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samedi 1 avril 2023

Pas d'adjectifs, pas d'adverbes

La mauvaise littérature fait un usage déraisonnable des adjectifs et des adverbes, tombant facilement dans le cliché ou la périssologie (la forme fautive du pléonasme) : « le blanc manteau immaculé de la neige », « un terrible drame »… 

L'épithétisme non voulu est redoutable, et les auteurs naïfs ne doivent pas s'étonner que leurs manuscrits soient si facilement refusés : une lecture d'un paragraphe suffit souvent à se faire une idée de la médiocrité des textes médiocres.

 Evidemment, en écrivant ce qui précède, je me surveille : n'ai-je pas écrit « mauvaise », « déraisonnable », « facilement », « redoutable », « naïfs », etc. ?
Oui, je m'en suis amusé, et l'on me connaît assez pour bien comprendre que cet amusement est pure joie de vivre, et non ironie caustique. Il s'agit d'aider mes amis à vivre mieux, et, en l'occurrence, à mieux maîtriser l'usage de la langue. 

Pourquoi cet accès soudain ? Parce que je viens de commencer la lecture critique d'un manuscrit scientifique soumis à une revue de chimie, et que je ne cesse d'écrire dans le rapport : « précis », combien ? « grande sensibilité analytique », combien ? « bien connu », de qui ? « forte proportion », combien ? 

La méthode des sciences de la nature faisant usage de la caractérisation quantitative des phénomènes, puis imposant que les mécanismes proposés pour les phénomènes soient « encadrés » par les lois quantitatives, on comprend que les adjectifs et les adverbes soient des mots difficiles à manier. 

Petit ? Jolitorax venu voir Astérix et Obélix disait que son canot était plus grand que le casque de son neveu mais plus petit que le jardin de son oncle. Et si l'on riait d'une telle déclaration, vu la différence important de taille des trois objets, il y avait le germe d'une saine pratique de la description scientifique. 

Oui, une gouttelette d'huile dans une sauce mayonnaise, avec un diamètre compris entre 0,001 et 0,1 millimètre est « petite » (sous-entendu, par rapport à nous), mais elle est énorme par rapport aux lipoprotéines qui sont dispersées dans le plasma d'un jaune d'oeuf, et, a fortiori, dans la sauce mayonnaise. 

 

Il faut répéter que la description scientifique n'est pas de la littérature, de la poésie ; l'information doit être aussi précise que possible, mais aussi succincte… et c'est la raison pour laquelle notre Groupe de gastronomie moléculaire s'est fait une règle de ne pas utiliser adjectifs et adverbes. 

 

Bien sûr, parfois, ils s'imposent, surtout quand la question est la communication, mais chaque fois que nous rédigeons un rapport, un article…, nous faisons, en fin de travail de rédaction, un balayage pour éliminer ces mots épineux. Et si cette règle que j'ai introduite il y a quelques décennies à mon usage était imposée à tous ? 

Et si elle figurait dans les « conseils aux auteurs » ? Merci de m'aider à penser que ma proposition est insensée.

samedi 15 mai 2021

Toujours remplacer adjectifs et adverbes par la réponse à la question "combien ?"

Au laboratoire, nous avons une sorte de jeux que nous nommons "jogging", et qui  consistent à faire des calculs à propos de phénomènes simples : quelle doit être la taille de la boîte où l'on stocke des meringues pour que celles-ci restent croustillantes ? quelle doit être la longueur d'une fourchette qui permettrait de manger avec le diable ? quelle est l'épaisseur de la croûte d'un soufflé ? combien de gouttes d'huile dans une sauce mayonnaise ?

Et ainsi de suite :  chaque fois, il s'agit d'imaginer un calcul, c'est-à-dire que nos jogging, nos entraînements, sont en réalité des problèmes et non des exercices,  la différence étant qu'un exercice est l'application directe d'une notion du cours, tandis qu'un problème nécessite un peu d'imagination, de créativité, de choix, de débrouillardise...

