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mercredi 21 décembre 2022

 À propos de Mont d'Or au four, faisons mieux que du médiocre.


Je trouve en ligne des recettes de Mont d'Or au four  : il est simplement conseillé de décoller une sorte de chapeau, d'ajouter de l'ail, du poivre et du vin blanc et de mettre au four à 220 degrés pendant 15 minutes.

Ici, nous allons voir qu'il y a lieu d'améliorer considérablement la chose, et notamment parce que l'ail reste trop cru, mais, aussi, parce que la préparation précédente est bien insuffisante.

Une pointe d'ail cru peut évidemment réveiller une préparation, mais de l'ail cuit contribue à la rendre plus envoûtante,  de sorte qu'il y a lieu de l'utiliser les deux types, cuit et cru. C'est ainsi que, pour la cuisson du Mont d'Or, au lieu de paresseusement mettre un peu d'ail dans le fromage, je propose d'abord de faire revenir de l'ail avec du beurre, du persil, de l'échalote ; après avoir sué les trois ingrédients, on ajoute du vin blanc et l'on couvre afin de favoriser la dissolution des composés sapides dans le vin ; après une dizaines de minutes, on met l'ensemble de la préparation dans le fromage décalotté... et l'on ajoute une pointe d'ail cru, mais, aussi, du poivre (qui ne doit pas cuire, à ce stade), de la noix muscade râpée.

Par expérience, je critique également la cuisson à 220 degrés pendant 15 minutes... parce qu'elle n'est pas  suffisante.

Et, pendant cette cuisson au four, on cuit des pommes de terre (on peut les faire au four, ou à l'anglaise), et l'on prépare des assiettes avec du jambon cru.

Quoi qu'en disent les producteurs, le Mont-d'Or au four, tout seul, est un peu triste, et il y a lieu de bien l'agrémenter avec des tranches de jambon cru très minces, des cornichons, des oignons confits au vinaigre, et l'ensemble doit être servi très chaud, brûlant, sur des assiettes chaudes.

mardi 20 mars 2018

A propos de cuisson au four

Ce matin, j'ai diffusé le compte rendu du séminaire de gastronomie moléculaire de mars 2018, où je fais état des expériences effectuées lors du séminaire d'hier. Nous avons notamment comparé des pâtes sablées enfournées à froid ou à chaud... et n'avons pas vu de différences.

Et là, je reçois cette question :

Je note bien le peu de différences observées, mais en ce qui concerne une pâte chargée ? Type quiche, tarte alsacienne… Pensez-vous qu’un départ à chaud ou à froid puisse influencer la cuisson de la pâte, et donc la bonne tenue de celle-ci ?

 A vrai dire, il est toujours bien difficile de répondre sans faire l'expérience, et les travaux d'hier l'ont encore montré, puisque :
- nous avions prévu que les brioches enfournées à froid développeraient mieux que les mêmes brioches enfournées à chaud... et nous n'avons pas vu de différence
- nous avions prévu que les pâtes sablées (surtout dans les moules à bords très hauts que nous avions utilisés) s'effondreraient, dans un départ à froid... et nous n'avons pas vu de différence.

Ce ce fait, j'imagine que le départ à froid permettrait à la "migaine" de plus détremper la pâte, ce qui augmenterait l'empesage ultérieur de la farine... mais c'est une hypothèse raisonnable à laquelle je ne crois guère. D'ailleurs il faut ajouter que les fours modernes sont merveilleusement rapides. En très peu de minutes, ils atteignent la température de consigne, ce qui gomme toutes les différences.

vendredi 16 février 2018

Pourquoi la cuisson d'un poulet est-elle si longue ?

Oui, pourquoi la cuisson d'un poulet au four est-elle si longue ?
Avec un rôtissage classique, dans un four à 180 ou 200 degrés, la cuisson dure environ une heure. Pourquoi est-ce si long, alors que la température est si élevée ? A cette question, il y a une réponse concise, que nous allons développer.


