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samedi 17 décembre 2022

L'étendue de notre ignorance est incommensurable, mais le goût de l'étude est notre salut

 

Je me souviens que, quand je suis arrivé à la revue Pour la science, je savais déjà des choses assez fondamentales (par exemple, je n'avais pas de difficulté à discuter la question de "dérivées non entières", je connaissais l'existence du wronskien, les théorèmes de Stokes ou Ostrogradsky, les règles de sélection, etc.)... mais l'étendue de mes ignorances était considérable.

Par exemple, la géométrie ayant largement disparu de mes cours de mathématiques (puisque c'était l'époque des mathématiques modernes), mes lacunes en matière de construction à la règle au compas étaient complètes ; je ne connaissais pas les verres de spin ; j'avais un très faible connaissance des complexes en chimie, et ainsi de suite.

Malgré la lecture assidue de revues de vulgarisation, malgré des intérêts extrascolaires, je vois rétrospectivement mes connaissances d'étudiant comme une sorte de spectre de raies entre lesquelles il y avait donc du vide.
Et les lectures ont progressivement comblé des lacunes terribles.

Tout cela pour observer qu'il y a des "bases", et des connaissances qui viennent se poser dessus. Mais quelles bases avons-nous intérêt à avoir ?

Certainement :  lire, écrire et compter... mais, plus fondamentalement, il faut avoir le goût de l'étude, qui fera l'essentiel du chemin.
Oui,  pour ne pas mettre la charrue avant les bœufs, les professeurs doivent moins se préoccuper  des matières dont ils ont la responsabilité (je ne dis pas "charge", parce que c'est un privilège) que de transmettre l'envie d'aller chercher ces matières.

Cela se passe par le fait de montrer à nos jeunes amis que l'étude est quelque chose de passionnant et qu'il y a lieu d'être en confiance, de ne pas penser que cela soit difficile.

Autrement dit, quel que soit le domaine, mathématiques, physique, chimie, et cetera, il faut montrer les beautés, d'abord ; montrer combien tout cela est amusant, excitant,combien les outils intellectuels qui ont été forgés par nos prédécesseurs sont puissants.

vendredi 16 juillet 2021

Une réponse politique : l'étude



Nous discutions hier du remplacement d'un ouvrier par une machine,  dans une usine de pâtisserie : est-ce "bien" ? est-ce "mal" ? quelle décision prendre ?

D'une part, cette question était sur un exemple, mais elle était générale : n'oublions pas les Canuts, par exemple.
D'autre part, je  me sais parfois politiquement incorrect, mais je ne crois pas que nous devions éviter des graves questions, surtout quand nous les discutons entre amis de bonne volonté.

Bref, faut-il ou non remplacer un être humain par une machine sous prétexte que le geste qu'il effectue répétitivement lui abîme le dos,  en plus du fait qu'il est sans intérêt ?

À cette question, un de mes amis a proposé de faire le remplacement,  ce à quoi  je lui ai fait observer que la personne remplacée serait au chômage.
Et mon ami de m'argumente alors qu'il suffirait de le mettre au poste d'une autre personne qui partirait en retraite.
On voit d'une part que c'était "botter en touche", parce que, d'une part, il n'y avait peut-être pas cette possibilité, dans une petite entreprise, et, d'autre part, c'était omettre que ma question était bien plus générale, et qu'elle invitait à considérer le remplacement général de personnel non qualifié par des machines.

Je suis bien conscient que ma propre réponse n'est pas pas locale, mais globale, à savoir que je propose surtout plus d'instruction.
Bien sûr, c'est une réponse un peu facile, mais, surtout, il n'est pas certain que tous souhaitent plus de formation, qu'ils souhaitent vraiment plus étudier. Je peux témoigner du cas, dans une société où j'ai travaillé, où des secrétaires n'ont pas voulu de formation qu'on leur proposait.

Au fond, la vraie question est celle de l'étude. Et là, le corollaire, c'est de se demander comment attirer vers l'étude des individus qui auront plutôt tendance à aller au bistrot ou dans les stades de foot (panem et circenses).
La réponse me semble être qu'il est de notre devoir
1. de rendre les matières théoriques aussi attrayantes que possible,
2.  de bien les expliquer simplement
3. l faudra aussi se focaliser sur l'utilité de ces matières.

Au total, il y aura lieu certainement de ne pas faire apparaître l'abstraction (la théorie qui fera précisément l'humain difficilement remplaçable) comme quelque chose de difficile.
Je me souviens très bien de ces cours privés de mathématiques où la difficulté, pour mes jeunes élèves, était d'admettre qu'une lettre, x par exemple, puisse représenter n'importe quelle valeur. C'est évidemment cette généralisation qui fait la puissance du formalisme, et c'est simultanément l'abstraction qui rebute certains.

Il faut nous efforcer de faire passer cela, par l'exemple, par les exemples si un seul ne suffit pas.
Oui, nous devons d'abord dire des choses simples, nous devons mettre nos amis en confiance, et nous devons montrer qu'il y a un intérêt quasi immédiat à ces généralisations et à ces théorisations.
Il faut aussi montrer cette petite étincelle intellectuelle qui fait que certains d'entre nous, qui ont bien capté la beauté des matières abstraites, se lancent sans hésiter dans ces études théoriques qui leur seront ensuite profitables.

Mais je me propose de revenir un autre jour sur cette question de la "théorie".

dimanche 6 décembre 2020

Pour aider nos amis à étudier, nous devons faire du spectacle !

 
Plus j'y pense, plus je trouve que les parcs d'attractions prennent les visiteurs pour des imbéciles, tout comme les fast food que l'on y trouve, d'ailleurs. Je dis cela, parce que deux jeunes amis de notre laboratoire, venus de l'étranger pour apprendre avec nous, m'ont annoncé vouloir passer le week-end dans un parc d'attraction près de Paris. Ces deux jeunes amis ne sont pas les meilleurs de notre groupe, pas ceux qui sont le plus "capables", pas ceux qui se donnent le plus les moyens d'arriver à mener à bien nos travaux : le sutor non supra crepidam aurait-il un fond de vérité ? 


Dans un tel cas, je me contente d'interroger, comme Socrate l'aurait fait : quel est l'objectif ? pourquoi aller là plutôt qu'ailleurs ? cette visite les rendra-t-elle demain plus intelligent qu'aujourd'hui ?  Et, évidemment, ces amis ont été gênés, d'autant que je leur avait parlé du Palais de la découverte, du Louvre, du Musée du Quai Branly... et qu'il savaient bien, au fond, que ce temps serait mal consacré. Au fond, les bandes dessinées pour enfants sont... pour les enfants, non ? Et, surtout, cette visite était une "occupation" : désoeuvrés, nos amis prévoyaient de meubler un temps en groupe, cédant à la socialité de l'espèce animale qui est la nôtre plutôt que de chercher comment s'élever l'esprit. 


Bien sûr, j'ai eu l'impression d'être un vieux rabat-joie, lors de cette discussion, mais quand même : les activités proposées sont de celles que les empereurs romains proposaient au peuple pour avoir la paix : panem et circenses, du pain et des jeux. A l'époque, les gladiateurs s'entretuaient en public, de sorte... qu'il y a eu un progrès, mais, quand même, une certaine industrie des loisirs est prête à n'importe quelle bassesse pour profiter de la faiblesse des plus faibles d'entre nous... et elle y réussit, hélas. 


Je sais bien que, comme le disait Jean de La Fontaine, que "Si Peau d'âne m'était conté, j'y prendrais un plaisir extrême" , mais quelle est notre objectif ? Avons-nous tant de temps que cela devant nous pour ne pas chercher à profiter de la moindre seconde pour nous élever l'esprit ? 


Dans la discussion que j'ai eue avec mes amis, il y a eu cette expression terrible : "nous allons nous vider la tête". Quoi, se vider la tête alors qu'il y a lieu de la remplir ? Quel réelle nécessité ? Car mes amis sont dans un environnement merveilleux, pas à la mine ! Et leurs "soucis" sont en réalité inexistants : ces enfants gâtés ont de quoi se nourrir, se loger, étudier... En vérité, ils n'aiment pas véritablement l'étude. Et c'est pourquoi ils la quittent pour ces parcs d'attraction faits pour capter ceux qui, précisément, n'aiment pas assez l'étude pour s'y consacrer. 