Et c'est là où il y a une difficulté : beaucoup de nos jeunes amis sont déjà débordés par la simple application des lois qu'ils apprises, et l'expérience prouve que beaucoup ne parviennent pas résoudre les problèmes. Bien sûr, il y a des exceptions, d'une part, et, d'autre part, mon observation n'est pas une dénonciation, mais une analyse pour aller plus loin, pour faire mieux : sic itur ad astra... si l'on ne se complaît pas dans ses propres insuffisances, mais si, au contraire, on les analyse pour les pallier (par du travail bien ciblé).

Bref il y a la nécessité de les aider, et  je propose la méthode suivante : face à une question, on commence par la répéter lentement pour bien la comprendre ; puis on décrit la situation avec des mots, en faisant un schéma ou une expérience.
Par exemple, si l'on considère la question de la boite où l'on conserve les  meringues, on comprend qu'il faille commencer par considérer les meringues  : que sont-elles ? comment les obtient-on ? quelle est leur composition ?

Ayant cette description, par des mots, on arrive généralement sur des adjectifs et des adverbes. Par exemple, pour les meringues :  on chauffe "beaucoup" ou bien "longtemps",  et ainsi de suite.
Et c'est là qu'une des méthodes caractéristiques de la science nous aide,  car cette méthode stipule que tout adjectif, tout adverbe doit être remplacé par la réponse à la question combien ?

Il y a beaucoup de blanc en neige  : combien, quel volume ? On évapore de l'eau : combien ? Et ainsi de suite.

A ce stade, on n'a que l'embarras du choix, pour déterminer une question et l'étudier quantitativement !  Chacun choisit ce qui l'amuse, parce que je répète que nos "joggings" sont des  entraînements.
Pour calculer  l'épaisseur de la croûte d'un soufflé, par exemple, on peut décider de partir de la consommation électrique de four, ou bien de la quantité d'eau évaporée lors de la cuisson d'un soufflé, et ainsi de suite.

Mais reste la règle essentielle des sciences de la nature : toujours remplacer des adjectifs et des adverbes par la réponse à la question "Combien ?".

vendredi 22 février 2019

Quelle différence entre la netteté et la pureté du style ?

Quelle différence entre la netteté et la pureté du style ?

Il y a des questions comme des torchons rouges :  quand une matière nous intéresse, alors nous ne pouvons nous empêcher d'aller y voir de plus près. Et il est vrai que la question du style me passionne, car le style, la langue, c'est la pensée, et celle-ci doit être affûté pour que la science soit belle.
Quelle est la différence entre la pureté et la netteté du style ? Le risque, c'est de se hâter d'aller chercher la définition des mots "net" et "pur" dans un dictionnaire, puis de se lancer dans discussion un peu naïve, qui s'apparenterait quand même à compter les anges sur la tête d'une épingle, tant il y a de parenté entre les deux mots, et tant nous risquons d'y mettre nos idées personnelles.
Mais nous devons nous retenir. Je rappelle ici cette expérience que je fais souvent, qui consiste à tendre un stylo à quelqu'un qu'on ne connaît pas... et l'on voit immédiatement la personne prendre l'objet. Pourquoi ? Sans doute pour des raisons biologiques profondes, mais c'est la preuve que lui-même n'a pas dépassé l'animal.







Revenons donc à notre question : la première chose que je conclus, c'est que je ne dois pas y répondre. Pour autant la question est passionnante mais à condition que je sois conduit à faire quelque chose où je suis légitime. Et cela me ramène à la question du style en sciences. J'ai déjà évoqué dans un billet cette question intéressante, qui se rapproche de l'observation de Buffon selon lequel le style c'est l'homme. Oui il y a des styles différents science et l'on voit tout aussi bien du romantisme que du baroque, ce qui conduit à s'interroger évidemment sur la stratégie scientifique et ses relations avec le style. Stratégie  : je renvoie à mon texte publié par  la Société irlandaise de chimie, où j'expose 12 idées stratégique en sciences.

