acquis le livre, non pas pour leurs enfants, mais pour eux-mêmes. On le voit, la jubilation de la connaissance n'a pas d'âge.



► Puis est venu le Traité élémentaire de cuisine, aux éditions Belin, qui était la mise en livre d'une « théorie du goût » que je faisais circuler, en l'augmentant régulièrement, parmi mes amis cuisiniers ou gastronomes.





Ce livre est arrivé au moment où j'ai contribué à réformer l'enseignement culinaire des lycées hôteliers, au moment où j'ai contribué à débarrasser cet enseignement de scories qui dataient d'un siècle environ, quand on avait commencé à rationnaliser la cuisine... en oubliant que, à cette fin, il fallait des explorations chimiques et physiques des phénomènes. Des « éducateurs » avaient progressivement ajouté des intuitions fausses, qui avaient fait école, et des notions fausses telles que la « concentration » ou l'  « expansion » des viandes étaient invoquées lors des examens. On confondait mousses et émulsions, on croyait à des idées introduites au hasard de l'empirisme culinaire. Le livre fut le livre de la réforme de l'enseignement culinaire, tout comme le Traité élémentaire de chimie, d'Antoine-Laurent de Lavoisier, avait été, à la fin du XVIIIe siècle, le livre de réforme de la chimie.



► Peu après, la revue Pour la Science me proposa de réunir sous la forme d'un livre les chroniques mensuelles que je rédigeais dans la revue : « Science et gastronomie ».



Le livre, intitulé Casseroles et éprouvettes (Editions Pour la Science), fut l'occasion d'une organisation, et, surtout, d'une bonne définition de la gastronomie moléculaire, la science qui cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors de la préparation et de la consommation des mets.
Ce livre est un best seller en anglais, parce que Keanu Reeves en était fan :





►  Un de mes livres est peu connu... parce qu'il est excessivement cher. J'espère qu'aucun de mes amis ne croira que j'ai voulu m'enrichir en faisant un tel livre ! Il s'agissait d'une proposition par un éditeur de livres d'art, Jane Otmezguine, qui avait voulu faire un « objet » : le livre avait l'apparence d'un très gros livre, tiré en nombre limité, pour des collectionneurs, et il contenait des objets et des lettres écrites à mon ami Pierre Gagnaire. Six lettres gourmandes : c'était d'ailleurs le titre.



►  Puis est venu mon livre préféré, La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique (Editions Odile Jacob) : 



Le premier traité d'esthétique culinaire, à ma connaissance, dans l'histoire de la cuisine. Par « esthétique », on entend non pas l'apparence visuelle, mais le goût. En cuisine, le beau à manger, ce n'est pas le beau à voir, comme en peinture ou en sculpture, mais le bon !
Et comme un traité risquait d'être austère, je l'ai transformé en roman d'amour/policier, en l'agrémentant de « recettes » de Pierre Gagnaire. Je maintiens que ce livre, insuffisant d'un point de vue littéraire, un peu difficile (parce que l'esthétique est une branche de la philosophie), est un livre important, utile.



► Peu après, mon amie Marie-Odile Monchicourt m'interrogeais sur « ma vie, mon oeuvre »... mais peut-on imaginer que quelqu'un qui soutient que « le moi est haïssable » se laisse aller à raconter, page après page, de quelle couleur est sa brosse à dent, et autres poussières du monde ?


Cette fois,  dans Construisons un repas (Edition Odile Jacob), je décidais de tout récrire, pour gommer cet aspect personnel sans intérêt, et, plutôt, pour poursuivre la discussion esthétique, mais de façon très simple, pratique. La cuisine, en effet, c'est une construction. Une construction des matières, une construction des mets, par assemblage de matières, et une construction/enchaînement des mets en repas.
Pour rester dans l'idée de Marie-Odile Monchicourt, je me suis efforcé de tout dire très simplement. Oui, ce livre, Construisons un repas, est une sorte de manifeste du « constructivisme culinaire », mais un manifeste à l'attention de tous.



► Pendant l'écriture des deux derniers livres, nous avions des rendez-vous reguliers avec mon ami Pierre Gagnaire, face à Jacques Merles, qui était équipé d'un magnétophone. Nous discutions, séance après séance, le merveilleux traité de cuisine de Nicolas de Bonnefons, cuisinier du roi Louis XIV, et ces discussions conduisirent au livre Alchimistes aux fourneaux (Edition Flammarion).



Un « beau livre », un gros livre, avec d'extraordinaires photographies d'un photographe aussi « allumé » que Pierre Gagnaire ou que moi. Un livre où l'on trouve, de façon un peu baroque (une marque de fabrique H. This), le texte de Bonnefons, les commentaires de Pierre, mes observations, les photographies de Rip Hopkins.