Il n'y a peut-être rien à faire contre cela, et se lamenter n'est pas utile. Mieux vaut des propositions positives pour arriver à améliorer le monde dans lequel ces jeunes amis vivront demain. La question fondamentale, c'est donc de conduire nos amis à plus aimer l'étude qu'il ne l'aiment.  Comment faire ? Certainement nous devons "lutter à armes égales" avec les parcs d'attractions, et nous rendre compte que, face à du mouvement, des péripéties, des regroupements humains, nous ne proposons que de l'isolement, du calme, de la monotonie, en quelque sorte.
En conséquence, je vois qu'il y a lieu  de  mettre en évidence bien  mieux que nous ne faisons les beautés extraordinaire des travaux scientifiques, par exemple, mais pas seulement eux, car certains cours d'historiens, de géographes, d'économistes, etc. sont tout à fait merveilleux. Mettre en évidence... Se contenter de montrer la beauté intellectuelle des matières proposées ne suffit pas : il y a lieu de faire du spectacle en quelques sorte ;  faut faire aussi bien que les parcs d'attraction... mais avec le but d'aider nos amis, pas de les abrutir pour capter leur argent.

samedi 25 juillet 2020

Une réponse que je fais à des étudiants

1. Des étudiants avaient analysé le fonctionnement de leur institution de formation, leurs relations avec leurs professeurs, et ils avaient émis un document que j'ai largement analysé dans des billets précédents.
Surtout, je leur avais écrit pour leur dire combien je jugeais leur démarche utile, à poursuivre, et ils s'étaient étonnés que je leur réponde.

J'ai donc répondu à leur réponse :


Chers collègues
Vous ne vous attendiez pas avoir un retour personnel de la part d'un professeur ? Il est vrai que c'est un peu par hasard que vous l'avez, puisque, en réalité,  j'avais vu traîner une copie imprimée de votre document initial, et c'est par une espèce de curiosité mal placée que j'ai vu que vous évoquiez des questions qui me passionnent depuis des années.

Le débat terminologique qui consiste à savoir s'il faut parler d'étudiants, ou de collègues (jeunes, moins jeunes, etc.), ou même d'amis va bien au-delà du clin d'œil, car je suis resté en réalité un étudiant, qui étudie exactement comme je le faisais à l'ESPCI, avec la même fougue, la même passion, la même curiosité, la même naïveté, le même enthousiasme, et la même envie de partager  avec mes amis ce que je découvre... tout comme je l'étais alors (et je me souviens que le corps professoral me trouvait "remuant", dirions-nous par litote).

Mais, surtout, je me suis toujours indigné des mauvais professeurs... Pas seulement ceux qui nous négligeaient, qui considéraient leur mission comme une "charge", mais aussi ceux qui étaient "techniquement" incapables,  ceux qui ne maîtrisaient pas leurs sujets... Ce sont ceux-là qu'il faut empêcher de nuire.

Mais soyons positifs, car s'il y a de mauvais professeurs, il y en a aussi de bons. Que faisons-nous pour les uns et pour les autres ? Comment nous adaptons-nous à des situations notoires ?  Que fait l'institution  pour ne pas punir les élèves en leur infligeant du médiocre... tout en considérant qu'il y a aussi des élèves qui posent des problèmes ?

Là encore, je propose de sortir de la discussion par le haut, en ne restant pas braqués sur des situations particulières, trop nombreuses pour mériter un traitement général, mais en inventant des formes d'études nouvelles.
C'est ce que j'ai fait  à l'Institut des hautes études de la gastronomie, où les auditeurs (qui payent) évaluent les professeurs ; et pour ne pas mettre de bons intellectuels/mauvais communiquants en situation d'échec, nous innovons dans les formes, avec des visites de Rungis, des promenades dans les vignobles, avec des diners historiques, etc. R
ien de pire que ce format où un professeur isolé est en face d'un groupe d'étudiants, rien de plus clivant : oui, il faut changer cette "lutte des classes.

A minima, il y aurait lieu d'avoir des discussions pour rénover sans cesse les formats d'étude. D'ailleurs, comment supporter que  les  formats d'études ne changent pas ? Le système des études supérieurs aurait-il le privilège d'être le seul qui puisse se fossiliser en toute impunité ?
Et puis, plus positivement, j'ai assez dit que pour le professeur comme pour le cuisinier, l'activité a trois composantes  au moins : technique, artistique, sociale...  mais je vous renvoie, pour ne pas allonger la discussion sur ce point, à mon livre intitulé La cuisine, c'est de l'amour de l'art de la technique.

Bref, vous comprenez que j'avais  un intérêt véritable à vous lire et à vous commenter,  d'autant que vous répondiez à des questions que j'avais posées il y a des années, notamment lors d'un "Débat de l'Agro"...  et je trouve anormal que l'institution n'ait pas répondu à nos remarques d'alors.
J'espère qu'elle saura maintenant répondre... mais j'ai des craintes, car certains de mes collègues plus âgés à qui je m'ouvrais de vos observations ont rétorqué en substance que les élèves font périodiquement ce genre d'observations ; alors...

Oui, mais qu'est-ce qui a été fait pour leur répondre ?   De mon côté, j'ai proposé que l'on mette les individus en face de leurs responsabilités : si les étudiants sont capables d'avoir de l'autonomie, donnons-en leur ! Explorons des formats d'études  nouveaux, explorons l'outil numérique,  multiplions les podcasts si c'est un format qui plaît mieux que les amphis,  et ainsi de suite.
Ne supportons jamais de répéter le même cours deux années de suite, car ce serait la démonstration d'une paresse, d'une incapacité, d'une immobilité coupable ;  cherchons à améliorer sans cesse, non pas tous les dix ans, mais tous les jours !

En suivant votre réponse, maintenant : pour ce que pour ce qui concerne votre document, rassurez-vous  (;-)) :  oui, il en ressort bien que vous critiquez certains professeurs ou, du moins, certains "enseignements" (terme que je récuse, voir les billets à ce propo)s. Et cela ne me choque pas,  car quand la critique est constructive, positive, elle permet l'amélioration.
Ce qui m'inquiète, c'est que vos observations tombent début juillet, et que je pressens des départs vers les plages qui feront retomber le soufflé ! Aurez-vous donné un coup dans l'eau ?

Un détail maintenant :  mon expression "suppression des cours obligatoire" était  fautive  : je voulais dire plutôt "suppression de l'obligation d'assister aux cours" (à l'ESPCI, cette suppression a eu lieu en 1977 !).

Puis, il me semble en lisant votre réponse, mais aussi votre document initial, que la première année d'études après un concours pose une vraie difficulté. Je sais que l'on dit (on le dit, mais faut-il le croire) se remettre lentement de la préparation des concours,  tout comme les jeunes médecins admis après le concours de première année, par exemple.
Mais raison de plus pour y mettre le meilleur du meilleur, en termes d'études ! 

Cela dit, très  honnêtement, je travaille aujourd'hui bien plus que quand j'étais en classe préparatoire, de sorte que le fameux prétexte du relâchement après le concours me fait un peu sourire ! Mais qu'importe : oui, il faut donner un peu d'air (ouvrons la fenêtre vers des sujets passionnants), favorisons la socialisation... sans pour autant tomber dans les beuveries hélas trop courantes parmi les petits esprits.

Surtout pouvons-nous imaginer qu'une année sur trois soit perdue ? Je vous dis cela alors que j'ai été un élève bien dissipé de l'ESPCI, et que, passionné par la chimie depuis l'âge de six ans, je n'ai pas su faire tout mon miel de l'environnement merveilleux qui m'était donné une fois entré à l'Ecole.
Raison de plus pour réfléchir à des moyens d'éviter à d'autres de faire cette même erreur. Et cela de façon positive, sans rétorsion, bien entendu.

