Affichage des articles dont le libellé est Shitao. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Shitao. Afficher tous les articles

samedi 25 avril 2015

Je ne veux pas être responsable de la poussière du monde

Ah, la poussière du monde ! Cette idée m'avait été donnée par le moine Citrouille Amère, Shitao, un peintre chinois qui produisit un remarquable traité de peinture, intitulé L'Unique Trait de Pinceau. Je ne comprends pas bien pourquoi, mais les cultures chinoise ou japonaise m'ont longtemps ébloui (et j'utilise le terme à  bon escient), au point que j'ai "gobé" bien des idées que je récuse aujourd'hui. La question de l'unique trait de pinceau, par exemple, me semble aussi fausse que la critique des "cuisines d'assemblage" par les cuisiniers français classiques. Pour le cas de la cuisine, il s'agirait de produire le plat d'un coup, et de ne pas superposer des éléments cuits séparément. Par exemple, pour une tarte au citron meringuée, il faudrait cuire en une fois la pâte, avec sa garniture, et sa meringue... ce qui est sans doute impossible théoriquement si l'on veut une pâte bien croustillante, une garniture bien moelleuse et une meringue parfaite ; celui qui superposerait pâte cuite à part, garniture cuite à part et meringue cuite à part serait sanctionné, lors des épreuves des Meilleurs Ouvriers de France. De même, selon Shitao, il faudrait peindre d'un trait, sans reprise, sans rature, parce qu'il serait impossible de corriger un trait erronné, ce qui imposerait une longue méditation avant de tracer les traits. Mais, là encore, en vertu de quelle loi ne pourrait-on pas corriger ? 

C'est ce même Shitao, donc, qui introduit cette idée de "poussière du monde" qu'il faut combattre afin d'être capable de produire une oeuvre d'art. D'où la méditation, notamment. Il faudrait se vider l'esprit pour que seul l'unique trait de pinceau puisse advenir correctement. Longtemps, j'ai propagé l'idée de la poussière du monde, en y voyant les imbécillités que le monde ne cesse de sécréter, les platitudes, les lieux communs, les clichés, les conversations insignifiantes faites pour "meubler", pour créer le lien social sans autre support que cette volonté implicite de socialité. Mais il ne suffit pas d'énoncer un mot pour faire exister un concept : carré rond, père Noël... Ete la poussière du  monde  existe-t-elle vraiment ? Je crois finalement que c'est nous qui la sécrétons, et pas le monde ! C'est nous qui  admettons des discussions insignifiantes, qui y participons. C'est nous qui, souvent par timidité, acceptons cet avatar du Guide de la conversation et des bonnes manières, qui permettait, lors des dîners bourgeois, de ne parler ni de religion, ni d'armée, ni de politique. C'est nous qui nous vautrons dans le dernier film ou roman à la mode, fut-il écrit par un petit marquis dont la prétention n'est égale qu'à l'incapacité à écrire des phrases correctement agencées (sans parler de rhétorique, bien sûr, dont ils ignorent tout). C'est nous, donc, qui sommes responsables de la poussière du monde, et non le monde qui voudrait nous empoussiérer. 

Dans la mythologie alsacienne, partie ensuite en Allemagne, puis dans les pays du nord de l'Europe, il y a ce concept du Ragnarok, ce moment où les Géants viendront combattre les dieux, raison pour laquelle ces derniers recrutent des guerriers qui occupent le Valhalla. Les Géants  ? Dans une certaine acception de la mythologie, ils seraient l'équivalent de cette poussière du monde engendrée par le monde... mais on se souvient que je propose plutôt que nous soyons les créateurs de la poussière. De même, les Géants sont dans les dieux, et pas des entités menaçantes extérieures. Nous portons en nous  la responsabilité de faire exister le monde, avec ses Géants, sa poussière. Une fois que l'idée est claire, il devient plus facile d'éviter poussière et Ragnarok, fin du monde. 


samedi 4 octobre 2014

Ne prenons pas les examinateurs pour des idiots


Le « pari de Pascal »  (Pensées, 1670) est célèbre : « Vous avez deux choses à perdre : le vrai et le bien, et deux choses à engager : votre raison et votre volonté, votre connaissance et votre béatitude ; et votre nature a deux choses à fuir : l'erreur et la misère. Votre raison n'est pas plus blessée, en choisissant l'un que l'autre, puisqu'il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est, sans hésiter. »

Ne pourrions-nous proposer, de même, de faire le pari de la bienveillance, de l'intelligence et de la culture, sans prétention ? D'une part, il y a les malfaisants, les jaloux, les méchants, les malhonnêtes, les paresseux, les autoritaires…  qui nous nuiront quoi que nous fassions. D'autre part,  il y les bienveillants et ceux qui n'ont pas d'idée a priori de nos travaux. Si nous mettons de l'intelligence dans nos productions, les individus de cette seconde catégorie, les seuls à qui il soit digne de s'adresser, nous seront redevables  des pétillements que nous aurons glissés dans notre version des faits.
Là, il faut que je demande pardon à mes amis, et que je rectifie une erreur que j'ai faite dans un de mes livres et quelques articles : ébloui par le moine Shitao, ce théoricien chinois de la peinture et de la calligraphie, je l'avais suivi quand il évoquait la « poussière du monde »