Mais je reviens maintenant à la question de la netteté et de la pureté, et je fais une relation avec mes discussions sur le style baroque, à propos duquel je me demandais comme il  pouvait y avoir une beauté, alors qu'on était dans l'accumulation. Oui, de la beauté  ; oui, de l'élégance... Et pour en revenir à la recherche scientifique, il y a effectivement des expériences plus limpides que d'autres, plus coulantes, plus fluides. Il y a effectivement ce travail qui s'apparente à dégager l'or de sa gangue : chercher des expérimentations, des calculs très évidents, très clairs, très purs, très nets. Il y a un immense plaisir à se livrer à cette belle science là. On dit que Gauss, le prince des mathématiciens, ne publiait ses résultats que lorsqu'il avait trouvé une démonstration parfaitement claire, parfaitement simple, parfaitement nette, parfaitement pure. Je ne sais si c'est vrai, mais je suis bien certain qu'il y a de la beauté dans certains travaux scientifiques, de l'élégance, de la pureté, de la netteté, et je vois là dans ces qualités des objectifs que nous pourrons chercher à atteindre.

Et je veux conclure avec cette observation, faite déjà souvent, qui consiste à signaler que, dans notre groupe de recherche, nous remplaçons tout adjectif ou tout adverbe par la réponse à la question "combien ?". Net ? Combien ? Pur ? Combien ?

samedi 16 décembre 2017

Ni adjectifs ni adverbes


La mauvaise littérature fait un usage déraisonnable des adjectifs et des adverbes, tombant facilement dans le cliché ou la périssologie (la forme fautive du pléonasme) : « le blanc manteau immaculé de la neige », « un terrible drame »…
L'épithétisme non voulu est redoutable, et les auteurs naïfs ne doivent pas s'étonner  que leurs manuscrits soient si facilement refusés : une lecture d'un paragraphe suffit souvent à se faire une idée de la médiocrité des textes médiocres.

Evidemment, en écrivant ce qui précède, je me surveille : n'ai-je pas écrit « mauvaise », « déraisonnable », « facilement », « redoutable », « naïfs », etc. ?
Oui, je m'en suis amusé, et l'on me connaît assez pour bien comprendre que cet amusement est pure  joie de vivre, et non ironie caustique. Il s'agit d'aider mes amis à vivre mieux, et, en l'occurrence, à mieux maîtriser l'usage de la langue. Pourquoi cet accès soudain ? Parce que je viens de commencer la lecture critique d'un manuscrit scientifique soumis à une revue de chimie, et que je ne cesse d'écrire dans le rapport : « précis », combien ? « grande sensibilité analytique », combien ? « bien connu », de qui ? « forte proportion », combien ?

La méthode des sciences de la nature faisant usage de la caractérisation quantitative des phénomènes, puis imposant que les mécanismes  proposés pour les phénomènes soient « encadrés » par les lois quantitatives, on comprend que les adjectifs et les adverbes soient des mots difficiles à manier. Petit ? Jolitorax venu voir Astérix et Obélix disait que son canot était plus grand que le casque de son neveu mais plus petit que le jardin de son oncle. Et si l'on riait d'une telle déclaration, vu la différence important de taille  des trois objets, il y avait le germe d'une saine pratique de la description scientifique. Oui, une gouttelette d'huile dans une sauce mayonnaise, avec un diamètre compris entre 0,001 et 0,1 millimètre est « petite » (sous-entendu, par rapport à nous), mais elle est énorme par rapport aux lipoprotéines qui sont dispersées dans le plasma d'un jaune d'oeuf, et, a fortiori, dans la sauce mayonnaise.
Il faut répéter que la description scientifique n'est pas de la littérature, de la poésie ; l'information doit être aussi précise que possible, mais aussi succincte… et c'est la raison pour laquelle notre Groupe de gastronomie moléculaire s'est fait une règle de ne pas utiliser adjectifs et adverbes.
Bien sûr, parfois, ils s'imposent, surtout quand la question est la communication, mais chaque fois que nous rédigeons un rapport, un article…, nous faisons, en fin de travail de rédaction, un balayage pour éliminer ces mots épineux.