La réponse concise est la suivante :
- dans un four, les transferts de chaleur se font d'un gaz vers un solide ;
- dans la chair, la chaleur pénètre par conduction ;
- et l'évaporation de l'eau des couches superficielles consomme une énergie considérable, qui ralentit les transferts.


Expliquons maintenant ces trois phénomènes.



Pour le premier, on peut commencer par comparer l'entrée dans un sauna très chaud à l'immersion d'un doigt dans un verre d'eau très chaude. Alors que l'on peut facilement entrer dans un sauna, on expose très difficilement notre corps à un liquide très chaud. En effet, les transferts de chaleurs d'un liquide à un solide sont beaucoup plus efficaces que d'un gaz à un solide. Pourquoi ? Parce que les transferts de chaleur correspondent au fait que les molécules du liquide ou du gaz heurtent les molécules du solide et leur communiquent de l'énergie de mouvement : dans le choc, les molécules heurtées prennent des vitesses analogues à celles des molécules heurtantes, comme on le voit bien quand une bille de billart choque une bille immobile. Or la chaleur c'est cela : du mouvement des molécules : plus un corps est chaud, plus ses molécules sont en mouvement rapide. Une telle phrase n'est pas absolument suffisante, car on sait bien que quand on souffle de l'air contre notre main, on sent plutôt du froid. En effet, la chaleur, c'est plus précisément le mouvement désordonné des molécules, et non pas le  mouvement ordonné des molécules, comme dans un souffle, où elles sont toutes dans la même direction.

Dans un gaz ou dans un liquide chaud, il y a donc cette énergie de mouvement des molécules, qui va se communiquer aux molécules du solide. Toutefois un liquide est bien plus dense qu'un gaz, ce qui signifie qu'il y a beaucoup plus de chocs dans le cas du contact liquide-solide que dans le cas du contact gaz-solide.  De sorte que le transfert de chaleur est bien plus efficace à partir d'un liquide que d'un gaz.


Les transferts de chaleur par conduction, maintenant ? C'est en réalité ce que nous venons d'évoquer : des molécules d'un échantillon de matière heurtent des molécules d'un autre échantillon de matière, et la vitesse de ces dernières augmente. On comprend qu'un tel transfert soit lent, car si la surface est chauffée, les molécules de la surface vont ensuite heurter les molécules plus à l'intérieur de la viande, et les molécules de l'intérieur vont chauffer des molécules plus à l'intérieur encore, toujours par ce mécanisme d'augmentation des vitesses à l'occasion des chocs, jusqu'au coeur de la viande. Cela est lent.

Plus exactement, cela est lent pour les matériaux qui sont mauvais conducteurs de la chaleur, mais rapide pour les matériaux bons conducteurs. Ainsi, quand on met une cuiller en métal dans de l'eau liquide, on se brûle rapidement, alors que l'on peut tenir pendant très longtemps une cuiller en bois. Le métal est bon conducteur, contrairement au bois… et à la viande, qui est majoritairement faite d'eau. Pourquoi ces différences de conductivité thermique selon les matériaux ? Ce serait un peu long à expliquer ici, de sorte que je propose que nous en arrivions au troisième élément que nous devons présenter.


Il s'agit de se focaliser maintenant sur ce que l'on nomme la chaleur latente d’évaporation de l'eau : c'est la quantité de chaleur qui est nécessaire pour transformer de l'eau liquide en eau à l'état gazeux, en vapeur.  Même quand la température de l'eau est de 100 degrés, il faut une énergie considérable pour la faire passer de l'état liquide à l'état gazeux. En effet, le fait que l'eau soit liquide  correspond à l'existence de forces puissantes entre les molécules d'eau. Pour faire passer l'eau à l'état gazeux, il faut apporter une énergie supérieure à l'énergie de ces liaisons, et l'on s'aperçoit facilement que cette énergie est considérable quand on examine une simple casserole d'eau que l'on fait bouillir. Partant d'une température ambiante d'environ 20 degrés, on voit la chaleur du feu augmenter progressivement la température de l’eau, jusqu'à ce que l'on atteigne 100 degés ; mais là, il faut tant d'énergie pour rompre les liaisons entre les molécules d'eau que, tant qu'il y a de l'eau liquide, la température n'augmente plus, et reste à 100 degrés.