La poussière du monde ? Ce sont les modes, les « chiens écrasés », les potins, les agissements des grenouilles qui veulent se faire plus grosses que le  bœuf (ceux qui prétendent diriger, alors qu'il n'est pas certain qu'ils se dirigent eux-mêmes : je pense aux « dirigeants » dont les enfants  sont délinquants, ou s'entretuent pour des histoires de mœurs  sordides, sans compter ceux qui affichent  impudiquement leur vie publique… minable). Bref, il y aurait la « poussière du monde ».
Toutefois, dire un mot ne fait pas exister l'objet « matériellement » ! Le manteau  du père Noël n'est ni rouge ni bleu… puisque le père Noël, n'existant pas, n'a pas de manteau. La poussière du monde ? L'idée est fascinante, mais si nous nous efforçons de mettre de l'intelligence dans nos actes, pensées, discours, rien n'est anodin, rien n'est poussière.
Et  c'est ainsi que nos productions seront plus belles, adressées à des « amis ».

dimanche 28 mars 2010

La peau des pommes de terre

La semaine dernière, une radio française conseillait de ne pas jeter la peau des pommes de terre, parce qu'elle est "pleine de fibres, et, de ce fait, qu'elle aurait été "bonne pour la santé".



On a déjà vu, dans ce blog, combien il faut se méfier du "bon pour la santé", mais, ici, l'ignorance dépasse les bornes, et il faut plutôt se demander si l'on ne devrait pas faire à la radio en question un procès pour empoisonnement... car les peaux de pomme de terre, si elles contiennent des fibres, contiennent aussi des glycoalcaloïdes, dont la solanine, qui sont largement toxiques.



Un tour sur Internet montre en réalité pire que l'ignorance de la radio : quand on cherche "peau des pommes de terres", on arrive sur des sites qui recommandent de manger les légumes crus, ignorant que les lectines des haricots blancs sont hématoagglutinantes et que des haricots verts crus sont à l'origine d'accidents (bien répertoriés par le pharmacien Jean Bruneton, dans un des ses livres ; voir par exemple http://www.inra.fr/fondation_science_culture_alimentaire/les_travaux_de_la_fondation_science_culture_alimentaire/les_divisions/division_hygiene_securite_reglementation/quelles_plantes_sont_elles_comestibles_quelles_parties_de_plantes_sont_elles_comestibles)


Prenons un peu de hauteur, par rapport à ce que le peintre chinois Shitao nommait "la poussière du monde" : on a dit, notamment dans les milieux pédagogiques, que Wikipédia était plein de bêtises, mais la radio? mais la télévision? mais les journaux? Je préfère mettre en valeur des sites où les informations sont justes, et je ne saurais trop vous recommander le "compendium des plantes toxiques" établi par l'Agence européenne de sécurité des aliments.

Et si l'Education nationale se donnait pour mission de distribuer une information fiable, vérifiée? Montrons l'exemple, en donnant des références :
Safety assessment of botanicals and botanical preparations intended for use as ingredients in food supplements, Guidance document of the Scientific Committee, Question No EFSA-Q-2005-233)
Potato Glycoalkaloids and Metabolites: Roles in the Plant and in the Diet, Mendel Friedman, J. Agric. Food Chem., 2006, 54 (23), 8655-8681 • DOI: 10.1021/jf061471t

Vive la gourmandise éclairée!

La peau des pommes de terre

La semaine passée, une radio française conseillait de ne pas jeter la peau des pommes de terre, parce qu'elle est pleine de fibres, et, de ce fait, qu'elle aurait été "bonne pour la santé".

On a déjà vu, dans ce blog, combien il faut se méfier du "bon pour la santé", mais, ici, l'ignorance dépasse les bornes, et il faut plutôt se demander si l'on ne devrait pas faire un procès à la radio en question... car les peaux de pomme de terre, si elles contiennent des fibres, contiennent aussi des glycoalcaloïdes, dont la solanine, qui sont largement toxiques.

Un tour sur Internet montre en réalité pire que l'ignorance de la radio : quand on cherche "peau des pommes de terres", on arrive sur des sites qui recommandent de manger les légumes crus, ignorant que les lectines des haricots blancs sont hématoagglutinantes et que des haricots verts crus sont à l'origine d'accidents (bien répertoriés par le pharmacien Jean Bruneton, dans un des ses livres ; voir par exemple http://www.inra.fr/fondation_science_culture_alimentaire/les_travaux_de_la_fondation_science_culture_alimentaire/les_divisions/division_hygiene_securite_reglementation/quelles_plantes_sont_elles_comestibles_quelles_parties_de_plantes_sont_elles_comestibles)


Prenons un peu de hauteur, par rapport à ce que le peintre chinois Shitao nommait "la poussière du monde" : on a dit, notamment dans les milieux pédagogiques, que Wikipédia était plein de bêtises, mais la radio? mais la télévision? mais les journaux? Je préfère mettre en valeur des sites où les informations sont justes, et je ne saurais trop vous recommander le "compendium des plantes toxiques" établi par l'Agence européenne de sécurité des aliments.
Et si l'Education nationale se donnait pour mission de distribuer une information fiable, vérifiée? Montrons l'exemple, en donnant des références :
Safety assessment of botanicals and botanical preparations intended for use as ingredients in food supplements, Guidance document of the Scientific Committee, Question No EFSA-Q-2005-233)
Potato Glycoalkaloids and Metabolites: Roles in the Plant and in the Diet, Mendel Friedman, J. Agric. Food Chem., 2006, 54 (23), 8655-8681 • DOI: 10.1021/jf061471t

Vive la gourmandise éclairée!