Et si cette règle que j'ai introduite il y a quelques décennies à mon usage était imposée à tous ? Et si elle figurait dans les « conseils aux auteurs » ?
Merci de m'aider à penser que ma proposition est insensée.




















Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

mardi 29 août 2017

Ni adjectif ni adverbe ? Une merveilleuse possibilité


Hier, j'ai posté un billet de blog où je dis qu'il ne faut ni adjectif, ni adverbe dans nos textes scientifiques, parce que ce sont des mots imprécis, voire sans sens, qu'il faut remplacer par la réponse à la question « Combien ? ».

Voir http://hervethis.blogspot.fr/2017/08/ni-adjectif-ni-adverbe-une-merveilleuse.html

Il y a eu des lecteurs intéressés, mais quelques uns ont contesté cette idée, disant que les adjectifs et les adverbes font partie de la langue française, par exemple. Pourtant, aucun n'a discuté vraiment la question dans le contexte des études scientifiques, et aucun n'a donné d'argument contre ma thèse. Je la maintiens donc absolument, et, rapporteur de manuscrits scientifiques, je m'évertuerai sans cesse à lutter contre ces scories de la pensée scientifique.


Pour autant, ce qui était une espèce de censure peut devenir un atout, et, au lieu d'interdire les adjectifs et les adverbes, je propose une voie bien plus brillante, plus positive, plus prometteuse même en termes de production scientifique : chaque fois que nous remplaçons un adjectif ou un adverbe, nous affinons la compréhension des phénomènes. 
Chaque adjectif ou chaque adverbe est donc la possibilité d'améliorer le travail que l'on fait. Pour quiconque a une idée de la science un peu élevée (et seuls ceux-là m'intéressent), alors les adjectifs et les adverbes sont merveilleux, parce que ce sont des proies faciles, des possibilités rapides d'amélioration de nos travaux. 

Autrement dit, j'aime beaucoup les adjectifs et les adverbes parce qu'ils me permettent à bon compte de produire de la meilleure science.

lundi 28 août 2017

Une bonne pratique : éviter les adjectifs et les adverbes.


Parmi les bonnes pratiques il y en a de compliquées et il y en a de simples. L'une des plus simples tient dans cette phrase : se méfier des adjectifs et des adverbes, voire les éradiquer. On se prépare à dire "de nombreuses l'étude", et l'on s'arrête : combien ? On se prépare à dire "important"  : important ? On se prépare à dire "grand", "petit", etc., et cela vaut la peine de s'arrêter : grand par rapport à quoi, petit par rapport à quoi ?
La science, ce n'est pas du baratin, ce n'est pas de la "communication", au sens le plus bas. Il s'agit, pour commencer, d'avoir une caractérisation quantitative des phénomènes que l'on étudie. Ce que ne donnent pas les adjectifs, et encore moins les adverbes. "Important", c'est nul, mais "très important" !

Je propose comme une bonne pratique d'expurger de nos articles tous les mots qui ne sont que des chevilles, à commencer par les adjectifs et les adverbes. J'invite tous les auteurs de manuscrits scientifiques à éradiquer adjectifs et adverbes, tous les rapporteurs à pourchasser ces derniers.
Plus généralement, ce sont les imprécisions qui sont à bannir. Par exemple, cette expression minable "De tout temps l'homme..." : de tout temps, vraiment ? même quand l'espèce humain n'existait pas ? on voit que, là encore, on parle pour ne rien dire, puisque l'on n'apporte aucune information avec cette expression. Et puis, les généralisations sont... généralement bien dangereuses, et le grand (;-)) Michael Faraday le disait bien, parmi ses six conseils : ne pas généraliser hâtivement.

Positivement, n'oublions pas que la science commence par des caractérisations quantitatives des phénomènes qu'elle explore !