On voit donc que cette question de vaincre les forces entre les molécules d'eau liquide est fondamentale, et ce mécanisme se retrouve dans le poulet qui rôtit : l'air chaud qui environne le poulet transfère donc de l'énergie à la chair. La température de cette dernière augmente progressivement jusqu'à atteindre 100 degrés. Mais nous avons dit que  les aliments sont majoritairement faits d'eau, et notamment la viande qui en contient environ 75 pour cent, de sorte que la température dans un poulet sera toujours limitée à 100 degrés tant qu'il y a aura de l'eau dans la chair. Or  le poulet qui cuit comporte deux parties : le centre et la croûte. La croûte, c'est cette partie où toute l'eau de la viande a été évaporée, de sorte que la température a pu dépasser 100 degrés. La croûte est très mince. On le  voit mieux sur un pain, un gâteau ou un soufflé, où après une heure de cuisson, il n'y a qu'un ou deux millimètres de croûte. Si l'on avait mis un thermomètre dans le pain, gâteau ou soufflé, on aurait vu que la température restait partout inférieure à 100 degrés, sauf à atteindre la croûte, où, à l'extérieur de cette dernière la température est celle du four, tandis qu'elle est exactement de 100 degrés pour la couche interne.

Or avec une différence de température de 100 degrés, à l'intérieur de la croûte, et de 20 degrés, au coeur du poulet, le transfert de chaleur est lent. Bref ce mécanisme d'évaporation de l'eau réduit les transferts de chaleur.

Mieux qu'au four ! 

Finalement, avec ces divers phénomènes, on voit que le rôtissage classique n'est pas un procédé très efficace, et l'on comprend pourquoi l'emploi de micro-ondes, qui viennent déposer l'énergie à coeur des aliments, permet des cuissons bien plus rapides. Il manquerait la croûte ? Qu'est-ce qui nous empêche de cuire d'abord par micro-ondes, puis de faire cette croûte, avec un chalumeau, ou une résistance électrique ?

Cela, c'est pour les gens pressés, mais il y a une autre solution pour des cuisiniers pas pressés mais qui veulent faire du très bon : c'est la basse température qui a l'avantage de conserver des chairs très tendres et juteuses. Si l'on place un poulet dans un four ou dans un liquide à 70 degrés environ, les micro-organismes sont tués et les chairs coagulent, cuisent, mais sans se contracter excessivement, de sorte qu'elles conservent leur eau, leur jutosité, et en conséquence la tendreté de la viande.  Le phénomène est le même que pour des œufs que j'avais fautivement nommés « parfaits » quand je les avais  inventés il y a plusieurs décennies, mais ce serait trop long d'expliquer cela, et je renvoie vers des billets.

Avec un poulet cuit à basse température, on a donc une chair très tendre, juteuse, mais là encore, il manque la croûte. Qu'à cela ne tienne : l'emploi pendant quelques dizaines de secondes d'un chalumeau ou d'un pistolet décape peinture permet d'obtenir cette dernière, et c'est ainsi que l'on évitera avec bonheur les volailles sèches que l'on nous a trop souvent infligées à Noël. Avec la compréhension des phénomènes, nous cuisons enfin des volailles merveilleuses !











Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)     

samedi 9 décembre 2017

1. La question :
J'aimerai connaitre votre avis sur l'utilisation du four à micro onde dans la restauration commerciale. Au delà de l'économie d'énergie et de temps que cela peut représenter les avis sur le Net divergent lorsqu'il s'agit d'évoquer les conséquences sur la santé.
En tant que consommateur et parent je me pose la question et mon avis n'est pas arrété. Quels sont selon vous, les documents les plus scientifiquement aboutis sur le sujet ?
Pas de discussions partisanes, pas de préjugés....juste la volonté d'en savoir un peu plus.