D'ailleurs, mon analyse rétrospective me fait souvenir que, malgré des soirées souvent bien "occupées", nous restions passionnés par quelques matières merveilleuses, la théorie de la mesure en mathématiques, les calculs de chimie quantique à l'aide des premiers ordinateurs, la thermodynamique hors d'équilibre...
A nous tous, élèves, professeurs, personnel administratif d'inventer des moyens pour qu'il n'y ait pas une année gâchée sur trois. A nous d'inventer des formes d'étude amusantes, stimulantes, socialisantes même ; à nous d'inventer des organisations pour que le corpore sano vienne avec le mens sana ;  à nous d'inventer des formes d'études qui permettent aux  élèves de s'amuser en étudiants, et aux  professeurs de s'amuser aussi, en aidant les élèves à apprendre... mais on pourrait tout aussi bien dire "pour que les professeurs s'amusent, et les élèves aussi".

En vous lisant à la suite, je vois l'expression "projet professionnel", alors que j'avais écrit "projet personnel".  Nous voulons sans doute dire la même chose, mais je préfère ma formulation, qui ne sépare pas le travail professionnel de la vie, car je déteste l'idée d'un métro-boulot-dodo qui fait toujours apparaître le travail comme une punition. Comme je vous l'ai dit précédemment, mon métier est si passionnant que je n'ai même plus besoin de prendre de vacances. Dans votre document, vous évoquez bien des matières stimulantes intellectuellement, et nous nous rejoignons.

A propos des séances de l'Académie d'Agriculture  : oui, vous avez raison de signaler qu'elles sont souvent passionnantes, car en réalité, elles s'apparentent à des regroupements de conférences de type TED sur un thème  (je le sais, puisque j'en organise). Avec ces séances, nous voulons donner  le meilleur aux auditeurs, et je parle d'auditeurs à bon escient,  car nos séances sont podcastées. Et si nous avons là le meilleur, pourquoi ne pas en faire profiter les étudiants, leur donner ipso facto le meilleur  ? Nous éviterions la critique des "mauvais enseignements" (puisque le meilleur), et il serait facile d'organiser des formats d'études fondés sur le visionnage de ses documents vidéo.

Arrivons maintenant à vos mots à propos de "cursus généraliste"  : je viens de faire un billet où je discute ce terme de "généraliste"... mais, surtout, je fais partie de ceux qui pensent que les ingénieurs ne font bien leur métier que s'ils ont une formation théorique solide (voir l'ESPCI). Cela est également vrai des étudiants qui deviendront scientifiques. Quant à ceux qui seront banquiers, assureurs, voire ministres, ils gagneront à bien connaître les faits sur lesquels ils érigent leurs activités, quitte à ce qu'ils épaulent physique, chimie ou biologie par des matières plus appropriées à leur projet... sans tout confondre : ceux qui veulent faire Sciences Po n'ont qu'à y aller  (et pourquoi pas avec des doubles diplômes ?).

Vous parlez ensuite de la difficulté d'intéresser plusieurs centaines d'étudiants...  mais pourquoi vouloir se lancer dans de vaines entreprises ? Si les goûts diffèrent, n'est-ce pas aller dans le mur que de chercher à leur imposer une unique direction ? C'est le sens de mon analyse sur les "études matricielles", dans un billet précédent.

Et puis, ce qui compte, c'est moins de "recevoir" que d'apprendre : invitons les élèves à créer leur propre chemin, et, surtout, à bien identifier leur projet, en les exposant le plus tôt possible à des sujets variés, qui facilitera leur choix s'il n'est pas fait par avance. Proposons leur des fleurs, afin qu'ils fassent leur propre bouquet, l'institution ayant aidés les individus dans l'art du bouquet.

A propos d'une banque de cours, celle-ci a existé par le passé entre toutes les écoles de ParisTech et c'était absolument merveilleux. Inutile de vous dire que j'y ai largement contribué.
Aujourd'hui nous avons les Cours en ligne d'AgroParisTech (où j'ai personnellement mis des dizaines de cours, en plus de podcast),  de sorte que  l'outil nécessaire pour faire ce que vous demandez et que je propose aussi n'est plus à créer  : il existe !

A propos de parrainage : peut-on trouver 320  parrains ? D'abord, on peut imaginer qu'un même parrain ait plusieurs filleuls, et ensuite, oui : le total des personnes permanentes à l'Agro est supérieur à 320. D'autant que l'on peut sans doute compter sur des chercheurs Inrae dans les UMR, et que l'on pourrait recruter des anciens élèves  ! Soyons inventifs, et trouvons des solutions.

Enfin, les travaux pratiques : je suis certain que, si la chose s'impose, alors elle s'impose. L'intendance doit suivre, et à nous, à nouveau, d'inventer des formes adaptées à nos possibilités.

Bref, je ne vois que des opportunités de faire évoluer des formats qui  sont trop longtemps restés figés : nous sommes à l'ère du numérique, et nous n'avons pas la possibilité de ne pas utiliser ces méthodes pour faire mieux qu'au Moyen Âge.

jeudi 16 juillet 2020

L'étude

1. Mes billets précédents m'ont largement montré que l'essentiel, c'est donc l'étude. Pas l'enseignement ; pas les professeurs ! Non, les étudiants, l'étude.

2. Et la clé de l'apprentissage, c'est l'étude. On n'apprend que si l'on étudie, & l'on n'étudie bien que si l'on aime cela.

3. Ce qui a comme conséquence que nos institutions d'études doivent en priorité contribuer à développer ce goût de l'étude. 
Ce qui a des conséquences sur le métier de professeur. 

3. Et "sélectionner" sur cette capacité d'étudier.
Mais je me hâte d'ajouter que ce mot de sélection va pour moi avec celui d'orientation : il s'agit moins de classer (ce serait bien impossible) que de ne pas laisser des étudiants perdre leur temps à faire quelque chose qu'ils n'aiment pas. Si l'on aime étudier la chimie, on est à sa place dans un cursus de chimie ; mais si l'on aime étudier autre chose, alors on est à la place ailleurs qu'en chimie... et l'on voit que c'est le goût pour une matière qui peut être à la base d'une sélection positive !

4. L'étude se fait-elle seul ou à plusieurs ? Pourquoi ne pas penser que les deux solutions sont possibles. Le tout est d'être dans un position active de recherche : on doit prendre plutôt que recevoir... ce qui a des conséquences sur le métier de professeur.

A suivre, évidemment !

lundi 13 juillet 2020

Pourquoi transmettre des faussetés ?

1. Discussion amusante avec des étudiants : pourquoi, me demandent-ils, les systèmes d'études  montrent-ils l'atome sous la forme d'un système planétaire alors que cette représentation est erronée ?  Et ma réponse immédiate est "Imaginez-vous que l'on doive enseigner à des enfants les fonctions d'onde et l'équation de Schrödinger ?".




2. C'était une façon de me débarrasser rapidement d'une question importante, à un moment où j'avais autre chose à faire, mais manifestement la question demeure : oui, est-il vraiment souhaitable de donner à des étudiants des représentations erronées, qui seront "rectifiées" ultérieurement ?

3. A cette question, répondons à nouveau à côté, en observant que toutes les représentations sont fautives. D'ailleurs, les particules ont un comportement corpusculaire et un comportement ondulatoire, de sorte qu'il faudrait donner d'emblée les deux descriptions, chacune insuffisante.

4. Ce qui est évident, c'est que, vu le niveau mathématiques général (et de ceux qui m'ont posé la question en particulier), une présentation mathématique ne convient pas. Que dire, alors ?

5. La question de l'atome n'est pas particulière, et tous les objets scientifiques sont de ce type. Que pouvons-nous dire des molécules, du courant électrique, de la lumière, du mouvement ? Les molécules ? Assemblages d'atomes, elles ne sont pas des lettres fixes reliées par des traits. Le courant électrique ? L'effet Hall quantique montre que ce n'est pas un écoulement d'électrons analogue à un courant de liquide. Le mouvement ? La relativité restreinte suffit pour comprendre que les vitesses ne s'additionnent pas. Bref, chaque "théorie", associée à une "représentation", est insuffisante, à perfectionner, et l'apprentissage se fait lentement,  en passant par des étapes qui sont ensuite dépassées.

6. D'ailleurs, un peu à la manière de l'ontogenèse qui récapitule la phylogénie, on pourrait penser que l'histoire des sciences nous donne un chemin à retracer, évidemment sans nous fourvoyer, comme cela fut fait.