►  Le mot « fourneaux », d'ailleurs, semble avoir été dans l'air, puisque la revue Pour la Science voulut publier de nouveaux textes de ma chronique Science et gastronomie, sous le titre De la science aux fourneaux :




Cette fois, le risque du tome 2 était grand ! Comment l'éviter ? Je décidais alors de construire un livre bien différent de Casseroles et éprouvettes, un livre qui doive tout à son organisation, et où les chroniques publiées dans la revue viendraient tenir leur partie dans une partition d'orchestre construite sans se fonder sur elles a priori.



► Un jeune éditeur, L'oeil Neuf,  avait alors publié un très beau livre, la Sagesse du bibliothécaire, et le succès de ce livre intelligent lui avait fait penser qu'une collection pouvait naître. Quelle belle idée que de rechercher à dégager la sagesse des métiers ! La sagesse du potier, du médecin, de l'archéologue... L'éditeur m'invita à préparer La Sagesse du chimiste.



Et je me suis beaucoup amusé à écrire un tel livre. D'abord, parce que je n'ai en réalité aucune sagesse personnelle, mais, ensuite, parce que la chimie est une science si belle qu'elle méritait une sorte d'ode !
Ce qui est également merveilleux, c'est que, lors de l'écriture de ce livre, j'ai fini par comprendre que la chimie était aujourd'hui partagée -j'espère que cela ne durera pas- entre la science et la technologie. La science : lproduction de connaissance, recherche des mécanismes des phénomènes par la méthode « scientifique ». La technologie : amélioration des techniques par l'utilisation des résultats de la science.
Et puis, ce fut l'occasion de montrer qu'il n'y aura jamais de chimie en cuisine, que l'on ne mettra pas des « produits chimiques » dans les aliments, que nos sociétés souffrent d'une sorte d' « ilchemise », pendant chimique de l'illétrisme.



► D'ailleurs, ces idées, et bien d'autres, furent utiles pour la rédaction du Cours de gastronomie moléculaire N°1 : Science, technologie, technique (culinaires), quelles relations ?  (Editions Quae/Belin) :



Pour ce livre, il fallait faire bien davantage que ce qui avait été fait dans la Sagesse du chimiste. L'idée fut de présenter les quelque 150 inventions que j'avais offertes à mon ami Pierre Gagnaire, chaque mois depuis dix ans, sur son site, et d'expliquer comment, comprenant bien la différence entre science et technologie, on pouvait facilement faire autant d'inventions.
Notre monde bruit de « créativité », d' « innovation », maîtres mots de l'industrie, qui permettent à des gourous auto-proclamés de vendre des recettes, des formations... Je maintiens dans ce livre que tout est question de travail, de soin, et de méthode. Le livre est un manuel de technologie générale, tel que je rêve qu'il soit utilisé dans toutes les écoles d'ingénieurs, dans tous les instituts de technologie.



► Rapidement, est alors paru le Cours de gastronomie moléculaire N°2 : Les précisions culinaires (éditions Quae/Belin).




Je suis bien certain qu'aucun de mes amis ne me fera l'injure de penser que ce livre a été bâclé... parce que, en réalité, il réunit des précisions culinaires (dictons, adages, proverbes, tours de main...) réunis depuis le 16 mars 1980 ! Cela fait plus de 30 ans, donc, que je collectionne ces objets de culture, que je les teste, que je les discute, que j'y pense... Le Cours de gastronomie moléculaire que je donne annuellement à AgroParisTech a été une merveilleuse occasion de mettre de l'ordre dans tout cela, de chercher des méthodes pour explorer ce corpus unique dont je dispose, et que je voulais mettre à la disposition de tous. Pour autant, je ne me suis pas résolu à livrer des fleurs en vrac : j'ai voulu faire un bouquet !


► Le livre sur la cuisine note à note est arrivé après mon cours, à la demande des cuisiniers qui voulaient une sorte de cours, mais le livre est un hybride entre un manifeste et un manuel. Il est lisible par tous, et j'ai pris le plus grand soin à expliquer ce qu'est un composé.
Plus exactement, après une longue introduction très générale, et qui dit l'intérêt de la cuisine note à note, on rentre dans la partie technique, en considérant les divers aspects des plats (consistances, formes, saveurs, odeurs, sensations trigéminales…) . En fin de livre, des recettes




► En 2014, un livre de synthèse, que j'espère simple, pour tous lecteurs. Quand je parle d'un composé, j'explique ce que c'est, et il doit y avoir deux ou trois formules chimiques… expliquées dans les moindres détails. Pour autant des collègues devraient être également intéressés.
Le propos ? Je reprends la cuisine historiquement… en vue d'en tirer des idées qui permettent de faire mieux. Autrement dit, il y a du spéculatif et de l'opératif, comme on dit. Un livre assez volumineux, qui considère, en fin de livre, les évolutions que  furent la cuisine moléculaire, le constructivisme culinaire, et s'achève évidemment sur la cuisine note à note. A la charnière, 14 « commandements », qui sont détaillés, en vue de mieux  cuisiner.