Par avance merci de votre aide précieuse 
Bien cordialement





2. La réponse : 

Merci de votre message.
La question des avis qui divergent est passionnante et terrible. N'importe qui se mêle de la question, souvent sans rien savoir ni comprendre. Je me souviens d'un interlocuteur (auteur d'un blog!) qui évoquait, à propos des fours à micro-ondes, le danger des molécules qui auraient "tourné à l'envers", et, dans un autre champ, je me souviens d'un journaliste qui évoquait le danger des acides gras trans... géniques.

Pour ceux qui ne comprennent pas, il faut des explications :
Les molécules sont les constituants des aliments. Prenons l'eau : elle est faite de molécules d'eau. Les molécules sont analogues à des boules de billard qui seraient en mouvement incessant, se heurtant au hasard, se dirigeant dans toutes les directions, et tournant sur elles-mêmes dans n'importe quel sens. Autrement dit, peu importe qu'elles tournent ou pas sur elles-mêmes.
Ce que l'interlocuteur avait voulu dire, sans doute, c'est que les fours à micro-ondes transformeraient les molécules de type "main gauche", en des molécules de type "main droite", et c'est vrai que ce changement a des conséquences biologiques. Par exemple, une des formes du composé nommé menthol a une odeur de menthe, et l'autre pas.
Toutefois, les fours à micro-ondes ont fait l'objet de TRES nombreuses analyses, et il a été montré que leurs effets sont les mêmes que ceux d'un chauffage classique. Mieux encore, comme elles ne chauffent pas plus que la température d'ébullition de l'eau (on peut y arriver, cependant, si on est malin), elles font plutôt quelque chose de moins dangereux qu'un gill ou une poêle... Mais de toute façon, je refuse de m'engager sur ce terrain, parce que c'est celui de la mauvaise foi : nous acceptons avec bonheur de manger des viandes cuites au barbecue, où la quantité de benzopyrène est 2000 fois (oui, je l'écris en toutes lettre : deux mille!!!!) fois plus grande que dans les produits industriels fumés.
Une anecdote : dans notre Groupe de gastronomie moléculaire, nous avons accueilli une personne intelligente, charmante... et qui refusait de faire chauffer l'eau de son thé au four à micro-ondes. Pourquoi ? Dans un tel cas, aucune possibilité de faire des "molécules main droite" à partir de molécules main gauche ou vice versa. Mystère de l'esprit humain...

Pour les acides gras prétendument transgéniques, la confusion se trouvait entre les acide gras trans, et la transgenèse.
Les acides gras sont des molécules faites d'atomes de carbone enchaînés, liés tous à des atomes d'hydrogène, à l'exception d'un atome de carbone à une extrémité de la chaîne, qui, lui, est lié à un atome d'oxygène, et à un atome d'oxygène lié ensuite à un atome d'hydrogène.
Dans les acides gras "saturés", les atomes de carbone sont tous liés par des liaisons chimiques dites simples, mais il existe des acides gras où des atomes de carbone voisins sont liés à moins d'atome d'hydrogène, mais liés "doublement" entre eux ; on dit que l'acide gras est insaturé.
Dans ce cas, les atomes d'hydrogène liés aux deux atomes liés par une double liaison peuvent être d'un même côté (c'est un acide gras insaturé "cis") ou de côtés opposés (c'est un acide gras "trans"). Et il est exact que certains procédés de transformation des huiles (pas chères : on part du tournesol, par exemple) en matières grasses solides (comme le beurre : coûteux) forment des acides gras trans. Et il est vrai que certains acides gras trans sont à éviter... mais pas tous : certains sont essentiels pour notre santé.
Rien à voir avec la transgenèse, qui est une sorte de sélection végétale ou animale accélérée par des travaux sur le génome (l'"ADN") des organismes, afin de modifier le fonctionnement des organismes.

Pour en revenir à la question, ma conclusion est que nous manquons cruellement :
- de formation des citoyens à la chimie, à la physique et à la biologie
- d'un centre d'information sur la sécurité des aliments... mais je vous renvoie à une partie du site de la Fondation "Science & Culture Alimentaire"
- de confiance des citoyens dans l'Etat, malgré des efforts (humains, financiers...) considérables.






Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)