7. De sorte que, finalement, apprendre, c'est peut-être utilement apprendre des représentations successives, toutes insuffisantes. En commençant par le plus ancien !


lundi 23 mars 2020

La vraie question, c'est l'étude.


Oui, je suis de ceux qui étudient seuls, et qui ne peuvent pas étudier en groupe. Bien sûr, je peux étudier dans un café, mais il y a du bruit, du mouvement, de l'agitation, et j'étudie mieux seul, au calme.
Pour autant, je propose ici de ne pas considérer que ma méthode soit la meilleure, et je peux considérer la possibilité -je dis bien  "considérer" et "possibilité"- qu'il puisse y avoir, pour d'autres que moi, une efficacité supérieure à étudier en groupe. Car je n'oublie pas que l'être humain est social, que la socialité est une caractéristique biologique qui a été sélectionnée biologiquement pour promouvoir le succès de l'espèce.
Bref ce n'est pas parce que j'étudie personnellement seul qu'il n'est pas possible que d'autres puissent étudier en groupe.
Mais j'observe qu'il y a bien des façons d'étudier en groupe, d'une part, et, d'autre part, la question est surtout de trouver de "meilleures" méthodes. Pas des méthodes idiosyncratiques, que nous appliquons faute d'avoir le courage d'en essayer de nouvelles ; pas des méthodes que nous appliquons parce que nous n'avons pas l'idée d'en avoir d'autres ; pas des méthodes que nous gardons par paresse. Non, la quète, c'est celle de méthodes meilleures que celles que nous avons, ou, disons plus modestement, de trouver des améliorations de nos méthodes.

Je me vois très démunis vis-à-vis de l'analyse de cette question, au-delà de l'avoir posée. Or je crois qu'il faut répondre toujours non pas en fonction de nos goûts propres, de nos a priori, mais en fonction de données quantitatives. J'observe aussi qu'il n'est pas établi que la même méthode d'étude s'applique à tous... mais l'inverse n'est pas établi non plus. Et, dans l'ignorance des réponses à ces questions, pourquoi supportons-nous que nos systèmes fassent comme ils font ? Pour des raisons économiques ? Certainement. Politiques ? Certainement aussi. Mais tout cela se fait au détriment des études elles-mêmes.
D'ailleurs, en supposant que certains étudient mieux seuls, et d'autres en groupe, on fait une erreur en organisant un même système pour tous. Et, par là-même, on met les professeurs dans une situation intenable. C'est donc une erreur. Mettons-y fin !

Et surtout, mettons-y fin en nous focalisant sur le plus important : donner le goût d'étudier, d'apprendre. Montrons que cela est essentiel et merveilleux, commençons  par trouver les moyens de faire comprendre que cela vaut mieux que ce panem et circenses que les gouvernements instaurent pour ne pas sauter !

vendredi 13 juillet 2018

Y a-t-il assez de science dans les programmes scolaires ?


Les élèves de l'enseignement primaire ou secondaire apprennent-ils assez de "science" ? L'un de mes interlocuteurs voudrait que je milite pour qu'il y en ait plus, et il me fait observer que les élèves intéressés par les sciences sont peu nombreux, en raison d'une culture familiale ou sociale qui ne les pousse pas assez dans cette direction. La culture scientifique se perdrait, elle serait négligée au profit des mathématiques.

Cela me fait penser à une lettre ouverte que l'association des professeurs de physique et de chimie avait adressé au ministre de l'éducation nationale, il y a quelques années, et que j'avais un peu décortiquée... pour m'apercevoir que si j'étais initialement tout à fait de leur bord, j'étais finalement opposé à leurs conclusions.
L'analyse était fondée sur mon observation selon laquelle la science n'est pas la technologie, laquelle n'est pas la technique. On observera que, au cours des études primaires ou secondaires, la technique et la technologie sont réduites à la portion congrue, au profit de ce qui est nommé "science". 

Mais on observera aussi qu'il y a lieu de s'interroger d'abord sur la mission de ces enseignements primaires et secondaires. Que doivent-ils donner ? D'abord, les élèves doivent tous apprendre à parler, lire, écrire, compter, et cela non seulement individuellement, mais aussi collectivement, si l'on peut dire. L'école et le collège doivent être des lieux de mixité sociale, des ferments de cohésion, des apprentissage de la tolérance.
Puis, pour en revenir aux diverses matières : dans le Second degré, passé l'apprentissage de la grammaire et de l'orthographe (mais ce n'est pas gagné,  si j'en juge les message des étudiants que j'ai le plaisir de fréquenter), il y a des idées sur la littérature, lesquelles sont une ouverture à l'art (littéraire), avec des considérations sur la rhétorique. Il y a des enseignements d'histoire et de géographie, afin de pallier ce "Un homme qui ne connaît que sa génération est un enfant" de Cicéron. Il y a des cours de "physique, chimie, biologie" ou des cours de "mathématiques"... dont je me suis toujours étonné que le nom corresponde si peu au contenu.
Les mathématiques ?  Elles ne sont pas réductibles au calcul. La chimie, la physique, la biologie ? Ce sont des "sciences", mais je m'étonne que l 'on ne m'ait jamais dit d'abord cette idée simple :

Les sciences sont des activités qui cherchent les mécanismes des phénomènes par l'usage d'une méthode qui inclut les six étapes :
1. identification d'un phénomène
2. caractérisation quantitative du phénomène
3. réunion des données quantitatives de la caractérisation en "lois" (c'est-à-dire en équations)
4. induction d'une théorie, avec l'introduction de concepts nouveaux, "bordés" par les équations
5. recherche de prévisions théoriques, de conséquences testables quantitativement des concepts introduits
6. tests expérimentaux des prévisions théoriques.

Oui, jamais au cours de mes études, je n'ai reçu ces idées simples. Je ne dis pas que je n'ai pas été content de ce que j'apprenais, mais je ne comprenais pas pourquoi il y avait des "mathématiques" (en réalité, du calcul) dans les cours de chimie, alors que croyais suffisant de voir l'eau de chaux se troubler quand on souffle dedans, ou le sulfate de cuivre précipiter avec de la soude, par exemple.

Et puis, interrogeons-nous un peu : veut-on faire découvrir aux élèves les connaissances actuelles produites par la science ? L'histoire des sciences s'impose alors. Veut-on leur donner la maîtrise de la méthode indiquée ci dessus ? A quoi bon, puisque très peu seront scientifiques. D'ailleurs, les cours de chimie, physique, biologie, sont le plus souvent des apprentissages des notions élémentaires de ces disciplines, et certainement pas de la chimie, de la physique ou de la biologie. Au mieux, on se met dans une peau fantasmée d'un Galilée... et l'on n'atteint pas le niveau d'un Einstein (début du 20e siècle) et encore moins d'un Dirac (il y a un siècle).
On m'objectera que, pour comprendre la mécanique quantique, il faut commencer par le commencement, mais je pose surtout la question de l'objectif : que vise-t-on avec ces cours de "sciences" ? Et pourquoi a-t-on cet objectif ? 
Les réponses sont parfois données dans les commentaires des programmes, et c'est par la discussion de cela qu'il faut commencer, n'est-ce pas ?

Mais surtout, pourquoi la confusion entre les sciences et la technologie ? Et pourquoi cette absence de la technologie dans l'enseignement ? Que vise-t-on et pourquoi ? Quand on aura répondu à cette question, on pourra s'interroger sur la place des sciences dans l'enseignement.



PS. Ici, j'ai essayé de ne pas déborder, mais quand même :
1. faut-il parler d'éducation , ou d'instruction ?
2. je rappelle que je ne crois pas  à l' "enseignement", mais que je propose de considérer l' "étude"

jeudi 4 janvier 2018

A propos de gougères : vive l'Etude


Ce matin, une question amusante  m'arrive par email :

J'ai remarqué que vous aimez bien expliquer les réactions qui se passe dans un produit.
J'aurais aimé savoir si vous aviez un peu de temps à me consacrer pour m'expliquer comment obtient on  des "gougères" car je suis en train de travailler sur ce sujet pendant mon stage.
Si je comprends bien c'est la vapeur d'eau qui fais qu'un chou augmente son volume ? Faut-il avoir une perte d'eau importante ? Si elle est trop importante le chou gonflera-t-il comme même ?
De plus, est-il nécessaire d'avoir un déssèchement de la pâte. Mais  ne serait-il pas possible de créer une pâte à chou sans déssèchement mais en ayant une teneur d'eau optimal et la faire au "Cooking Chef" ?


Tout d'abord, je ne sais pas si "j'aime expliquer" les réactions qui se passent dans les produits. Disons plutôt que mon objectif est d'identifier  des mécanismes et des phénomènes inédits, à partir des transformations culinaires. Il s'agit donc d'une question scientifique (je répète que la gastronomie moléculaire est une discipline scientifique, et non pas de la technologie), et pas technologique, mais  il est exact que la technologie bénéficie nécessairement des résultats scientifiques.

D'autre part, du temps à consacrer à quelqu'un qui étudie les gougères ? Non, je n'ai pas de temps pour cela, parce que ces demandes individuelles m'arrivent environ 30 fois par jour, et ma mission de service public ne consiste pas à faire des assistances techniques particulières... d'où des réponses collectives, que je fais ici, donc.

Les gougères, enfin ? La question est traitée en détail dans mon livre Révélations gastronomiques. Cela dit, je peux ajouter quelques points ici.

Oui, c'est bien l'eau qui s'évapore au contact de la plaque de cuisson qui fait gonfler les choux... puisque, en réalité, les gougères ne  sont autres que des choux au fromage.

 "Faut-il avoir une perte d'eau importante ?" : la question est étrangement posée... surtout, il y a ce "il faut", qui s'apparente à "on doit", qui cache souvent l'essentiel. Il faudrait cela pourquoi ? Sans savoir ce que pense mon interlocuteur à ce sujet, disons que s'il y a évaporation de l'eau, alors le chou gonfle, et le gonflement est d'autant plus grand que plus d'eau s'évapore... à condition que la vapeur soit retenue par la croûte supérieure.

La question est la suivante : les choux subissent à la fois ce gonflement, en raison d'une évaporation de la base, mais  aussi  un croûtage de la surface supérieure, d'une migration des bulles de vapeur dans la masse (comme dans  un soufflé, où, à travers la porte vitrée du four, on voit les bulles crever à la surface), et d'une coagulation de la masse, en raison de la présence de l'oeuf.
Et l'on se reportera à deux séminaires de gastronomie moléculaire de 2015, que  nous avons consacrés aux gougères : [http://www.agroparistech.fr/Les-seminaires-de-gastronomie,3092.html.->http://www.agroparistech.fr/Les-seminaires-de-gastronomie,3092.html] Les comptes rendus sont sur ce site, et l'on peut s'inscrire, pour les recevoir automatiquement, en envoyant un email à icmg@agroparistech.fr.

 Est-il nécessaire d'avoir un dessèchement de la panade ? Cela n'est pas clair, à ce jour, et tout dépend notamment des proportions d'eau  et de farine de la panade. Surtout, le dessèchement permet d'introduire de l'oeuf tout en conservant une tenue qui évite l'étalement.

Vive l'Etude !

 














Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

vendredi 16 juin 2017

Nous devons nous faire une vie d'étude douillette

En quête de "lumière", nous devons mettre toutes nos fibres en ordre de bataille, puis mobiliser toutes nos forces, afin de vaincre les préjugés, les opinions, les sentiments, les a priori... Il nous faut une pensée claire, posée sur des mots justes. Les mots justes doivent correspondre à des idées, justes, et nous devons mettre de côté notre mauvaise foi, ne pas céder à l'envie de petits arrangements un peu veules. Nous devons être intransigeants avec les concepts et leur environnement. Jamais nous ne devons accepter de l'à-peu-près, jamais nous ne devons mettre la poussière sous le tapis. Tout doit être clair, limpide...

Evidemment, pour parvenir à cet état, nous devons mettre de côté cette poussière du monde que nous ne cessons de créer. Comment nous y prendre ?

La question est difficile, mais cela vaut la peine de se raccrocher à une série de petits "trucs". En faisceaux, ces dispositions deviendront efficaces. Un "truc" ?
Dans notre groupe de recherche, nous avions des règles : des contraintes. Nous les avons nommées des "postulats", et, soudain, les contraintes sont devenues des aides, un support, un socle solide sur lequel nous pouvons marcher d'un pas ferme.

Généralisons  !

jeudi 20 avril 2017

Bannissons le mot "enseignement

Posons d'abord  l'idée selon laquelle la question essentielle est que les étudiants apprennent. La possibilité, pour les enseignants, d'enseigner, est secondaire, n'est-ce pas ? En effet, on ne paye pas les enseignants pour qu'ils enseignent, mais pour que les étudiants obtiennent progressivement des connaissances, ou, bien mieux, des compétences. Et le choix de ces dernières est guidé par un objectif supérieur, qui peut être d'avoir un métier, par exemple, ou bien d'être éclairé par de la connaissance en vue d'une citoyenneté... éclairée.
Bref, il faut d'abord que les étudiants apprennent. Comment nommer cette activité ? Pas "enseignement", on le voit. Pas "pédagogie" non plus, car les étudiants de l'université ne sont plus des enfants, mais des adultes qui ont le droit de vote et, en contrepartie de ce droit, on le devoir de se comporter en (bons) citoyens.
Alors "éducation" ? Il y a l'étymologie ex ducere, conduire hors du chemin : mais là encore, l'étudiant est considéré comme être passif, que l'on manipule.
Le terme d'"apprentissage" est mieux, ou "étude". De sorte que l'on devrait sans tarder changer des terminologies néfastes comme "enseignement supérieur" en "apprentissage supérieur", ou "études supérieures". Cela sonne bizarre ? Ne nous en faisons pas : après quelque temps, cela nous paraîtra tout naturel... et tellement plus juste !

samedi 1 avril 2017

Les systèmes d'enseignements doivent avoir pour priorité d'enseigner à apprendre

Je récapitule : dans les années 2000, je m'étais interrogé sur l'enseignement supérieur, et j'avais produit un très gros document qui partait d'attendus, c'est-à-dire d'idées acceptées par tous, telle que : "Pour savoir quelque chose, il faut l'avoir appris". De ces attendus, je tirais des conclusions directes, à la manière d'une succession de syllogismes. C'était inéluctable, ennuyeux... et faux !

Oui, c'était faux, parce que la question n'est pas d'enseigner, mais d'apprendre. Je n'aime pas l'idée d'enseignement, du premier degré, du deuxième degré, supérieur. Nous devrions rapidement changer les dénominations pour "apprentissage". Le mot "éducation" est plus neutre, mais un peu hypocrite, car il ne prend pas clairement parti.
Ceux qui m'intéressent, ce sont ceux qui apprennent. D'ailleurs, à la réflexion, moi contribuable, je ne souhaite pas que l'on paye des enseignants pour enseigner, ce qui serait une simple obligation de moyens, mais je veux que ceux qui se préoccupent des étudiants soient d'abord là pour que ces étudiants apprennent, ce qui est un résultat !
Bien sûr, je sais faire la critique de cette idée que je propose, car il serait insensé de croire que les enseignants puissent forcer des étudiants à travailler ou que tous les étudiants parviennent à apprendre ;  l'expérience prouve qu'il y en a qui n'y arrivent pas, non pas qu'ils manquent de capacités intellectuelles (je veux croire à une égalité absolue, de ce point de vue), mais plutôt parce qu'ils ne parviennent pas à se mettre dans les conditions qu'impose l' "étude", pour mille raisons (des soucis, matériels ou spirituels, les hormones, etc.).
D'autre part, je ne méconnais pas le fait que certains enseignants ont du "talent" (sans doute fondé sur leur travail)  : ils parviennent à montrer l'intérêt des matières dont ils sont les promoteurs, ils suscitent de l'enthousiasme pour des sujets dont ils traitent, de sorte que les étudiants -avec leurs moyens qui dépendent notamment de leur histoire personnelle- y passent plus de temps, et, ipso facto, apprennent davantage.

Tout cela étant dit, la discussion ci-dessus reste dans l'idée de "matières" à enseigner... ou à apprendre, ce qui est un détail par rapport aux valeurs, aux méthodes... Je ne parviens pas à croire qu'il soit bien intéressant de savoir que le blanc d'oeuf est fait de 10 pour cent de protéines et de 90 pour cent d'eau : c'est en ligne ! Les informations ne me semblent pas très utiles.
Les notions et concepts ? Là, c'est déjà mieux, parce que ce serait dommage que les étudiants réinventent la poudre. Bien sûr, un génie ignorant la notion d'entropie pourrait être conduit à la réinventer... mais pourquoi ne pas la connaître, plus simplement ?
Mais là encore, j'ai l'impression qu'un étudiant qui partirait, sur internet, à la recherche de la composition du blanc d'oeuf serait bientôt conduit, de lecture en lecture, à cette notion d'entropie et à d'autres notions du même type.
En revanche, internet ne donne guère de méthodes et de valeurs. Pour ces champs, c'est la cacophonie... ou le silence du désert. Et voilà pourquoi les professeurs ont peut-être la mission de transmettre ces dernières. Car ce sont elles qui conduisent à mieux apprendre.

Reste que que, apprendre, c'est passer du temps à apprendre, et apprendre avec une méthode qui permette d'apprendre.

dimanche 27 septembre 2015

A propos des mots de l'enseignement et de l'apprentissage

Il va quand même falloir s'interroger sur les mots de l'enseignement et de ce que je nomme l'apprentissage pour désigner le travail de ceux qui apprennent.


Le mot "enseignant" est miné ! 

On a insuffisamment pris garde au fait que  l'emploi du mot "enseignant" était idéologique : nous avions initialement les instituteurs, les professeurs des écoles, de collèges et de lycée, licenciés ou agrégés, les maîtres de conférences, les professeurs d’université, mais le mot « enseignant » vise à ne faire qu'un seul corps.
Quand on prend le mot avec un peu de fraîcheur, on s'aperçoit qu'il est bien  lourd (un participe présent), ce qui n'est pas particulièrement grave, sauf si l'on considère comme Condillac et Lavoisier (une autre pointure que les petits marquis) que la pensée, c'est la langue. A langue lourde, pensée lourde ; à langue subtile, pensée intelligente.

D'autre part, c'est un fait que l'introduction du mot "enseignant" a mis dans un même sac des compétences différentes… alors qu'il y a de vraies différences, qui ne se gomment pas, même d'une loi : un instituteur n'est pas un professeur d'université, et sans prétendre que l'un vaut plus que l'autre, en termes d'"humanité", on doit observer que les différences portent à la fois sur les connaissances et sur les compétences, scientifiques et pédagogiques.
Regardons les choses en face, par exemple pour les professeurs de l'enseignement du second degré (mais le raisonnement vaut pour tous les types de professeurs) : à un moment de leur vie, certains ont décidé de passer des jours et des nuits à préparer l'agrégation, à obtenir des connaissances et des compétences (scientifiques et pédagogiques) spécifiques, qu'ils n'avaient pas et que leurs camarades n'avaient pas non plus (pour savoir quelque chose, il faut l'avoir appris), et cette "capacité" a été reconnue par la réussite à un concours. Les autres, ceux qui  n'ont pas travaillé pour préparer l'agrégation,  ont préféré utiliser leur temps à faire des activités qui ne leur donnaient pas ces compétences et connaissances. C'est leur choix, mais il y a finalement le résultat : les agrégés ont des connaissances et des compétences que les autres n'ont pas, et il n'y a pas d'égalité entre agrégés et non agrégés !
Certes les individus doivent avoir une seconde (et pourquoi pas une troisième, etc.) chance, d'une part, parce qu'il serait injuste que l'impossibilité (pour des raisons familiales, financières, etc.) d'avoir des connaissances et des compétences à un moment donné de l'existence soit une porte définitivement fermée, et, d'autre part, parce que le diplômé qui cesserait d'avancer irait sans doute moins loin que le non diplômé qui continuerait régulièrement son chemin. Il faut donc reconnaître le travail de chacun tout au long d'une carrière... Toutefois, entre un individu qui a passé l'agrégation et a continué à travailler avec la même énergie, et un individu qui n'a pas préparé l'agrégation et a continué sur sa lancée, il y a nécessairement des différences, à l'arrivée. Bref, il y a des différences de connaissances et de compétences entre les professeurs ; c'est un fait.

Le raisonnement  vaut pour tous les « enseignants », et si l'on comprend que des démagogues veuillent flatter ceux qui n'ont pas travaillé autant que ceux qui ont travaillé (les démagogues cherchent à avoir l'approbation du plus grand nombre ; or  ceux qui n'ont pas été sélectionnés par des examens difficiles sont plus nombreux que les autres), ce n'est pas un mot - "enseignant"- qui gommera les différences de connaissances ou de compétences.
Finalement, je conclus -c'est peu original- que les mots ont des sens qu'il importe de trouver, et que l'on gagnera en intelligence, en compréhension, à séparer les catégories générales (enseignants) en catégories particulières dont on reconnaîtra les caractéristiques.


Il faut dire la vérité aux étudiants 

J'insiste un peu, parce que nous avons un devoir d'… enseignant à dire cela aux étudiants : entre un devoir bien fait et un devoir bâclé, il y a une différence que l'on perçoit immédiatement. Tout ne se vaut pas, et je ne me résoudrai pas à bien noter une copie mal faite.  Enfin, il  faut dire aux étudiants que le temps perdu par certains ne se rattrape que très difficilement, voire exceptionnellement : celui ou celle qui arrive en mastère sans des connaissances scientifiques de base (l'intégration, le calcul matriciel, la connaissance de la thermodynamique...) ne peut les obtenir en une année, avant son diplôme.
D'ailleurs, pour les « étudiants », la même question que pour les "enseignants" se pose. Quelle est la différence entre écoliers, élèves, collégiens, lycéens, étudiants, apprenants, disciples même ?


La vraie question : qui paye ? Qu'apprend-on ? 

Plutôt qu'opposer ceux qui apprennent et ceux qui enseignent, je propose de penser aussi, dans cette discussion, à ceux qui payent les études, à savoir souvent les parents.
Et comment sera nommée l'activité qui réunit les deux premiers groupes, avec le troisième groupe en soutien des apprenants ? Enseignement ? Apprentissage ? Comment seront nommés les travaux ? Exercices ? Leçons ? Devoirs ? Stages ? Cours ?
La question s'impose, car le contrat qui réunit les trois parties est aujourd'hui  bien trop implicite, et donc discutable. La simplicité voudrait que l'on mette d'un côté les apprenants et de l'autre les enseignants, ce qui réglerait la question, mais des billets précédents ont bien montré que tout n'est pas simple, et que si les enseignants veulent enseigner, ce désir peut être  contrarié si les apprenants n'ont pas envie d'apprendre.
Apprendre ou étudier ? Et apprendre quoi ?  Classiquement on distingue  les connaissances et les compétences : une connaissance, c'est ce que l'on sait ; une compétence est ce que l'on sait faire. Toutefois ces deux catégories n'épuisent pas la question de l'enseignement, car les apprenants, face à un enseignant, obtiennent bien plus que  connaissances et compétences. Ils découvrent une façon de vivre, une culture, de la méthode, des valeurs, des anecdotes… De sorte que la discussion doit tenir compte de l'ensemble de ces éléments « pédagogiques » (le mot est mal choisi, car il s'applique à des enfants, alors que l'on est adulte à 18 ans).
Bref, il y a lieu de s'interroger sur les mots, et le seul recours juste est l'étymologie. En effet, puisque chacun met son acception idiosyncratique dans les mots, nous ne pouvons nous fonder sur la démocratie pour décider de l'acception de ces derniers : il y en aura autant que de communautés, et la majorité n'a pas nécessairement raison.
Il nous faut donc plonger dans un dictionnaire… mais avant de le faire, une dernière question : ces discussions méthodologiques sont-elles  une perte de temps ? Je ne crois pas :  l'emploi des mots s'apparente pour l'esprit à  l'emploi d'outils, et c'est un fait que,  pour enfoncer des clous, un tournevis ne vaut pas un marteau. Souvent, ceux qui rejettent les discussions terminologiques sont des paresseux ou des négligents, qui soit n'ont pas la capacité de comprendre, soit n'ont pas l'envie de prendre du temps à chercher à perfectionner  leur esprit, soit ont  une volonté idéologique de gommer les différences, ou, au contraire, de les accentuer. Le bon usage des mots est essentiel pour l'exercice d'une pensée claire, pour penser par soi-même : Sapere aude, aies le courage de penser par toi-même, conseillaient les philosophes des Lumières, les Encyclopédistes qui, à l'époque, devaient lutter contre un clergé étouffant (l'Inquisition!) et une monarchie incompétente, qui passait son temps à des vétilles coûteuses à l'ensemble du corps social.

Recourons à l'étymologie ! 

Bref, cherchons le sens des mots :
- écolier : signifie d'abord "Étudiant d'une université", puis "Enfant qui fréquente l'école primaire (ou école du premier degré)."  Le mot est dérivé  du latin classique schola,  « loisir studieux ; leçon; lieu où l'on enseigne » et  au bas latin « corporation, compagnie », au grec σ χ ο λ η ́ (proprement « arrêt de travail ») « loisir consacré à l'étude; leçon ; groupe de personnes qui reçoivent cet enseignement ».
- étudiant : c'est celui ou celle qui fait des études dans un établissement d'enseignement supérieur. Le mot "étudiant" dérive du verbe "étudier" : "Appliquer son esprit à l'acquisition le plus souvent par la lecture de connaissances dans différents domaines". En 1155, le verbe "étudier" signifiait  « chercher à acquérir une connaissance » (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 3341 : Mult sout e mult estudia). Il est dérivé du latin studere « s'appliquer à », de studium « application, zèle; application à l'étude, étude ».
 - collégien : "Élève d'un collège". Le mot "collège", lui, signifie aujourd'hui "Établissement d'enseignement du second degré", mais il signifiait jadis "Corps de personnes revêtues d'une même dignité ou chargées d'une même fonction". Le mot "collège" vient du latin collegium « ensemble, corps (de magistrats, de prêtres) » qui au Moyen Âge désigne diverses communautés de laïcs ou de religieux.
- lycéen : "Élève d'un lycée. Anciennement, établissement d'enseignement secondaire créé par l'État en 1802, destiné à recevoir des élèvres masculins payants ou boursiers de l'État, pourvu le plus souvent d'un internat et quelquefois de classes du cycle élémentaire". En 1721, le lycée était le «lieu où s'assemblent les gens de lettres», puis à partir de 1790, le  «lieu consacré à l'instruction». Le mot "lycée" vient du nom du Lycée,  «gymnase situé au nord-est d'Athènes où enseignait Aristote».
 - professeur : "Personne qui enseigne une discipline, une technique, un art".  Etymologiquement, professer signifie  «avouer publiquement» (GUEVARRE, Epistres dorées, IV, trad. J. de Barraud, 128b d'apr. H. VAGANAY ds Rom. Forsch. t.32, p.136). Plus récemment, le professeur est "Celui, celle qui établit quelqu'un dans la connaissance, la science de quelque chose".
- instituteur : "Celui, celle qui institue quelque chose". Le mot vient d'institutor,  « celui qui dispose, administre » attesté en bas latin au sens de « maître »,  formé sur institutum, « plan établi », « décision ».
- maître de conférences :  "maître" vient du latin magister «chef, directeur, celui qui enseigne»,  qui a supplanté comme nom commun le latin classique dominus. D'autre part,  "conférence" est emprunté au latin médiéval conferentia « confrontation; réunion », du latin conferre « rapprocher », en particulier « mettre en commun des propos », « comparer ».
 - préparateur :  emprunté au latin praeparare «ménager d'avance, apprêter d'avance».
 - tuteur : le mot vient du latin tutor,  « défenseur, protecteur, gardien".
- enseignement : vient du latin vulgaire insignare, ou du latin classique insignire « signaler, désigner ».
 - apprentissage : vient du latin  apprehendere, « prendre, saisir »,  d'où en bas latin le sens « saisir par l'esprit, apprendre, étudier ».
 - leçon : vient du latin lectionem, accusatif de lectio « cueillette ; lecture, texte; choix ».
- devoir : "Tâche écrite, de dimension limitée, variant suivant les matières, imposée à des élèves ou à des étudiants en cours de scolarité". Vient de debere, "être redevable"
- exercice : Action ou moyen d'exercer ou de s'exercer. Vient du latin classique exercere « mettre en mouvement; tourmenter, former par des exercices; exercer (une profession) ».
- cours : Écoulement continu d'une eau courante. Enseignement suivi dans une discipline précise ; l'une des leçons de cet enseignement. Vient de cursus, "chemin".

A propos des mots de l'enseignement et de l'apprentissage

Il va quand même falloir s'interroger sur les mots de l'enseignement et de ce que je nomme l'apprentissage pour désigner le travail de ceux qui apprennent.


Le mot "enseignant" est miné ! 

On a insuffisamment pris garde au fait que  l'emploi du mot "enseignant" était idéologique : nous avions initialement les instituteurs, les professeurs des écoles, de collèges et de lycée, licenciés ou agrégés, les maîtres de conférences, les professeurs d’université, mais le mot « enseignant » vise à ne faire qu'un seul corps.
Quand on prend le mot avec un peu de fraîcheur, on s'aperçoit qu'il est bien  lourd (un participe présent), ce qui n'est pas particulièrement grave, sauf si l'on considère comme Condillac et Lavoisier (une autre pointure que les petits marquis) que la pensée, c'est la langue. A langue lourde, pensée lourde ; à langue subtile, pensée intelligente.

D'autre part, c'est un fait que l'introduction du mot "enseignant" a mis dans un même sac des compétences différentes… alors qu'il y a de vraies différences, qui ne se gomment pas, même d'une loi : un instituteur n'est pas un professeur d'université, et sans prétendre que l'un vaut plus que l'autre, en termes d'"humanité", on doit observer que les différences portent à la fois sur les connaissances et sur les compétences, scientifiques et pédagogiques.
Regardons les choses en face, par exemple pour les professeurs de l'enseignement du second degré (mais le raisonnement vaut pour tous les types de professeurs) : à un moment de leur vie, certains ont décidé de passer des jours et des nuits à préparer l'agrégation, à obtenir des connaissances et des compétences (scientifiques et pédagogiques) spécifiques, qu'ils n'avaient pas et que leurs camarades n'avaient pas non plus (pour savoir quelque chose, il faut l'avoir appris), et cette "capacité" a été reconnue par la réussite à un concours. Les autres, ceux qui  n'ont pas travaillé pour préparer l'agrégation,  ont préféré utiliser leur temps à faire des activités qui ne leur donnaient pas ces compétences et connaissances. C'est leur choix, mais il y a finalement le résultat : les agrégés ont des connaissances et des compétences que les autres n'ont pas, et il n'y a pas d'égalité entre agrégés et non agrégés !
Certes les individus doivent avoir une seconde (et pourquoi pas une troisième, etc.) chance, d'une part, parce qu'il serait injuste que l'impossibilité (pour des raisons familiales, financières, etc.) d'avoir des connaissances et des compétences à un moment donné de l'existence soit une porte définitivement fermée, et, d'autre part, parce que le diplômé qui cesserait d'avancer irait sans doute moins loin que le non diplômé qui continuerait régulièrement son chemin. Il faut donc reconnaître le travail de chacun tout au long d'une carrière... Toutefois, entre un individu qui a passé l'agrégation et a continué à travailler avec la même énergie, et un individu qui n'a pas préparé l'agrégation et a continué sur sa lancée, il y a nécessairement des différences, à l'arrivée. Bref, il y a des différences de connaissances et de compétences entre les professeurs ; c'est un fait.

Le raisonnement  vaut pour tous les « enseignants », et si l'on comprend que des démagogues veuillent flatter ceux qui n'ont pas travaillé autant que ceux qui ont travaillé (les démagogues cherchent à avoir l'approbation du plus grand nombre ; or  ceux qui n'ont pas été sélectionnés par des examens difficiles sont plus nombreux que les autres), ce n'est pas un mot - "enseignant"- qui gommera les différences de connaissances ou de compétences.
Finalement, je conclus -c'est peu original- que les mots ont des sens qu'il importe de trouver, et que l'on gagnera en intelligence, en compréhension, à séparer les catégories générales (enseignants) en catégories particulières dont on reconnaîtra les caractéristiques.


Il faut dire la vérité aux étudiants 

J'insiste un peu, parce que nous avons un devoir d'… enseignant à dire cela aux étudiants : entre un devoir bien fait et un devoir bâclé, il y a une différence que l'on perçoit immédiatement. Tout ne se vaut pas, et je ne me résoudrai pas à bien noter une copie mal faite.  Enfin, il  faut dire aux étudiants que le temps perdu par certains ne se rattrape que très difficilement, voire exceptionnellement : celui ou celle qui arrive en mastère sans des connaissances scientifiques de base (l'intégration, le calcul matriciel, la connaissance de la thermodynamique...) ne peut les obtenir en une année, avant son diplôme.
D'ailleurs, pour les « étudiants », la même question que pour les "enseignants" se pose. Quelle est la différence entre écoliers, élèves, collégiens, lycéens, étudiants, apprenants, disciples même ?


La vraie question : qui paye ? Qu'apprend-on ? 

Plutôt qu'opposer ceux qui apprennent et ceux qui enseignent, je propose de penser aussi, dans cette discussion, à ceux qui payent les études, à savoir souvent les parents.
Et comment sera nommée l'activité qui réunit les deux premiers groupes, avec le troisième groupe en soutien des apprenants ? Enseignement ? Apprentissage ? Comment seront nommés les travaux ? Exercices ? Leçons ? Devoirs ? Stages ? Cours ?
La question s'impose, car le contrat qui réunit les trois parties est aujourd'hui  bien trop implicite, et donc discutable. La simplicité voudrait que l'on mette d'un côté les apprenants et de l'autre les enseignants, ce qui réglerait la question, mais des billets précédents ont bien montré que tout n'est pas simple, et que si les enseignants veulent enseigner, ce désir peut être  contrarié si les apprenants n'ont pas envie d'apprendre.
Apprendre ou étudier ? Et apprendre quoi ?  Classiquement on distingue  les connaissances et les compétences : une connaissance, c'est ce que l'on sait ; une compétence est ce que l'on sait faire. Toutefois ces deux catégories n'épuisent pas la question de l'enseignement, car les apprenants, face à un enseignant, obtiennent bien plus que  connaissances et compétences. Ils découvrent une façon de vivre, une culture, de la méthode, des valeurs, des anecdotes… De sorte que la discussion doit tenir compte de l'ensemble de ces éléments « pédagogiques » (le mot est mal choisi, car il s'applique à des enfants, alors que l'on est adulte à 18 ans).
Bref, il y a lieu de s'interroger sur les mots, et le seul recours juste est l'étymologie. En effet, puisque chacun met son acception idiosyncratique dans les mots, nous ne pouvons nous fonder sur la démocratie pour décider de l'acception de ces derniers : il y en aura autant que de communautés, et la majorité n'a pas nécessairement raison.
Il nous faut donc plonger dans un dictionnaire… mais avant de le faire, une dernière question : ces discussions méthodologiques sont-elles  une perte de temps ? Je ne crois pas :  l'emploi des mots s'apparente pour l'esprit à  l'emploi d'outils, et c'est un fait que,  pour enfoncer des clous, un tournevis ne vaut pas un marteau. Souvent, ceux qui rejettent les discussions terminologiques sont des paresseux ou des négligents, qui soit n'ont pas la capacité de comprendre, soit n'ont pas l'envie de prendre du temps à chercher à perfectionner  leur esprit, soit ont  une volonté idéologique de gommer les différences, ou, au contraire, de les accentuer. Le bon usage des mots est essentiel pour l'exercice d'une pensée claire, pour penser par soi-même : Sapere aude, aies le courage de penser par toi-même, conseillaient les philosophes des Lumières, les Encyclopédistes qui, à l'époque, devaient lutter contre un clergé étouffant (l'Inquisition!) et une monarchie incompétente, qui passait son temps à des vétilles coûteuses à l'ensemble du corps social.

Recourons à l'étymologie ! 

Bref, cherchons le sens des mots :
- écolier : signifie d'abord "Étudiant d'une université", puis "Enfant qui fréquente l'école primaire (ou école du premier degré)."  Le mot est dérivé  du latin classique schola,  « loisir studieux ; leçon; lieu où l'on enseigne » et  au bas latin « corporation, compagnie », au grec σ χ ο λ η ́ (proprement « arrêt de travail ») « loisir consacré à l'étude; leçon ; groupe de personnes qui reçoivent cet enseignement ».
- étudiant : c'est celui ou celle qui fait des études dans un établissement d'enseignement supérieur. Le mot "étudiant" dérive du verbe "étudier" : "Appliquer son esprit à l'acquisition le plus souvent par la lecture de connaissances dans différents domaines". En 1155, le verbe "étudier" signifiait  « chercher à acquérir une connaissance » (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 3341 : Mult sout e mult estudia). Il est dérivé du latin studere « s'appliquer à », de studium « application, zèle; application à l'étude, étude ».
 - collégien : "Élève d'un collège". Le mot "collège", lui, signifie aujourd'hui "Établissement d'enseignement du second degré", mais il signifiait jadis "Corps de personnes revêtues d'une même dignité ou chargées d'une même fonction". Le mot "collège" vient du latin collegium « ensemble, corps (de magistrats, de prêtres) » qui au Moyen Âge désigne diverses communautés de laïcs ou de religieux.
- lycéen : "Élève d'un lycée. Anciennement, établissement d'enseignement secondaire créé par l'État en 1802, destiné à recevoir des élèvres masculins payants ou boursiers de l'État, pourvu le plus souvent d'un internat et quelquefois de classes du cycle élémentaire". En 1721, le lycée était le «lieu où s'assemblent les gens de lettres», puis à partir de 1790, le  «lieu consacré à l'instruction». Le mot "lycée" vient du nom du Lycée,  «gymnase situé au nord-est d'Athènes où enseignait Aristote».
 - professeur : "Personne qui enseigne une discipline, une technique, un art".  Etymologiquement, professer signifie  «avouer publiquement» (GUEVARRE, Epistres dorées, IV, trad. J. de Barraud, 128b d'apr. H. VAGANAY ds Rom. Forsch. t.32, p.136). Plus récemment, le professeur est "Celui, celle qui établit quelqu'un dans la connaissance, la science de quelque chose".
- instituteur : "Celui, celle qui institue quelque chose". Le mot vient d'institutor,  « celui qui dispose, administre » attesté en bas latin au sens de « maître »,  formé sur institutum, « plan établi », « décision ».
- maître de conférences :  "maître" vient du latin magister «chef, directeur, celui qui enseigne»,  qui a supplanté comme nom commun le latin classique dominus. D'autre part,  "conférence" est emprunté au latin médiéval conferentia « confrontation; réunion », du latin conferre « rapprocher », en particulier « mettre en commun des propos », « comparer ».
 - préparateur :  emprunté au latin praeparare «ménager d'avance, apprêter d'avance».
 - tuteur : le mot vient du latin tutor,  « défenseur, protecteur, gardien".
- enseignement : vient du latin vulgaire insignare, ou du latin classique insignire « signaler, désigner ».
 - apprentissage : vient du latin  apprehendere, « prendre, saisir »,  d'où en bas latin le sens « saisir par l'esprit, apprendre, étudier ».
 - leçon : vient du latin lectionem, accusatif de lectio « cueillette ; lecture, texte; choix ».
- devoir : "Tâche écrite, de dimension limitée, variant suivant les matières, imposée à des élèves ou à des étudiants en cours de scolarité". Vient de debere, "être redevable"
- exercice : Action ou moyen d'exercer ou de s'exercer. Vient du latin classique exercere « mettre en mouvement; tourmenter, former par des exercices; exercer (une profession) ».
- cours : Écoulement continu d'une eau courante. Enseignement suivi dans une discipline précise ; l'une des leçons de cet enseignement. Vient de cursus, "chemin".